Où se situent les femmes sur l’échiquier politique luxembourgeois ? Quels partis agissent vraiment pour l’égalité ? Nous avons discuté des élections législatives de ce dimanche avec le CID Fraen an Gender.
Quatre mois après des élections communales marquées par une sous-représentation des femmes – 70 % des élus restent des hommes –, un nouveau scrutin, national cette fois, se profile ce dimanche avec les législatives. Pour appréhender la place des femmes dans la vie politique et la façon dont les partis s’emparent des questions liées à l’égalité entre les genres, nous avons interrogé deux militantes du CID Fraen an Gender.
22 femmes députées, «un hasard»
Un rapide coup d’œil dans le rétroviseur rappelle d’abord qu’à l’issue des élections législatives de 2018, seules 12 femmes avaient décroché un siège à la Chambre des députés qui en compte 60. Cinq ans plus tard, elles sont 22 députées et 5 ministres sur 17 postes au gouvernement.
Une évolution positive ? «Plutôt un hasard lié au jeu des chaises musicales interne aux partis», tempère d’emblée Isabelle Schmoetten, chargée de direction du CID. «Pour autant, c’est un bon signal pour prouver que ça fonctionne quand même», ironise-t-elle.
En parallèle, pour la première fois, deux femmes – Sam Tanson chez les verts et Paulette Lenert au LSAP – sont en lice pour devenir Premier ministre. Un basculement, autant pour déi gréng, qui privilégiaient jusqu’ici des duos paritaires, que pour les socialistes, toujours menés par un homme.
Le féminisme, un sujet «qu’on ne peut plus ignorer»
«Dans la plupart des partis, le féminisme est perçu comme un sujet important ou, en tout cas, qu’on ne peut plus ignorer», note-t-elle, citant la troisième vague féministe venue des États-Unis qui a déferlé sur l’Europe à la suite de #MeToo.
«Les grands partis politiques font des efforts pour présenter plus de candidates», confirme Claire Schadeck, chargée de la politique culturelle au CID. «Malgré tout, les chiffres montrent un léger retour en arrière : 46 % de candidates en 2018 et 42 % cette fois-ci.»
Backes et Bofferding ouvrent la voie
Alors que manque-t-il pour faire durablement progresser la part des femmes en politique ? Pour le CID Fraen an Gender, une chose est sûre : placer des femmes à des postes de pouvoir ne suffit pas. Encore faut-il que celles-ci s’engagent à ouvrir le chemin pour d’autres.
Or, toutes les politiciennes n’ont pas cette sensibilité ou ne mesurent pas la dimension structurelle des discriminations. «Si Yuriko Backes ou Taina Bofferding insistent sur l’importance d’une représentation équilibrée à tous les niveaux de la société, d’autres femmes politiques soutiennent encore qu’il suffit de s’imposer pour obtenir sa place», déplorent-elles. Un point de vue particulièrement répandu dans les rangs du DP et du CSV.
Attention, terrain glissant
Le féminisme, un terrain glissant ? Propulsée tête de liste aux côtés de Luc Frieden, Elisabeth Margue revendique ses positions antiquotas et répète qu’elle n’est pas féministe : «Elle dit que sur une échelle de zéro à dix, elle se situe autour de cinq», sourit Isabelle Schmoetten, en levant les yeux au ciel. «Le parfait exemple d’une députée qui ne veut se mettre à dos ni les féministes, ni les vieux messieurs blancs.»
Les verts, la Gauche et le LSAP se détachent
Au niveau des partis, les verts, la Gauche et le LSAP se détachent nettement selon elles, en développant des stratégies pour des politiques plus féministes, en s’impliquant auprès des associations, et en offrant l’opportunité aux femmes d’accéder à des postes exposés.
Ces trois partis sont d’ailleurs ceux qui comptent le plus de députées dans leur groupe parlementaire – 5 sièges sur 10 pour le LSAP, 6 sur 9 pour les verts et 2 sur 2 pour déi Lénk. A contrario, les bancs des chrétiens-sociaux sont occupés par 16 hommes et 5 femmes : «Ça en dit beaucoup sur leur fonctionnement en interne», tacle la directrice.
Le DP oublie les violences de genre
Plusieurs revendications féministes ont été reprises dans le programme des verts, notamment dans le domaine de l’éducation, avec l’adaptation des manuels scolaires, la formation des enseignants, ou dans la santé, avec des mesures contre les violences gynécologiques et la reconnaissance de l’endométriose comme maladie.
Ce point avait pourtant trouvé un écho favorable auprès d’un grand nombre de partis – sauf CSV et ADR – lors du questionnaire du CID, mais seuls déi gréng l’ont finalement retenu. Et sur la réduction du risque de pauvreté des familles monoparentales ou les inégalités femmes-hommes au niveau des pensions, un consensus se dessine.
La bonne surprise vient du CSV
D’autres revendications féministes ont tout simplement été oubliées ou ignorées, parfois avec des arguments douteux. «Pas un mot sur les violences liées au genre dans le programme du DP», déplore par exemple Claire Schadeck. «Barbara Agostino a dit que ça n’y figurait pas parce que c’était évident… Or, on sait bien que ça ne fonctionne pas comme ça.»
Mais il y a aussi de bonnes surprises. Comme ce concept contre les violences sexuelles imaginé par le CSV, avec un point central où s’adresser, et une formation spécifique des juges et policiers. C’est aussi le seul parti, avec déi Lénk, à soutenir l’inscription du féminicide dans le Code pénal.
Les Verts à la traîne sur le féminicide
«Les verts auraient pu le faire avec Sam Tanson à la Justice, mais elle a déclaré qu’elle n’en voyait pas l’utilité vu le peu de cas», regrette-t-elle. À la place, déi gréng proposent d’«évaluer» le protocole instauré récemment en Belgique. De quoi agacer la militante : «En 2023, en matière de droits des femmes, on ne peut plus se contenter d’évaluer ou de réfléchir. Il faut agir.»
Aucune vision globale, même au sein des partis engagés
Ce qui manque cruellement d’après le CID, c’est une vision globale qui intègre la dimension du genre dans toutes les politiques. Et ce cap, même les partis les plus avancés sur ces questions – déi gréng et déi Lénk – n’arrivent pas à le franchir.
Le plafond de verre serait-il atteint ? «Au Luxembourg, aucun parti n’est vraiment féministe», estime Isabelle Schmoetten, qui avoue avoir du mal à comprendre ces coups de frein.
«Un manque de courage»
«Le problème des inégalités de genre est structurel», rebondit sa collègue. «Le nier ou le relativiser relève d’un manque de courage politique.» Elle insiste sur la nécessité de mener une politique d’égalité de manière transversale, sur tous les sujets, à commencer par les grands enjeux.
«Bien sûr que la crise du logement touche tout le monde, mais elle nous impacte plus fortement si on est une femme seule avec des enfants ou une femme immigrée et racisée», fait-elle valoir.
Des inquiétudes face à l’extrême-droite
Une prise de conscience qui devient urgente face à la montée du conservatisme d’extrême droite qui n’épargne pas le Luxembourg. D’autant que dans les négociations de coalition, ce qui concerne les droits des femmes a tendance à sauter en premier au moment de faire des compromis.
«La majorité des politiciens ne réalisent pas l’importance de ces mesures», se désolent les militantes du CID, régulièrement prises pour cible. «L’ADR critique publiquement les financements qui nous sont accordés, tandis que ses membres nous attaquent massivement en ligne à chaque prise de parole», dénoncent-elles, s’inquiétant de ces dérives et de leurs répercussions à l’avenir sur les droits des femmes.
30 ans d’engagement
Fondé en 1992, le CID Fraen an Gender est un centre de compétences dédié aux sujets liés au genre et au féminisme, et un point de rencontre pour toutes les personnes qui s’y intéressent. Engagé pour une société féministe, le CID gère une bibliothèque publique et propose des projets culturels, sociopolitiques et pédagogiques.
Dis-moi Jean : tu veux dire « Time for a change » ou « Time to change » ? Au-delà de l’approximation linguistique, le choix de la formule est étonnant quand on tient des propos aussi réacs que les tiens.
Eh oui…mesdames.
Votre genderisation…pas grand monde n en veut et c est tres bien ainsi.
Time for change dimanche prochain…mais pas dans le sens que vous souhaitez.