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Irlande : « oui » massif en faveur de la libéralisation de l’avortement


Des Irlandaises favorables à la libéralisation de l'avortement célèbrent la victoire du oui, samedi à Dublin. (Photo: AFP)

L’Irlande, pays à forte tradition catholique où la loi sur l’avortement est actuellement l’une des plus restrictives d’Europe, a largement dit « oui » par référendum à la légalisation de l’IVG, selon des sondages sortie des urnes.

Le Premier ministre irlandais, Leo Varadkar, a salué samedi « l’aboutissement d’une révolution tranquille » en Irlande, pays catholique où le oui arrive largement en tête du référendum sur la libéralisation de l’avortement. « Ce que nous voyons aujourd’hui, c’est l’aboutissement d’une révolution tranquille qui s’est déroulée en Irlande au cours des dix ou vingt dernières années », a déclaré Leo Varadkar. « Le peuple a dit que nous voulons une Constitution moderne pour un pays moderne, que nous faisons confiance aux femmes et que nous les respectons pour prendre les bonnes décisions concernant leur propre santé ».

67,38% des électeurs se sont prononcés pour une libéralisation de la législation sur l’IVG, actuellement l’une des plus restrictives d’Europe, selon des résultats partiels portant sur 21 circonscriptions dépouillées sur 40 en milieu d’après-midi. La participation s’élève à 64,75%. Les résultats définitifs devraient être dévoilés en fin d’après-midi, trois ans après la légalisation, par référendum, du mariage homosexuel, qui avait déjà provoqué un séisme culturel dans ce pays de 4,7 millions d’habitants.

Nouvelle loi avant la fin de l’année

Le gouvernement a proposé d’autoriser l’avortement pendant les 12 premières semaines de grossesse, et jusqu’à 24 semaines pour raisons de santé. Leo Varadkar, premier chef de l’exécutif ouvertement homosexuel, a indiqué que la nouvelle législation serait promulguée « avant la fin de cette année ». Le ministre de la Santé, Simon Harris, a préciséque l’exécutif se réunirait mardi pour discuter du projet de loi avec l’objectif de le présenter « à l’automne » au Parlement, où il devrait être adopté sans difficulté, les chefs des deux principaux partis d’opposition, Fianna Fail et Sinn Fein, soutenant la réforme.

Dans un centre de comptage à Dublin, l’atmosphère est à la fête. Des gens se tombent dans les bras, s’embrassent. « Nous avons définitivement rompu avec une histoire qui était vraiment très dure pour les femmes », se félicite Ailbhe Smyth, 71 ans, de la campagne « Together for Yes ». Deux sondages réalisés à la sortie des bureaux de vote publiés vendredi soir donnent le oui gagnant, l’un à 68%, et l’autre à 69,4%. Selon l’étude de l’institut Ipsos/MRBI réalisée pour le journal Irish Times, il arrive largement en tête chez les femmes (70%) comme chez les hommes (65%).

« Nous sommes sortis de l’âge des ténèbres »

Mais le changement de législation est particulièrement plébiscité chez les jeunes (87% chez les 18-24 ans). Les personnes de plus de 65 ans ont voté majoritairement contre. « Nous nous sommes sortis de l’âge des ténèbres. Nous ne sommes plus un pays arriéré, comme l’Eglise voulait nous le faire croire », s’est réjouie Catherine Claffey, une fleuriste de Dublin âgée de 53 ans. « Le vote pour le oui montre un immense désir de changement que personne n’avait prévu », analysait l’Irish Times.

Cora Sherlock, porte-parole de la « Pro Life Campaign », a elle évoqué « un jour désastreux » tandis que John McGuirk de la campagne anti-IVG « Save the 8th », ne s’est pas avoué vaincu. « Chaque fois qu’un enfant à naître verra sa vie terminée en Irlande, nous nous y opposerons et ferons entendre notre voix », a-t-il dit dans un communiqué.

Quelque 3,5 millions d’électeurs étaient appelés à se prononcer vendredi à l’issue d’une âpre campagne, dont un des grands axes fut la mobilisation de l’électorat, les militants anti-avortement tablant sur un sursaut de l’Irlande rurale, tandis que les pro-choix ont fortement encouragé les jeunes à voter. La consultation posait précisément la question de l’abrogation du 8e amendement de la Constitution irlandaise, introduit en 1983, qui interdit l’avortement au nom du droit à la vie de « l’enfant à naître (…) égal à celui de la mère ».

Déclin de l’Eglise catholique

Après le décès de septicémie d’une femme enceinte, une réforme a été introduite en 2013 permettant une exception lorsque la vie de la mère est menacée. Mais l’IVG reste interdite dans tous les autres cas, contraignant des dizaines de milliers de femmes à aller avorter à l’étranger au cours des trente dernières années.

La consultation, qui intervient à trois mois d’une visite du pape François en Irlande, traduit le déclin de l’influence de l’Église catholique, dont la puissante tutelle s’est érodée en raison des bouleversements économiques et sociaux. Elle paie aussi le prix des affaires de pédophilie impliquant des prêtres. « Il est grand temps que l’Irlande officielle arrête d’entretenir des vues extrêmement conservatrices sur les questions sociales et morales. Le peuple a parlé et ce qu’il a dit haut et fort c’est que nous sommes une société moderne, libérale et progressiste », a déclaré sur Twitter David Farrell, directeur de l’école de politique de l’University College Dublin.

Le Quotidien/AFP