Après la commission intergouvernementale, Benjamin Haddad a visité le siège de La Provençale à Leudelange et a échangé avec des employés frontaliers français sur leurs difficultés et attentes.
Accompagné de Xavier Bettel, son hôte du jour, le ministre français chargé de l’Europe, Benjamin Haddad, s’est rendu à Leudelange ce jeudi après-midi afin de visiter le siège de La Provençale. Sa présence au sein du plus grand distributeur du pays était l’occasion de découvrir les entrepôts et les coulisses de l’entreprise mais surtout de rencontrer le motif de sa venue au Grand-Duché : les travailleurs frontaliers français.
Parmi ses près de 1 700 employés, La Provençale compte en effet 51 % de résidents français. Cette donnée et cette réalité, le vice-Premier ministre luxembourgeois les a bien en tête et souhaite le faire comprendre à son invité. «Qui habite en France parmi vous?», lance Xavier Bettel au personnel du magasin posté à l’accueil. Deux travailleurs répondent par l’affirmative et les premières doléances apparaissent lorsque Benjamin Haddad explique être «ici pour voir comment améliorer vos vies».
Dialogue et doléances
Afin d’aller en profondeur, un moment d’échange est organisé à l’issue de la visite avec la délégation et sept employés français. Ces derniers prennent chacun leur tour la parole afin de raconter leur réalité de frontalier au ministre, aussi accompagné de la députée de la 9e circonscription de la Moselle, Isabelle Rauch.
Samira, domiciliée à Hayange, est la première à s’élancer. «En tant que maman seule, c’est très compliqué pour l’organisation. Cela fait une semaine et demie que je veux poster une lettre mais je n’y arrive pas, car la poste ferme à 17 h comme la mairie.» Sa vie de famille, les 40 hebdomadaires minimum et les bouchons compliquent son quotidien, notamment pour les services fermés lorsqu’elle rentre. Diplômée d’un master en droit, elle tient aussi à dire que «je ne suis pas au Luxembourg pour le salaire mais parce qu’on m’a donné un CDI alors qu’en France j’étais soit surdiplômée, soit sans expérience».
Le ministre acquiesce, avant d’écouter Élodie raconter ses problèmes sur la route. «Je viens d’Audun-le-Tiche et quand je commence à 8 h 30 j’ai 1 h 15 à 1 h 30 de bouchon. Donc quand on commence à 8 h 30 et qu’on finit à 17 h, on n’a plus le temps de rien faire quand on rentre.»
Papa seul, Georges pointe, lui, du doigt le sujet de la garde d’enfant. À Villerupt comme ailleurs, il regrette que «le périscolaire n’ouvre qu’à 7 h 30 donc c’est limite, car le temps de laisser mon fils puis d’arriver ici, il faut presque 1 h 30 pour 23 kilomètres». «Et pour le reprendre à 16 h 10, c’est aussi très compliqué.»
«Les résultats ne sont pas à la hauteur»
À la sortie des échanges, Benjamin Haddad semble avoir plus que jamais pris conscience des problématiques transfrontalières. «La commission intergouvernementale d’aujourd’hui est un point d’étape important pour avancer sur ces sujets, mais les résultats ne sont pas à la hauteur. On voit qu’il y a des attentes très fortes, mais le compte n’y est pas encore.»
Bien qu’il souligne quelques «avancées» lors de cette commission, le ministre français dit «constater l’attente, encore une fois, de ceux qui traversent la frontière» en termes de mobilité, transports ou de garde d’enfants. «Je pense que 2026 sera une année importante où l’on devra concrétiser un certain nombre d’engagements.»
Le membre du parti présidentiel Renaissance évoque «l’aménagement du territoire, où l’on doit travailler ensemble, ou encore le télétravail qui, évidemment, a une attente très forte». Sur ce dernier point, «je veux fondamentalement que l’on puisse avoir encore plus de souplesse et de flexibilité pour les travailleurs». Reste la question de la fiscalité sur laquelle les deux gouvernements «doivent mener un travail commun afin de relever le nombre de jours».
Pour l’assurance chômage des frontaliers, autre dossier sensible, des groupes de travail ont été mis en place selon le ministre afin d’aligner les règles entre la France et le Luxembourg, à l’instar de ce qui existe avec les autres pays voisins que sont la Belgique, l’Allemagne et la Suisse.
«Au-delà des groupes de travail, il faudra vraiment que l’on prenne des engagements et que l’on ait des résultats concrets. Nous y sommes déterminés et je suis convaincu que c’est aussi le cas du gouvernement du Luxembourg», conclut Benjamin Haddad.