Accueil | A la Une | Les étangs de Remerschen : un petit coin de paradis où règne l’inclusion

Les étangs de Remerschen : un petit coin de paradis où règne l’inclusion


Le décor de carte postale abrite un projet humaniste et social. (Photos: Julien Garroy)

Aux commandes des étangs de Remerschen depuis cinq ans, Ramon Hemmer a gagné son pari de faire de cette réserve naturelle un site 100% inclusif, à la fois pour les visiteurs et les employés.

«Aujourd’hui, c’est plutôt calme», note Ramon Hemmer, président de l’association Erliefnis Baggerweier, chargée de l’exploitation des étangs de Remerschen depuis 2020. «Le week-end du 15 août, on a presque atteint les 3 000 personnes, notre jauge maximum!»

Bien connu des Luxembourgeois, ce joyau attire chaque saison près de 40 000 personnes et s’étale sur 28 hectares, avec un carpodrôme, une pataugeoire, une grande plage de sable, des loisirs nautiques, un coin protégé pour la baignade naturiste et même un espace pour les chiens.

Le tout, totalement accessible pour les personnes en situation de handicap, selon le principe «design for all» : une première dans le pays. «Chemin, infrastructures, matériel : on adapte tout, pour que chacun passe un bon moment», résume notre hôte.

Des aménagements pensés pour tous

Ainsi, les comptoirs d’accueil sont placés à différentes hauteurs. Du côté du carpodrôme, une quarantaine de plateformes autorisent l’accès en fauteuil pour pêcher en toute sécurité.

À la plage, une grande cabine familiale avec douche équipée pour personnes à mobilité réduite est disponible, incluant des alarmes à actionner en cas de besoin. Le long des allées en bois qui desservent le site, un rebord sert de guide aux déplacements des personnes non-voyantes. Les chiens d’assistance sont, quant à eux, acceptés sur l’ensemble du complexe.

Sur le ponton flottant, les enfants s’en donnent à coeur joie.

 

«On a aussi érigé un ponton flottant de 18 mètres de long avec accès à l’eau pour chaises aquatiques et passage facile pour les personnes âgées. Les enfants viennent sauter et s’amuser, tout le monde est ensemble», se réjouit-il. «Tout ce qu’on peut faire avec nos moyens, on le fait, ce n’est pas si compliqué.»

Je voulais que chacun ait une chance d’exploiter son potentiel

Il faut dire que l’inclusion est le cheval de bataille de cet ancien instructeur en atelier protégé auprès de personnes handicapées, qui a décidé de monter sa propre structure, avec une approche innovante.

«Je trouvais dommage que tout soit si cloisonné. Parmi les poids-lourd du secteur, chacun est spécialisé : certains prennent en charge le handicap moteur, d’autres les déficiences intellectuelles… Je rêvais de faire sauter ces barrières!»

Ramon Hemmer rêvait d’offrir d’autres perspectives aux travailleurs handicapés.

 

Dès 2008, il noircit des carnets entiers avec ses idées et conçoit un projet clé en main pour concrétiser sa vision. Mais au moment de trouver une structure existante où l’implémenter, l’accueil est frileux : les portes se ferment les unes derrière les autres.

L’option de lancer lui-même ces ateliers protégés d’un nouveau genre finit par s’imposer assez naturellement. «Je voulais que chacun ait une chance d’exploiter son potentiel.»

Aucun nouvel agrément en 22 ans 

Cependant, ouvrir un atelier protégé conventionné représente une sacrée responsabilité. De quoi en faire reculer plus d’un : «Au ministère, en tamponnant mon dossier, ils m’ont dit que le dernier agrément qui avait été accordé, c’était il y a 22 ans en arrière», sourit celui qui n’a rien lâché, jusqu’à obtenir les clés des étangs de Remerschen par la commune de Schengen, convaincue par son projet.

Cinq ans plus tard, son équipe compte une quarantaine d’employés, auxquels s’ajoutent environ 35 saisonniers et étudiants durant le pic de fréquentation du mois d’août.

Travailleurs handicapés, jeunes en décrochage scolaire, chômeurs de longue durée, réfugiés : l’association accueille des profils extrêmement divers, de 17 nationalités différentes, dans sept ateliers protégés (jardinage, menuiserie, décoration, multiservice, sécurité et sauvetage, événementiel, secrétariat) et quatre modules de formation (aménagement paysager, événementiel, surveillance aquatique, management).

Neuf personnes sur le marché du travail ordinaire

Un tremplin vers l’emploi avec des résultats concrets : «En 2024, nous avons pu intégrer six personnes sur le marché du travail ordinaire, et il y en aura trois autres cette année», annonce Ramon Hemmer, adepte de la pédagogie par imitation et du recrutement fondé sur l’inclusion.

«De quoi la personne est-elle capable? C’est ça qu’on regarde, et c’est nous qui nous adaptons.»

D’ailleurs, il ne parle jamais de «handicap» ou d’atelier «protégé» : «Ici, on est une équipe, avec chacun ses propres besoins, et c’est normal. Les gens n’ont pas une étiquette collée sur le front. L’entraide et la solidarité font partie du quotidien.»

Christine : «Ici, les gens te donnent ta chance»

À 36 ans, Christine vient de franchir un cap important. En intégrant l’équipe des salariés de l’association, cette secrétaire atteinte d’une infirmité motrice cérébrale fait désormais partie du marché de l’emploi ordinaire, après avoir travaillé pendant des années en atelier protégé. Une victoire de plus pour elle qui vit seule, et met un point d’honneur à mener une vie autonome et indépendante.

«J’ai gardé mes responsabilités tout en recevant un meilleur salaire», résume-t-elle. «Dans mon précédent atelier protégé, je m’ennuyais sérieusement! Mon éducatrice m’a parlé du projet de Ramon. Sa vision de l’inclusion professionnelle m’a vraiment enthousiasmée. Je suis venue en stage à l’atelier Secrétariat et je ne suis plus repartie!»

Face au harcèlement scolaire, Christine a tenu bon jusqu’au lycée, mais n’a pas eu la force de boucler ses études secondaires. Les préjugés ont ensuite plombé son entrée dans la vie active. «La question, c’est toujours comment les gens te voient. Sur le marché de l’emploi, c’était pas moi le problème, mais les autres, qui ne voyaient que mon corps et mon handicap. Malheureusement, c’est la réalité», souffle-t-elle. «On doit sans arrêt s’affirmer, prouver qu’on vaut autant que les autres. On se bat pour une société inclusive, mais c’est épuisant.»

Alors, elle savoure chaque jour de travail aux étangs : «Ici, c’est différent. Les gens te donnent ta chance et l’opportunité de montrer tes capacités. Je m’occupe du secrétariat et de la gestion du personnel.» Ce qu’elle aimerait, c’est que ce modèle essaime dans le pays : «On est un bon exemple pour les autres entreprises : si on veut davantage d’inclusion, c’est possible! Quand on a la confiance des collègues, ça change tout.»

Un brevet de surveillance sur-mesure

Depuis trois ans, c’est elle, le maitre-nageur du site : Manon, 35 ans, veille à la sécurité des baigneurs et gère toute l’équipe de surveillance et de sauvetage, pour qui elle organise l’entraînement de natation et le passage des brevets. «Sur un site comme le nôtre, le travail n’est pas du tout le même qu’en piscine. Il y a des points auxquels il faut particulièrement être attentif.»

Manon et Olivia à la cabane de location.

Elle rapporte que, fréquemment, des baigneurs présument de leurs forces et se lancent dans d’importantes distances à la nage, mais finissent par fatiguer. «C’est pourquoi, hors du périmètre délimité, on demande aux visiteurs de se munir de bouées : question de visibilité.» Lors de journées à 3 000 visiteurs, ce sont une douzaine de surveillants qui sont ainsi déployés pour la baignade, avec priorité absolue au bassin pour enfants.

C’est en tant que membre de l’Association luxembourgeoise des instructeurs de natation que Manon a fait la connaissance de Ramon Hemmer. «Il cherchait à former son personnel à la surveillance de la baignade en plein air. On a créé un brevet spécialement pour le Baggerweier. Au début, j’étais bénévole pour former leur équipe, et quand on m’a proposé un poste fixe, j’ai accepté.»

À ce jour, 53 personnes ont reçu ce brevet spécial, dont une vingtaine de travailleurs issus des ateliers protégés, mais aussi des étudiants, et des jeunes volontaires. «Avec ce brevet, ils peuvent travailler en piscine en tant que surveillant, donc c’est aussi une opportunité pour eux pour un futur emploi.»

Justine et Didier, heureux de partager la baignade

À la Schengen Plage, c’est un décor de carte postale qui attend les visiteurs, avec transats, parasols, sable fin et location de matériel nautique pour tous. Justine et son compagnon, Didier, venus de la région de Thionville, ont opté pour la chaise aquatique afin de s’offrir une baignade dans l’étang en amoureux.

Une première pour ce couple. «On l’avait fait en piscine, avec des chaises spécifiques pour descendre dans l’eau, mais jamais comme ça en pleine nature», explique le mari, tout en nageant. «On n’habite pas si loin, mais on joue les touristes le temps d’un week-end. Et on découvre ce site magnifique!»

Confortablement installée, Justine admire le paysage autour d’elle et affiche un large sourire : «Je suis si heureuse de pouvoir partager ça. D’habitude, quand il se baigne, je l’attends sur la rive. Ici, la dame m’a très bien aidée pour entrer dans l’eau. C’est une bonne surprise! On reviendra en famille, c’est sûr», se réjouit-elle.

Ramon, sur le ponton, ne cache pas son émotion : «Quand on entend ça, alors ça vaut le coup de se lever chaque matin.»

Olivia au service des visiteurs

La dame qui les accompagnés jusqu’à l’eau, c’est Olivia, la responsable de la cabane de location : «On propose des pédalos, des canoés, des chaises aquatiques et on a aussi des paddles équipés de quatre places assises avec ceintures pour permettre à tous, dont les personnes à mobilité réduite, de faire le tour du lac en toute sécurité.» Pour rendre la plus belle plage du site accessible à tous, un chemin en bois amène jusqu’au sable, et un grand tapis va jusque dans l’eau.

Olivia se sent utile à chaque fois qu’elle assiste des visiteurs avec handicap : «On voit à quel point ils sont contents et profitent d’un vrai moment de détente avec leurs proches.» Elle travaille dans l’un des ateliers protégés de l’association depuis 2021, et s’y sent bien, particulièrement reconnaissante des possibilités qui lui sont offertes.

Participez à «Fun4All»!

Le samedi 20 septembre, Erliefnis Baggerweier asbl et la Fédération luxembourgeoise de gymnastique organise un grand tournoi «Fun4All» avec une série d’ateliers ludiques et sportifs autour du lac, au cours desquels les équipes inscrites pourront s’affronter dans la bonne humeur! Un prix récompensera l’équipe avec le meilleur score dans chaque catégorie (enfants, ados, familles, adultes, seniors, personnes à besoins spécifiques avec accompagnants). Infos et inscriptions avant le 3 septembre sur le site web.

baggerweier.lu

Newsletter du Quotidien

Inscrivez-vous à notre newsletter et recevez tous les jours notre sélection de l'actualité.

En cliquant sur "Je m'inscris" vous acceptez de recevoir les newsletters du Quotidien ainsi que les conditions d'utilisation et la politique de protection des données personnelles conformément au RGPD .