Les bourgmestres sont sous pression. Ils doivent développer leur commune pour répondre à la croissance démographique du pays mais doivent aussi affronter des habitants hostiles à la bétonisation.
Le pays manque cruellement de logements et les communes sont mises sous pression pour en créer ou du moins autoriser leur construction. Souvent, les bourgmestres sont confrontés à l’hostilité de la population qui les juge sévèrement, les accusant de défigurer leur localité, de casser leur charme, de bétonner à tout va.
La photo d’un projet immobilier devant voir le jour rue Dicks à Mondorf-les-Bains, a ainsi déchaîné les passions sur un réseau social. Il est vrai que la Cité thermale a été entièrement remodelée ces dernières décennies et a sacrifié quelques immeubles remarquables de la Belle Époque pour construire un centre de soins moderne au début des années 80. Elle s’est également dotée d’un nouveau centre-ville, entièrement sorti de terre sur une quinzaine d’hectares entre le village et les thermes.
La commune de Mondorf-les-Bains connaît une croissance démographique légèrement supérieure à la moyenne nationale qui se situe autour de 2 %. Les PAP se multiplient, dont celui de la rue Dicks, dans le vieux village. Une rue qui au fil des siècles a connu moult transformations et qui végète depuis la fermeture des derniers commerces. Seuls restaient encore un restaurant chinois et une enseigne spécialisée dans les travaux d’intérieur.
C’est le propriétaire du restaurant qui investit dans ce projet de trois lots qui proposera une quarantaine de logements neufs, de part et d’autre de la rue. Il a racheté les maisons souvent désertées par leurs propriétaires, d’anciennes familles de la localité, pour se lancer dans l’immobilier. Il n’en fallait pas moins pour accuser le bourgmestre d’avoir cédé à la «mafia chinoise» comme l’ont fait entendre certains commentateurs sur la toile, regrettant dans la foulée le charme ancien de la rue, dans un style plutôt dépareillé.
Le promoteur, Robert Friedrich, un Mondorfois pure souche, fait des bonds quand il entend les ragots qu’on lui répète, mais qu’il ne lit pas sur les réseaux sociaux pour ne pas les fréquenter. «Si c’était la mafia chinoise, on aurait déjà construit!» Au fil des années, le restaurateur, qui a commencé rue Dicks dans une modeste petite maison, a racheté quelques maisons plus loin le marchand de chaussures et s’y est installé. Il a également acheté la maison voisine, puis quelques années plus tard, les maisons d’en face après avoir eu l’assurance de pouvoir y réaliser un projet immobilier.
Du simple au double
Il doit vendre 70 % des biens sur plans pour avoir accès aux prêts bancaires. «La mafia chinoise, comme disent les mauvaises langues, c’est un monsieur tout seul qui a attendu cinq ans une autorisation de construire de la commune et qui est aujourd’hui acculé», précise le promoteur. Les biens ne se vendent pas si facilement, les banques sont frileuses à accorder des prêts et en ces temps incertains de crise économique liée à la guerre en Ukraine, les gens réfléchissent à deux fois avant d’investir dans un logement.
«Il y a cinq ans on voulait vendre à 5 500 euros le m2, aujourd’hui on vend à 9 000. À qui la faute? Ce sont les lenteurs administratives qui entraînent une augmentation des prix, la pandémie n’a rien arrangé avec des prix des matières premières qui ont explosé et des délais de livraison impossibles!», explique le promoteur.
Les appartements sont mis en vente sur plan sur les sites spécialisés. Comme le sont d’ailleurs ceux d’une autre résidence non loin de là, rue Frantz-Clément, à l’emplacement de cinq anciennes maisons. Là aussi, il va y avoir de la densité.
Le bourgmestre, Steve Reckel, entend les reproches, mais il n’est pas responsable du coefficient de densité ni du goût des architectes qui respectent le règlement des bâtisses. Il faut construire des logements et Mondorf a plutôt montré l’exemple ces dernières années.
Comment empêcher la construction d’immeubles résidentiels au centre-ville ? Ce que Mondorf-les-bains est en train de créer est pas mal. Et pour les anxieux, le plan d’aménagement dicte dans quelles rues il est possible de créer des apparts, et quelles rues ne peuvent recevoir que des maisons unifamiliales, ce qui représente une sacrée partie de Mondorf.