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Les conventions collectives à la traîne


Dans certains secteurs, comme la coiffure ou l’esthétique, les taux de couverture sont en dessous de 20 %.  (Photo : archives lq/julien garroy)

Les salaires sont plus élevés pour ceux couverts par une convention collective. Une directive européenne demande un taux de couverture de 80 %, et le Luxembourg est encore loin du compte.

La plupart des salariés l’ignorent encore sûrement, mais une directive européenne prévoit que chaque État membre doit prendre des mesures visant à augmenter le taux de couverture des convention collective à 80 %. Les États membres ont jusqu’au 15 novembre 2024 pour s’y conformer.

La Chambre des salariés s’empare naturellement du sujet, les conventions collectives de travail (CCT) comptant «parmi les outils les plus importants du marché du travail pour garantir un dialogue social convenable et des conditions d’activité décentes». C’est particulièrement vrai pour la rémunération et le temps de travail.

Le Luxembourg est loin d’atteindre l’objectif européen, comme treize autres pays membres. Avec un taux défini de 62 %, le Luxembourg compte parmi les pays les moins couverts, seuls les pays de l’Europe de l’Est, à l’exception de l’Allemagne, font moins bonne figure, comme le relève la CSL. La Belgique, la France ou les pays scandinaves disposent d’une couverture supérieure à 90 %.

A peine plus d’un salarié couvert

S’appuyant plutôt sur les chiffres fournis par le Statec, la CSL note que le taux global de salariés couverts par une convention collective sur l’ensemble de l’économie n’est plus qu’à 59 %, soit 21 points en dessous de l’objectif européen.

Pour le seul secteur privé, c’est-à-dire hors administration et enseignement publics, le taux de couverture affiche 53 %. Autrement dit, à peine plus d’un salarié sur deux est couvert par une convention collective dans le secteur privé, loin de l’objectif européen. Rien n’a changé ces dernières années, il s’agit donc de se mettre à l’ouvrage.

Au sein du secteur privé, cependant, il existe des différences considérables par secteur d’activité et selon les postes occupés. La branche d’activité des services administratifs et de soutien est la seule où le taux de couverture approche l’objectif européen de 80 %, tandis que dans le secteur des autres activités de services (coiffure, esthétique, etc.), le secteur des activités spécialisées, scientifiques et techniques (activités d’avocat, de recherche, de marketing, etc.), le secteur des activités immobilières ou le secteur de l’information et communication, le taux de couverture est inférieur à 20 %.

Un appel à «des efforts considérables»

La CSL constate que les branches du commerce et de l’Horeca, qui comptent parmi les secteurs avec la plus faible couverture, sont aussi les deux secteurs avec le plus grand risque de salaire social minimum au Luxembourg. Il arrive même que la situation empire. Ainsi, le taux de couverture est en baisse significative dans le secteur de la santé humaine et de l’action sociale, par exemple, où il a chuté de presque dix points entre 2010 et 2018. Dans le secteur des activités financières, le recul est de presque sept points. Parallèlement, le taux a progressé de huit points dans l’Horeca et de quatorze points dans le secteur du transport et de l’entreposage.

La convention collective est «un garant fort d’une évolution salariale cohésive et juste», rappelle la CSL. Les salaires sont d’ailleurs sensiblement plus élevés pour les salariés couverts par une convention collective dans presque toutes les professions. Pour les employés administratifs (caissiers, réceptionnistes, etc.), par exemple, le salaire médian est de 50 % plus élevé chez les salariés couverts par une CCT que pour ceux sans convention.

«Il s’avère donc nécessaire que le nombre de salariés couverts par une convention collective augmente afin de pouvoir améliorer leurs conditions salariales et les conditions de travail de manière plus générale, ce qui contribuerait par ailleurs aussi à remplir l’objectif européen», conseille la CSL.

Le fait que, selon Eurostat, environ 16 % des salariés au Luxembourg travaillent pour une entreprise comptant moins de dix employés, complique les choses. La CSL juge donc indispensable que des mesures législatives et organisationnelles soient prises. «Des efforts considérables sont par conséquent non seulement attendus, mais aussi inévitables de la part des pouvoirs publics luxembourgeois!», conclut la Chambre des salariés.