À l’appel de plusieurs associations, des militants seront à nouveau présents ce mardi soir, au Stade de Luxembourg, pour protester contre la sélection de Gerson Rodrigues.
C’était son idée. Mercredi dernier, «à la va-vite», Cléo Thoma, membre du conseil d’administration du CID Fraen an Gender, ameute son équipe par mail, suite à l’annonce de la sélection du footballeur Gerson Rodrigues, condamné pour violences conjugales, en équipe nationale : «Ça vous dit d’aller voir du foot vendredi soir?»
C’est ainsi qu’une vingtaine de personnes, brandissant banderoles, pancartes et cartons rouges, se retrouvent devant le Stade de Luxembourg et dans les tribunes lors du match face à la Slovénie : «Le but, c’était de se faire entendre, huer, siffler, pour dénoncer ce choix et la banalisation des violences», explique-t-elle.
Une équipe jeune et réactive
Une première pour l’asbl, qui se mobilise de plus en plus ces dernières années, en réaction à des faits d’actualité. «C’est nouveau pour nous ce genre d’action, et je crois que c’est dû à une équipe rajeunie, qui a la ferme volonté de se montrer présente sur ces sujets.»
On connaît la suite : l’intervention brutale des stadiers a blessé l’une des manifestantes, repartie avec un doigt cassé et un autre luxé. Une réaction disproportionnée et agressive, dénonce le CID, à l’opposé des supporters présents.

Vendredi soir, les banderoles pointaient la FLF (Photo : Jeff Lahr)
«À part une salve d’insultes de deux spectateurs du bloc d’à côté – visant spécifiquement les hommes qui nous accompagnaient – le public est resté neutre, nous n’avons pas senti d’animosité. Au contraire.»
«L’opinion publique est avec nous»
D’autant que ces militantes n’étaient pas seules : une autre banderole, déployée ailleurs dans le stade pour les mêmes motifs, a aussi été arrachée. Tandis que de nombreuses voix s’élèvent, au niveau politique comme au sein de la société civile, pour s’indigner dans cette affaire.
«Une bonne partie de l’opinion publique est avec nous. Les mentalités évoluent. Les gens sont sensibilisés aux violences, il y a davantage de prises de parole, notamment grâce à La Voix des Survivant-e-s. On peut parler d’une certaine prise de conscience. Même si le sexisme ordinaire et les violences structurelles sont encore profondément ancrés.»
«La FLF doit faire preuve de responsabilité»
Dans un nouveau communiqué, la FLF a indiqué ce mardi son intention d’instaurer une commission d’éthique, censée se prononcer sur le cas Rodrigues. Une annonce qui peine à convaincre dans les rangs féministes : Est-ce qu’ils n’essayent pas simplement de calmer les esprits? On demande à voir!»
En tout cas, pour Cléo Thoma, il est clair que le président de la fédération doit être débarqué, et que la FLF doit faire preuve de «responsabilité» dans ses futures décisions.
Et ce soir, elle donnera à nouveau de la voix pour réclamer le retrait du maillot rouge au footballeur : «On sera sans doute plus nombreux, à l’appel de plusieurs associations, syndicats et partis politiques. On se tiendra devant le stade avec la chorale militante.»
Pas question d’avoir peur
Et pas question d’avoir peur face aux fans inconditionnels du joueur, qui continuent de liker par milliers ses publications Instagram et pourraient, cette fois-ci, se montrer bien moins accueillants.
«On espère que la police sera présente pour assurer notre sécurité si besoin. On ne se laissera pas intimider. Le stade est un espace public où nous avons aussi notre place», martèle la porte-parole, écœurée à la lecture des derniers messages postés ce mardi par Gerson Rodrigues sur ses réseaux.
«À la fois, je ressens du dégoût, et à la fois, ses mots sont tristement banals. On est face à la réaction classique de quelqu’un qui inflige des violences aux femmes : il ne faut pas prendre la victime au sérieux, elle dit ça pour attirer l’attention, etc. Une série de réflexes qu’on connaît», souffle-t-elle.
La JIF «n’accepte pas» les excuses
Rappelant la condamnation de Gerson Rodrigues le 30 avril dernier en deuxième instance à une peine de prison de 18 mois assortie du sursis probatoire pour coups et blessures volontaires sur son ex-compagne, une dizaine de membres de la plateforme JIF, dont Amnesty International, le Centre LGBTIQ Cigale, le CID Fraen an Gender, l’OGBL, déi Lénk et déi Gréng, soulignent ce mardi dans une lettre ouverte que sélectionner ce joueur revient à cautionner ses actes.
Ils déplorent notamment «l’incapacité» de la FLF à «accepter la critique» et sa «volonté acharnée de protéger un condamné pour violences», tout en «portant atteinte à la liberté de la presse» et en «décrédibilisant des députées». «Vous insultez par vos actes toutes les femmes ayant été victimes de violences», estiment-ils.
La JIF «n’accepte pas» les excuses parues dans la presse pour de «soi-disant erreurs de communication» et réclame, entre autres, la démission de l’entraîneur national, le retrait de Gerson Rodrigues de l’équipe nationale, et une enquête externe indépendante sur les pratiques internes de la fédération.