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Les 42 500 comptes de Français au Luxembourg vont être épluchés


Christian Eckert et les services de Bercy vont éplucher les quelque 42 000 comptes détenus par des Français au Luxembourg. (Photo AFP)

Bercy s’apprête à passer à la loupe plus de 40 000 coordonnées bancaires susceptibles de concerner des exilés fiscaux au Grand-Duché. Christian Eckert, secrétaire d’État français au Budget, se frotte les mains.

Confirmez-vous la liste transmise à vos services par la Rhénanie-du-Nord-Westphalie, révélant l’existence de 42 540 comptes bancaires détenus par des Français au Luxembourg ?

Christian Eckert : Malgré le caractère officiel de cette information, cette liste ne nous est pas encore parvenue sous une forme exploitable. Pour qu’elle puisse l’être, les règles de procédures doivent être respectées. Ce listing va transiter par l’état fédéral allemand qui se chargera ensuite de le transmettre à la Direction générale des finances publiques.

Et après ?

Le premier travail consistera à effectuer le tri entre les comptes qui ont fait l’objet d’une déclaration des avoirs de leurs propriétaires et les autres. Il faut rappeler que posséder un compte à l’étranger n’est en soi pas un délit. C’est d’ailleurs le cas de beaucoup de travailleurs frontaliers. A la condition toutefois qu’il fasse l’objet d’une déclaration. Pour ces vérifications, nous adresserons des courriers aux détenteurs identifiés et des demandes conjointes au Luxembourg. Pour les exilés fiscaux, cela débouchera sur des redressements.

Plus de 40 000 dossiers à éplucher… Il s’agit d’une belle prise !

Pour mémoire, la liste Falciani (du nom de ce lanceur d’alerte franco-italien qui avait révélé en 2008 des comptes non déclarés ouverts chez HSBC à Genève) comprenait 8 993 dossiers. Une fois triés ceux portant sur des avoirs nuls ou négatifs et des doubles comptes, il en restait environ 3 000.

A ce jour, quel est le bilan de la cellule de régularisation ouverte à Bercy en 2013 ?

Elle a reçu 46 504 demandes de régularisation et 17 775 ont déjà été traitées. Les procédures de redressement avec pénalités ont ainsi permis de récolter 5,9 milliards d’euros dont 1,3 milliard depuis le début d’année. 90% des dossiers proviennent de Suisse, 6% du Luxembourg, le reste d’autres pays.

Cette nouvelle prise ne va-t-elle pas peser sur la relation de la France avec le Luxembourg, membre de l’UE, à la différence de la Suisse, et dont l’ancien chef de gouvernement préside la commission ?

Non, à partir du 1er janvier 2018, le Luxembourg rejoindra le groupe des 100 pays qui ont décidé, pour certains dès 2017, de procéder à l’échange systématique d’informations en matière d’évasion fiscale. C’est pourquoi je considère que le Service de traitement des déclarations rectificatives n’a pas vocation à être maintenu au-delà de 2018.

On a pourtant l’impression qu’en ce domaine les États ont toujours une guerre de retard…

Depuis 7 ans que je travaille sur ces dossiers financiers, je n’ai jamais vu une telle mobilisation internationale. Les choses progressent comme jamais. Les montants commencent à être considérables. Les procédures (particuliers et sociétés) se chiffrent à 20 milliards d’euros par an pour un taux d’encaissement de l’ordre de 50%, le reste faisant l’objet de contestation. En 2015, les cinq plus gros redressements concernant l’impôt sur les sociétés ont rapporté à eux seuls 3,4 milliards. Et il ne s’agit pas de one shot comme je l’entends souvent : une fois découvertes, les dissimulations se muent en revenu régulier pour l’État.

Recueilli par Xavier Brouet (Le Républicain Lorrain)