Le poème d’amour le plus long du monde est né en 1844 à Banska Stiavnica en Slovaquie, 2 900 lignes d’un écrivain du cru. Aujourd’hui, la petite ville médiévale veut se muer en un lieu de pélerinage pour les amoureux du monde entier, grâce à une « Banque de l’amour » créée pour stocker leurs histoires.
Pour que Banska Stiavnica rejoigne Paris ou Vérone sur la carte des places romantiques, une ONG locale cultive le souvenir de l’histoire (malheureuse) du poète Andrej Sladkovic et de sa muse Marina – contrainte par ses parents bourgeois d’épouser un riche fabricant de pains d’épices plutôt qu’un auteur désargenté – et a aménagé 100 000 compartiments sous l’ancienne maison de la belle, voués à accueillir des histoires d’amour et des souvenirs de couples.
Publié en 1846, le long poème où Andrej Sladkovic crie sa flamme et son désespoir amoureux a été enregistré comme l’oeuvre de ce genre la plus longue du monde par l’Académie mondiale des records (basée à Miami en Floride, principale rivale du Livre Guinness des records). Il a été traduit en plusieurs langues, dont l’allemand et le français.
Andrej, Marina et la maison en Slovaquie: l’histoire est moins célèbre que Roméo, Juliette et le balcon de Vérone, mais elle a le mérite d’être authentique et l’ONG « Epicentre de l’amour » compte bien capitaliser là-dessus. « Quand les 100 000 boîtes seront remplies d’histoires, cette maison deviendra le lieu de la plus grande concentration d’amour du monde, l’Epicentre de l’amour », prédit Katarina Javorska, chargée des relations publiques de l’ONG.
Mesurez vos sentiments à l' »amouromètre »
L’association a installé son siège dans l’ancienne maison de Marina et, après deux ans de travaux, a inauguré en décembre une exposition interactive présentant notamment une copie du manuscrit du poème de Sladkovic, sa bibliothèque et un « amouromètre » censé mesurer la force des sentiments d’un couple.
Mais c’est sous la maison que semble se situer la principale attraction, avec la « Banque de l’amour ». Un long tunnel dans le souterrain du bâtiment a été transformé en chambre forte comptant 100 000 compartiments, où les amoureux peuvent « faire des dépôts » à certains moments de l’année. Sans surprise, la prochaine date est… la Saint-Valentin. Les amateurs peuvent même réserver leur place sur http://epicentrumoflove.com/
« Nos visiteurs ne cachent pas leur étonnement quand ils voient comment cette histoire, et ce poème qui fait partie des lectures obligatoires à l’école primaire, ont été transformés en une expérience pratique », se félicite Mme Javorska.
« Nous reviendrons ici, mon fiancé et moi, dans quelques jours et déposerons les tickets de cinéma de notre premier rendez-vous », confie Dominika Hrabusova, 24 ans, qui vit à Lucenec, une ville de la région. Pour Jan et Anna, un couple accompagné d’un bébé de sept mois, c’est déjà la « quatrième ou cinquième visite à Banska Stiavnica ». « Avant notre mariage, nous venions plus souvent », confie Jan, 38 ans. « La ville est en soi un bijou », dit-il, en se disant « impressionné par la créativité » de l’exposition.
Jadis connue pour ses mines d’argent, la petite ville de 10 000 habitants est inscrite au Patrimoine mondial de l’Unesco en raison de son histoire minière qui remonte au Moyen Age et de son centre urbain datant du XVIe siècle.
Dans la maison de Marina, l’architecture ancienne demeure, cohabitant avec un concept d’exposition moderne. Le sol du tunnel du XVIe comprend des carreaux de miroirs multipliant à l’infini les « boîtes d’amour » – petits tiroirs en bois – qui tapissent les murs. Dans une pièce du bâtiment, les personnages de peintures murales s’animent soudain pour jouer des scènes de la vie amoureuse, et l’illusion est parfaite. Les visiteurs sont aussi invités à remplir un « registre de l’amour », un livre de 3 200 pages pesant 53 kilos.
« Certains estiment le projet très audacieux et ambitieux. Mais si des millions de gens sont prêts à aller à Vérone pour voir le balcon de Roméo et Juliette, un couple imaginaire, je pense que beaucoup viendront à l’Epicentre de l’Amour pour revivre une vraie histoire d’amour », veut croire Mme Javorska.
Le Quotidien/AFP