Une loi sur le modèle suisse, qui restreint le droit d’acquisition de biens immobiliers par des non-résidents, n’est pas un instrument efficace pour lutter contre la crise du logement. C’est dit.
La question de restreindre l’accès à la propriété immobilière aux étrangers non résidents au Luxembourg s’est posée avec plus d’insistance à partir de 2019, quand les députés ont émis la possibilité d’importer le modèle suisse de la loi appelée «Lex Koller», pour lutter contre la crise du logement.
Cette loi fédérale, votée en 1983, a connu depuis des assouplissements successifs et a montré une efficacité relative pour contrer la crise immobilière, comme l’explique la cellule de recherche scientifique de la Chambre des députés dans une analyse.
Il y a trois ans, la Fondation Robert-Krieps et les Stater Sozialisten appelaient à «passer à l’action», tentés par l’introduction d’une telle restriction au Luxembourg. Ils relevaient qu’entre 2015 et 2019, plus de 8 200 appartements avaient été vendus en état futur d’achèvement, dont 40 % (3 341 appartements) achetés par des personnes à des fins d’investissement.
«Uniquement dans la première moitié de l’année 2019, au sein du nouveau quartier Cloche d’or, 177 appartements ont été achetés à des fins d’investissement», notaient-ils.
Des chiffres qui ne distinguent pas la part exacte des ressortissants de pays tiers parmi ces investisseurs, mais ils font partie de la demande croissante sur le marché de l’immobilier luxembourgeois, «à la recherche d’un placement purement financier et au pire à la recherche d’une opportunité de blanchiment», selon les défenseurs du modèle suisse.`
L’ancienne ministre de la Justice, Sam Tanson, avait répondu en 2022 très brièvement, à une question parlementaire du député libéral André Bauler, que son ministère n’avait pas étudié l’opportunité ni la faisabilité de mettre en œuvre un cadre légal interdisant l’acquisition d’immeubles par des étrangers, à l’instar de la loi suisse, dite «Lex Koller».
La cellule scientifique de la Chambre des députés a donc été sollicitée pour rédiger une note de recherche qui propose une analyse de la faisabilité juridique et économique d’une loi similaire au Luxembourg, le postulat étant qu’il y aurait une corrélation entre l’immigration et la crise du marché de l’immobilier au Luxembourg.
La restriction de l’accès à la propriété de certains étrangers «ne s’avère pas être un instrument efficace ou adapté de la lutte contre la crise du logement», relèvent les experts de la cellule scientifique. D’ailleurs, son objectif initial visait davantage «à protéger la propriété des Suisses qu’à répondre à une crise du logement».
Une mesure très protectionniste, incompatible avec les engagements internationaux et européens du Luxembourg, mais également avec la Constitution luxembourgeoise.
«Les restrictions portées à l’acquisition de biens immobiliers par les étrangers non résidents au Luxembourg sont problématiques tant du point de vue de la liberté d’investir et de la liberté de circulation que de la garantie du droit de propriété», notent les juristes.
Surtout, la crise du logement et la hausse des prix ne sont pas imputables aux investisseurs étrangers, qui «jouent plutôt un rôle de dynamisation de l’économie luxembourgeoise». Ce sont bien des particuliers qui détiennent la majorité de la propriété foncière au Luxembourg.
D’autres pistes
La perspective d’importer la loi Lex Koller s’éloignant considérablement, la cellule scientifique en conclut que d’autres pistes mériteraient d’être étudiées pour répondre à la pénurie de logements. La mise en place d’un impôt à la mobilisation des terrains et d’un impôt sur la non-occupation de logements devrait porter ses fruits.
Les experts estiment qu’une plus grande flexibilité dans la considération de certains instruments d’aménagement du territoire et urbanistiques pourrait, à côté des instruments purement fiscaux, contribuer à lutter efficacement contre la pénurie de logements.
Les espoirs des défenseurs du modèle suisse s’effondrent, eux qui proposaient de légiférer au Luxembourg pour réglementer l’acquisition de biens immobiliers et fonciers par des ressortissants de pays tiers.
«Nous pourrions garantir que le Luxembourg reste un pays ouvert à tous ceux qui veulent y vivre, en se protégeant de tous ceux qui veulent l’utiliser à des fins de blanchiment d’argent et qui contribueraient à une dérégulation de notre marché immobilier intérieur, privant à terme nos résidents ou futurs résidents de l’accession à la propriété», écrivaient-ils.
Ces acquéreurs étrangers ne sont pourtant pas à l’origine de la crise du logement et de la flambée des prix.
…il y a scientifique et scientifico-politique: Si c’est Idea qui a rédigé ce rapport, on sait bien comment ça a tourné… Business first! Établir des critères d’éligibilité comme le fait de prouver qu’on réside au moins pendant 180 jours par an au Luxembourg est légitime et relève donc d’une pure volonté politique!