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Les inquiétantes fins de séances à Wall Street


Les échanges se concentrent de plus en plus en fin de séance à Wall Street. Un phénomène «inquiétant car incontrôlable". (Photo : AP)

L’avènement de certains produits financiers à Wall Street a engendré une forte concentration des échanges dans les dernières minutes des séances boursières, aggravant de récents plongeons qui pourraient se reproduire plus fréquemment à l’avenir.

« Les mouvements près de la clôture de la Bourse se sont accélérés sur la dernière quinzaine d’années », observe Howard Silverblatt, spécialiste des indices boursiers pour la société S&P Dow Jones Indices.

Ils atteignent désormais des niveaux inédits. Sur le New York Stock Exchange et le Nasdaq cette année, 22% des échanges ont été réalisés en moyenne lors de la dernière demi-heure, d’après des données de la société Investment Technology Group (ITG). C’était encore 19% en 2014.

Le phénomène a été favorisé par l’avènement des fonds d’investissements dits « passifs », ces produits financiers dont l’objectif est de répliquer la performance d’un groupe d’actions ou d’un indice boursier, à la hausse comme à la baisse.

Regroupés sous l’appellation de fonds indiciels ou ETF, ils connaissent un âge d’or depuis quelques années dans la mesure où ils permettent d’obtenir des rendements plus importants que le courtage traditionnel, tout en économisant au passage d’importants frais de gestion.

Ces fonds, qui représentaient 800 milliards de dollars en 2008, ont atteint 5.000 milliards de dollars à l’échelle mondiale, calcule la banque JPMorgan Chase.

Plongeon du Nasdaq

Or ces indices ont justement pour particularité d’intervenir à la Bourse juste avant la clôture.

Ils sont tenus de respecter « les gains ou les pertes des produits qu’ils répliquent à la clôture, voilà pourquoi ils tendent à intervenir tout près de la fin de la séance », indique Doug Clark, directeur général de ITG.

« Leur objectif n’est pas d’être des produits de courtage mais davantage d’investissement », ajoute M. Silverblatt.

Seulement, avec leur essor, ces fonds ont encouragé « un effet gravitationnel » autour d’eux selon l’analyste de la société Briefing Brett Manning. D’autres investisseurs, notamment des fonds spéculatifs, sont incités à délaisser les échanges en cours de séance pour venir profiter d’une dernière danse plus animée.

La raison est que ces derniers, au même titre que des courtiers plus traditionnels, sont attirés par les volumes créés par les fonds indiciels, la volatilité engendrée, et donc les perspectives de profits propres à un marché instable.

Mais entre juteux profits et lourdes pertes, la frontière est parfois ténue. En octobre, la dernière demi-heure s’est parfois transformée en cauchemar.

Le 10 octobre, l’indice Nasdaq qui évoluait déjà en recul de 2,5% une heure avant la clôture a brusquement plongé de 4% à la fermeture, sa pire séance en deux ans. Les fonds indiciels devaient répliquer la performance de valeurs qui avaient fortement chuté en cours de séance, aggravant le plongeon dans les dernières minutes du fait de leur poids.

‘Inquiétant car incontrôlable’

La situation a été récemment résumée par l’analyste star de JPMorgan Chase, Marko Kolanovic dans une note: « le passage d’une gestion active à une gestion passive réduit la capacité qu’a le marché d’anticiper ou de se ressaisir après une large chute ».

« C’est inquiétant car incontrôlable » renchérit M. Silverblatt.

Cette situation vient également engendrer une autre conséquence, celle de la baisse des échanges en cours de séance, pouvant parfois prendre des allures de « no man’s land » boursier.

« Si quelque chose de grave dans le monde survient à la pause déjeuner et que peu d’échanges ont lieu à ce moment, nous ne sommes pas à l’abri de mouvements brutaux », estime M. Manning.

Avec de faibles volumes, un afflux de vendeurs face à peu d’acheteurs peut entraîner un plongeon des indices.

Pour le moment toutefois, les observateurs s’accordent à dire que le niveau de liquidité en cours de séance à Wall Street ne représente pas un sujet majeur d’inquiétude.

« La question se posera réellement lors de la transition du marché haussier dans lequel nous évoluons actuellement, à un marché déprimé, où les vendeurs sont plus nombreux que les acheteurs », explique Adam Sarhan, fondateur de la société d’investissement 50 Park Investment.

« Là-dessus, il ne s’agit pas de savoir si nous basculerons, mais plutôt quand nous basculerons », ajoute-t-il.

LQ/AFP