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Les analystes de Wall Street aiment bien être respectés


Les analystes financiers, boussoles indispensables, mais parfois déréglées des marchés financiers, ont acquis un pouvoir considérable sur l'évolution du cours de Bourse des entreprises. (Photo : AFP)

Le plongeon en Bourse du groupe Symantec vendredi après l’annonce d’une mystérieuse enquête et celui de Tesla suite à un mouvement d’humeur de son patron Elon Musk rappellent une vérité immuable à Wall Street: les analystes détestent qu’on laisse leurs questions sans réponse.

« La seule chose qu’un investisseur averti peut croire, ce sont les chiffres qu’on lui montre. Si les dirigeants d’une société ne peuvent plus les montrer ou ne veulent pas répondre à des questions simples et légitimes, alors il n’y a plus de confiance », estime Gregori Volokhine, président de Meeschaert Financial Services.

Vendredi, le groupe de sécurité informatique Symantec a perdu plus de 33% après que le groupe a annoncé, à l’occasion de la présentation de ses résultats trimestriels, l’ouverture d’une enquête interne, sur laquelle l’entreprise n’a fourni presque aucun détail et n’a répondu à aucune question.

Qualifiée par les analystes de Cowen & Co de « choquante », l’annulation de la traditionnelle séance questions-réponses entre dirigeants et analystes financiers à l’issue d’une conférence téléphonique n’a fait qu’accroître l’incertitude et le ressentiment des analystes face à ce refus de l’entreprise de communiquer.

« Nous n’avons aucune idée de ce à quoi peut être reliée cette enquête », affirment les analystes de Deutsche Bank, estimant que cette affaire doit « forcément être sérieuse ».

« Ennuyeuses et imbéciles »

Résultat, le cours a été massacré en Bourse, passant de 29,18 dollars à 19,52 dollars (-33,10%).

« La seule monnaie qui importe à Wall Street, c’est la confiance », rappelle M. Volokhine.

Cette sanction immédiate fait écho à la colère la semaine dernière d’autres experts financiers après que le patron de Tesla Elon Musk a refusé de manière véhémente de répondre à leurs questions sur la santé financière du constructeur automobile, à l’occasion d’une conférence téléphonique après l’annonce des résultats de l’entreprise.

Près de 3 milliards de dollars de capitalisation boursière étaient partis en fumée lors de la seule séance de jeudi dernier, au lendemain de cet incident. Tesla a toutefois depuis rattrapé ses pertes.

« M. Musk a(vait) été très impoli pour ne pas dire plus dans sa façon de ne pas répondre aux questions des analystes », a écrit Aaron Siegel, analyste du cabinet de recherche CFRA, le patron de Tesla qualifiant les questions des analystes « d’ennuyeuses et imbéciles » et refusant d’y répondre.

Ce mouvement d’humeur, bien que beaucoup plus mesuré, avait réveillé le souvenir de l’insulte restée célèbre du patron d’Enron, Jeffrey Skilling, à un analyste financier lors d’une conférence téléphonique en 2001, avant que le groupe énergétique ne fasse faillite suite à un scandale financier et que M. Skillings ne se retrouve en prison.

Agacé par une question portant sur la comptabilité de l’entreprise, ce dernier avait traité son interlocuteur de « trou du cul ».

Boussoles déréglées

Les histoires de Tesla et Symantec sont différentes sur la forme, précise M. Volokhine, l’une ayant « maltraité les analystes », et l’autre ayant « imposé de manière inacceptable le mystère sur une enquête qui concerne l’entreprise ».

« Mais le réflexe est le même: dans le doute il n’y a pas grand intérêt à rester investi en raison de l’inconnue », juge-t-il.

« C’est certainement frustrant pour eux. Mais dans l’ignorance, ils préfèrent adopter une position qui consiste à appeler à vendre d’abord et à essayer de comprendre ensuite », abonde Jack Ablin, responsable des investissements de Cresset Wealth Advisors.

Les analystes financiers, boussoles indispensables, mais parfois déréglées des marchés financiers, lorsqu’il s’agit de prédire les résultats et la santé des entreprises, ont acquis un pouvoir considérable sur l’évolution du cours de Bourse des entreprises.

Ils sont parfois accusés de prévisions trop optimistes, au risque de précipiter les cours boursiers dans le rouge si les résultats financiers des entreprises s’avèrent inférieurs à leurs estimations.

Ou à l’inverse d’être trop pessimistes, à l’instar des résultats d’Apple en début de mois qui ont montré de solides ventes d’iPhone de 52,2 millions d’unités, alors que nombre d’entre eux avaient dans les semaines précédentes revu à la baisse leurs estimations de ventes concernant le produit phare de la marque à la pomme.

Le Quotidien / AFP