Le cercle judo d’Esch-sur-Alzette a proposé quatre cours de self-défense dédiés aux femmes, dans le cadre de l’Orange Week. Une initiative qui a remporté un franc succès.
Les yeux rivés sur son téléphone portable, vêtue de sa tenue de sport, gourde en main, Alzira figure parmi les premières dans la file d’attente devant le dojo du centre omnisports de Lallange. Ce lundi soir, elle assiste à la deuxième séance de cours de «self-défense», initié par le cercle de judo d’Esch-sur-Alzette, en partenariat avec le service «Égalité des chances» de la commune.
À 53 ans, cette habitante du sud du pays assure que «l’ambiance a complètement changé» dans la capitale des Terres Rouges, qu’elle juge «de moins en moins sûre». Une raison suffisante pour elle d’être là ce soir, afin d’«apprendre à se défendre».
Il faut dire qu’au Luxembourg, 81 000 femmes ont été touchées par des actes de violences physique, sexuelle ou psychologique au moins une fois au cours des douze derniers mois. Soit près d’une femme sur cinq. Un chiffre édifiant, présenté il y a quelques semaines à peine par l’association La Voix des survivant-e-s.
Elles ont davantage confiance en elles
Si Alzira n’a (heureusement) subi aucune agression au cours de sa vie, c’est avant tout pour gagner en confiance en elle qu’elle s’est inscrite à ces cours. «Je veux connaître les gestes simples pour tenir tête en cas de problème», appuie-t-elle. À ses côtés, 27 autres femmes ont, elles aussi, franchi le pas. Pour diverses raisons. La peur, souvent. La volonté de savoir se débrouiller seule. Mais aussi, l’envie de défendre les autres.
Ce soir-là à Lallange, les mines sont réjouies, les discussions battent leur plein dans une ambiance plutôt bon enfant. On en oublierait presque la raison de leur présence. Et pourtant, Frédéric Georgery, ancien judoka professionnel et désormais coach au cercle de judo Esch-Alzette, pose les bases d’emblée, en une courte phrase : «Aujourd’hui, nous allons voir comment se libérer d’un étranglement, mais aussi d’une prise de cheveux.»
Sortir à deux, un réflexe
Il n’est pas question ici de multiplier la violence déjà potentiellement subie. Le rôle de Frédéric est de donner des clés, de travailler les réflexes de ces femmes, pour qu’elles puissent trouver une échappatoire en cas d’altercation physique avec autrui. «Fuir est toujours le maître mot», explique le judoka. «Elles n’ont pas besoin d’une force physique incroyable, juste de quelques pistes et réflexes. Plus vous réagissez vite, mieux c’est», assure-t-il.
Au fond de la salle, Sofia s’adosse au mur du gymnase et regarde sa fille, Anna, réaliser quelques prises. Si les arts martiaux sont déjà une affaire familiale, notamment côté garçons, cette habitante d’Esch-sur-Alzette a voulu s’y essayer à son tour, convaincue par sa fille. «Elle m’a raconté qu’elle faisait très attention lorsqu’elle sortait les week-ends, quand elle regagne sa voiture par exemple. Je me suis dit que ce serait bien d’apprendre les gestes appropriés, les techniques pour se défendre dans la vie de tous les jours», explique-t-elle.
D’autres cours à l’année
Étant donné le «grand succès» de cette initiative, la ville d’Esch-sur-Alzette envisage de proposer à nouveau des cours similaires, sous forme de modules de quatre semaines, à l’occasion de l’Orange Week 2025, a précisé la commune sur demande du Quotidien.
Hormis ces événements ponctuels, le service des Sports propose également des cours réguliers destinés aux filles et femmes, dans le cadre du programme «Intégration par le sport». Ces cours, intitulés «Street Defense System», ont lieu une fois par semaine d’octobre à juillet.
«Les deux types de cours se complètent bien. Certaines femmes et jeunes filles préfèrent participer à un module court de quatre séances, car elles ne peuvent pas s’engager sur une activité hebdomadaire pendant une année entière», a justifié la municipalité. Ils ont lieu tous les mardis soir, de 19 h à 20 h à l’école de Lallange.
Plus d’informations sur le site www.eschersport.lu
Si cette éducatrice de 53 ans n’a pas de crainte particulière pour sa sécurité, elle pense toutefois que ce type de connaissances pourrait lui être bénéfique aussi dans son travail, pour apprendre à secourir quelqu’un notamment.
Un sentiment partagé par Diana et Johanna, respectivement 22 et 21 ans, qui travaillent au théâtre d’Esch. Le duo ne se quitte jamais, et surtout pas dans la zone du Brill, le soir. «Nous sommes systématiquement à deux, c’est un réflexe. Nous n’avons jamais eu de mauvaises expériences, mais la peur est là parfois. Alors, acquérir quelques connaissances d’autodéfense ici, ça ne peut qu’être positif. C’est toujours bon à prendre», relatent les jeunes femmes.
Motivées, certaines n’hésitent pas à pratiquer les exercices en dehors des cours, à la maison. «Les attitudes ont commencé à changer depuis le premier cours, ça se voit. Elles ont davantage confiance en elles», se félicite Frédéric Georgery. Si les quatre cours sont désormais terminés, l’ancien judoka ne cache pas son envie de réitérer l’expérience l’an prochain (voir ci-dessous), tant le succès était au rendez-vous.
Quatre réflexes essentiels
1/ Scannez votre environnement, comprendre où vous êtes. «Il faut toujours veiller à bien regarder où vous vous situez. Est-ce qu’il y a une issue quelque part? Est-ce qu’il y a un mur près de moi, auquel cas, j’essaie de m’en éloigner le plus possible pour éviter de me retrouver coincée…», énumère Frédéric Georgery.
2/ Se distancer par rapport à son agresseur, appeler à l’aide. «Il faut toujours garder une longueur de bras de distance entre vous et votre agresseur, si possible. Ne pas le laisser vous approcher. Et surtout, ne pas hésiter pas à faire du bruit, à verbaliser, à crier. Cela peut amener du monde autour du vous, mais aussi effrayer votre agresseur.»
3/ Toujours être face à votre agresseur, ne jamais lui tourner le dos. «Il ne faut pas baisser la tête, pas une seconde. Essayer d’avoir une certaine prestance et de toujours garder votre agresseur à l’œil, d’être face à lui.»
4/ Viser le bas-ventre en cas d’altercation physique. «C’est la partie du corps qu’il faut viser en priorité. Les parties génitales ou le bas-ventre sont les zones les plus sensibles. N’essayer pas de taper le torse, cela ne servira à rien. Visez plus bas et fuyez dès que possible.»