La pétition a atteint le seuil des signatures nécessaires. Elle revendique un durcissement de la législation pour les crimes et délits sexuels commis aussi bien sur les enfants, les jeunes que les adultes.
Ce n’est que la pointe de l’iceberg, les professionnels le savent bien, qu’ils soient actifs dans des services judiciaires ou des services d’accueil et d’accompagnement. Les thérapeutes aussi le savent. Les chiffres concernant les victimes de violences sexuelles sont en deçà de la réalité.
Une récente étude du Statec indiquait que les actes de violence sexuelle (viols, attouchements, comportements exhibitionnistes) ont touché 17 % des résidents au cours de leur vie. En 2020, 77 affaires pour attentat à la pudeur commis sur mineur et 36 affaires de viol sur mineur ont été ouvertes au Luxembourg.
Le sujet préoccupe au Luxembourg, comme en témoigne le succès de la pétition qui veut durcir la répression en matière d’infractions sexuelles commises aussi bien sur des enfants que sur des adultes. Avec ses 4 637 signatures, elle sera débattue avec les députés à une date encore indéterminée, mais l’échange aura bien lieu.
La ministre de la Justice, Sam Tanson, avait présenté en janvier dernier un projet de loi destiné à renforcer les moyens de lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des mineurs. Les pétitionnaires, dont l’autrice du texte, Diane Schaefers de Psylux, revendiquent des condamnations appropriées, «à la hauteur des conséquences psycho-traumatologiques et physiologiques durables que de tels actes peuvent avoir sur les victimes», écrit-elle.
Le texte propose d’élargir la définition du viol, d’abolir les délais de prescription et d’alourdir les condamnations. C’est la direction qu’a suivie Sam Tanson dans son projet de loi : imprescriptibilité pour certains crimes sexuels les plus graves dont les mineurs sont victimes (viol, inceste); allongement du délai de prescription de 10 à 30 ans dans certains cas d’abus sexuels (atteinte à l’intégrité sexuelle sur mineur de nature criminelle, atteinte à l’intégrité sexuelle incestueuse sur mineur, mutilations génitales féminines de nature criminelle commises sur des mineurs).
«Au Luxembourg, comme dans d’autres pays européens, la notion de viol devrait être élargie. Une victime paralysée par la peur, en état de choc, endormie, sous l’influence de drogues ou d’alcool n’est plus capable de discernement et ne peut donc plus se défendre, mais on retiendra la qualification d’abus au lieu de viol», observe Diane Schaefers dans sa pétition. Les peines ne sont pas les mêmes et une adaptation pourrait mieux protéger la victime, estime-t-elle encore.
Concernant les délais de prescription, elle rappelle que de nombreuses victimes gardent le silence «parce qu’il est soit trop tard, soit parce qu’elles sont convaincues que l’auteur ne sera pas ou peu condamné». Les victimes, elles, «ont besoin de beaucoup de force et de soutien» pour entamer une procédure judiciaire. «Avant qu’une victime ne trouve la force de se défendre contre les auteurs, avec le soutien et la thérapie nécessaires, les faits sont déjà prescrits», regrette Diane Schaefers.
Environ 20 % de la population
En tant que thérapeute, elle sait que certaines victimes souffrent de dissociation, «le contenu de la mémoire n’est souvent pas récupérable», souligne-t-elle. C’est particulièrement vrai quand la victime est toujours en contact avec l’auteur. La ministre de la Justice le disait elle aussi : «Il est internationalement reconnu que ces actes peuvent, du fait du traumatisme subi, se trouver enfouis dans la mémoire de la victime et ne ressurgir qu’au terme d’un traitement psychologique ou psychiatrique, seul capable de déconstruire le traumatisme vécu.» Raison pour laquelle elle propose de modifier le régime des prescriptions.
«De plus, les condamnations avec sursis pour les délinquants sexuels (y compris les mineurs) choquent les victimes et leur donnent le sentiment qu’il n’y a aucun intérêt à riposter», écrit de son côté Diane Schaefers. Elle connaît bien les chiffres officiels et les études statistiques. «Le nombre de victimes non signalées de violences sexuelles reste extrêmement élevé. On estime qu’une personne sur cinq sera victime de violences ou d’abus sexuels au cours de sa vie.» Le Statec a pu en faire la démonstration en relevant que les actes de violence sexuelle ont touché 17 % des résidents au cours de leur vie.