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Les inégalités sociales se creusent encore et toujours


«La persistance, voire l’ampleur croissante, de la précarité risque de mettre à mal la cohésion sociale du pays», alerte Nora Back, la présidente de la CSL.  (Photo : hervé montaigu)

Le Panorama social de la Chambre des salariés confirme un état alarmant : la pauvreté guette toujours un cinquième des habitants luxembourgeois. Les monoparentaux sont les plus menacés.

Les années se suivent et se ressemblent. Selon les derniers chiffres disponibles, «la prospérité du Luxembourg ne suffit pas à masquer certaines failles sociales persistantes». C’est le constat dressé hier par Nora Back, la présidente de la Chambre des salariés (CSL), lors de la présentation du Panorama social 2025. «La richesse nationale demeure inégalement répartie et près d’un résident sur cinq est exposé au risque de pauvreté, une réalité qui renvoie directement à la vulnérabilité de milliers de personnes face aux aléas de la vie», poursuit-elle.

Risque de pauvreté

Plus concrètement, le taux de risque de pauvreté s’est établi à 18,1 % en 2024. En chiffres absolus, ce sont près de 122 600 personnes qui sont concernées. «Depuis 2012, le taux de risque de pauvreté suit (…) une progression quasi ininterrompue», note le Panorama social. Le Luxembourg figure ainsi parmi les pays de la zone euro présentant le taux le plus élevé (8e sur 21 pays recensés).

Le taux de risque de pauvreté est défini en fonction du nombre de personnes disposant d’un revenu inférieur à 60 % du revenu médian , qui s’est établi, en 2024, à 50 081 euros brut par an. Le seuil de risque de pauvreté se situe donc à 30 480 euros brut. 

Familles monoparentales

La situation est particulièrement grave pour les familles monoparentales (31,8 % en 2024) et les familles nombreuses (38,5 %). «Jusqu’en 2019, les familles monoparentales affichaient systématiquement le taux de risque de pauvreté le plus élevé. Cependant, à partir de cette date, une évolution en dents de scie s’observe entre ces deux catégories», développe la publication. 

Les familles monoparentales figurent plus globalement parmi les plus défavorisées. Leurs revenus représentant seulement 74 % de la moyenne nationale. À l’inverse, les couples avec un enfant disposent de revenus légèrement supérieurs à cette moyenne (103 %). Sans surprise, ce sont principalement les ménages monoparentaux (36 %) qui affirment avoir de grandes difficultés à joindre les deux bouts. 

Le taux des ménages qui ne sont pas en mesure de faire face à des dépenses imprévues se situe à 22,5 %. Encore une fois, les ménages monoparentaux sont le moins bien lotis (41,4 %), suivis des familles nombreuses (28,5 %).

La risque de tomber dans la pauvreté s’accentue en fonction du logement occupé. Le taux augmente à 30 % pour les locataires, tandis qu’il se limite à 12,5 % pour les propriétaires. Ce sont 8 % des ménages qui font face à une surcharge du coût du logement, c’est-à-dire que leurs dépenses pour se loger dépassent 40 % de leur revenu disponible.

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Double crise sociale

Travailleurs pauvres

Un autre facteur majeur est que le Luxembourg demeure le champion d’Europe en termes de travailleurs pauvres. Les revenus d’un salarié sur sept (13,4 %) sont insuffisants pour être protégé de la pauvreté. «Parmi les salariés travaillant à temps complet, 12 % sont exposés au risque de pauvreté et même 17 % de ceux ne travaillant qu’à temps partiel», indique le Panorama social.

Avec un taux de 33,6 %, les demandeurs d’emploi sont les plus exposés au risque de pauvreté.

«Pris ensemble, ces constats révèlent une réalité préoccupante : malgré un niveau de vie globalement élevé, le Luxembourg est confronté à une aggravation persistante des inégalités et de la pauvreté. Celles-ci prennent des formes multiples – inégalités de revenus, inadéquation du salaire minimum, vulnérabilité des familles, coût du logement, difficultés budgétaires et pauvreté cachée», conclut le Panorama social.

«Ces difficultés touchent en particulier certaines catégories bien identifiées de ménages et de personnes, pour lesquelles la pauvreté reste une réalité structurelle. La persistance, voire l’ampleur croissante, de cette précarité risque, à terme, de mettre à mal la cohésion sociale du pays», s’alarme Nora Back. L’appel lancé au gouvernement est clair : finaliser enfin le plan de lutte contre la pauvreté et augmenter de manière structurelle le salaire social minimum et les allocations familiales.

Les transferts sociaux atténuent le choc

Le projet de budget de l’État pour 2026, dévoilé mercredi, prévoit des transferts sociaux à hauteur de 46 % des dépenses de l’État central. L’enveloppe se situe à environ 15 milliards d’euros.

«Si le rôle joué par les transferts sociaux et les pensions dans la diminution du risque de pauvreté était l’un des rares aspects positifs que l’on pouvait observer en matière de pauvreté au Luxembourg, ce n’est plus autant le cas actuellement. En effet, les transferts sociaux et les pensions diminuent ce risque de seulement 22,4 points de pourcentage en 2024 contre 23,6 en 2022 et 30,0 en 2020», est-il développé dans le Panorama social.

Sans transferts sociaux, le taux de risque de pauvreté s’établirait à 40,5 %.