Le nombre de contrats à durée déterminée ne cesse d’augmenter au Grand-Duché. La Chambre des salariés (CSL) appelle à une régulation, d’autant que l’économie se porte bien.
Si quelques secteurs demeurent à la traîne (notamment l’industrie manufacturière et les activités liées à l’hébergement et la restauration), d’une manière générale, l’économie luxembourgeoise «se porte très bien» et est revenue à son niveau d’avant la crise des subprimes, selon les derniers rapports de la Chambre des salariés.
«Il est vrai qu’il existe un paradoxe entre la productivité et la croissance réelle, puisque la productivité se mesure à partir d’objets produits. Or le Luxembourg repose de plus en plus sur une économie de services, plus délicate à mesurer. D’où les incertitudes et études parfois divergentes qui peuvent exister. Néanmoins, la productivité dans notre pays et plus largement dans la région est très élevée», signale Jean-Claude Reding, le président de la CSL.
Le Luxembourg est d’ailleurs, et «de loin», le pays européen qui a vu son emploi augmenter le plus fortement pour la période 2000-2016 : +60% contre 11% dans l’UE15 (les quinze pays qui appartenaient à l’UE entre 1995 et 2004).
Eu égard à cette situation économique florissante, la CSL appelle les dirigeants économiques et politiques à plus de justice sociale et plus de respect environnemental.
«Pourquoi vouloir toujours plus de croissance et de productivité ?, interroge Jean-Claude Reding. Cela présente un risque pour l’environnement et la justice sociale. Il faut ouvrir le débat et tendre vers d’autres modèles économiques. Le nouveau gouvernement aura du pain sur la planche, mais économiquement, tous les moyens sont là pour réaliser une bonne politique, une politique qui prenne aussi en compte les questions sociales et environnementales.»
Hausse des contrats précaires de 190%
La question mérite en effet d’être posée, d’autant que le rapport de la CSL sur les contrats précaires au Grand-Duché révèle que les employeurs ont de plus en plus recours au contrat de travail à durée déterminée, alors que le Luxembourg fait traditionnellement figure d’exception en Europe, recourant davantage aux contrats à durée indéterminée.
Depuis 2003, le nombre de contrats précaires parmi les salariés résidents de 15 à 64 ans a ainsi augmenté de plus de 190%, selon le rapport de la CSL. «Le Luxembourg continue d’avoir davantage recours au CDI, précise le président de la CSL. Mais on a une croissance plus rapide du nombre d’emplois temporaires (CDD, intérim…) que dans d’autres pays européens. On tend vers la moyenne européenne. Et c’est une mauvaise chose.»
Présentés comme des vecteurs de flexibilité ou des tremplins vers un CDI, les contrats à durée déterminée, le plus souvent de courte durée (un à six mois dans 51% des cas), sont en fait insécurisants et instaurent indéniablement une forme de précarité. Or «toute augmentation de la précarité conduit à intensifier les flux d’entrée et de sortie du chômage et, par conséquent, à sous-estimer le stock de chômeurs à un moment donné», conclut le rapport de la CSL, qui dénonce «l’effet d’aubaine» que constitue le recours au CDD par les employeurs, «pour qui l’emploi temporaire réduit en réalité les coûts potentiels d’ajustement à l’emploi».
«La persistance dans l’emploi temporaire s’est renforcée. Et avec la digitalisation et l’économie de plateformes, on risque d’avoir encore plus d’emplois précaires. Il faut donc dès maintenant commencer à réguler cela. Les jeunes sont les plus concernés par cette précarité, et construire sa vie sur la précarité, ce n’est pas un bon début ! Le prochain gouvernement devra s’atteler à stopper cette évolution qui ne va pas dans le bon sens, car elle va créer une génération de jeunes précaires.»
Tatiana Salvan