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L’emploi au ralenti au Luxembourg : «Les dynamiques ont changé, il faut s’y habituer»


La directrice de l’Adem pointe notamment un contexte géopolitique incertain qui pousse les entreprises à l’attentisme. (Photo : Hervé Montaigu)

À travers son bilan 2024, l’Adem confirme que le marché du travail luxembourgeois tourne désormais en sous-régime, avec moins d’offres et un taux de chômage qui grimpe.

«Oui, nous avons connu une légère croissance de l’emploi en 2024, mais à 0,9%, un taux historiquement bas pour le Luxembourg», note Isabelle Schlesser, directrice de l’Agence pour le développement de l’emploi (Adem).

«Depuis 2023, les dynamiques ont changé, il faut s’y habituer.» Une tendance profonde confirmée par les prévisions du Statec qui table sur une croissance à 1% à peine pour 2025, avant une potentielle «remontée» à 1,5% l’an prochain. Bien loin des +3% encore affichés en 2021.

Pour elle, l’effondrement du secteur de la construction, traditionnel moteur de l’économie au Grand-Duché, y est pour beaucoup, tout comme le contexte géopolitique déstabilisé ces dernières années : «Il y a beaucoup d’incertitudes, et cela empêche les entreprises d’investir, avec un lourd impact sur le marché du travail. On voit nettement ce ralentissement.»

On peut aussi citer un phénomène encore minoritaire, mais qui pourrait prendre de l’ampleur à l’avenir et peser davantage sur l’économie : des travailleurs frontaliers – belges et allemands en majorité – se détournent du Luxembourg, privilégiant la qualité de vie, là où auparavant une rémunération attrayante faisait pencher la balance.

Moins de postes, plus de candidats

Les chiffres du rapport annuel 2024 de l’Adem présenté hier en présence du ministre du Travail, Georges Mischo, montrent une baisse de 15% du nombre de postes vacants par rapport à 2023. Seuls le secteur public, la santé et le social sont épargnés.

Sur la même période, le nombre de demandeurs d’emploi inscrits a, quant à lui, bondi de 7%, avec un taux de chômage à 5,9% – et même à 6% en mai dernier. Et cela ne devrait pas fluctuer d’après le Statec qui projette 6% à l’horizon 2026.

Un écart déjà conséquent entre offre et demande qui continue de se creuser, favorisé par un important skills gap, c’est-à-dire que les compétences disponibles ne correspondent pas à celles recherchées par les employeurs.

Les formations font le plein

«Les études régulières que nous menons, en particulier celle concernant le secteur de l’IT publiée récemment, révèlent une évolution extrêmement rapide du marché», poursuit Isabelle Schlesser, insistant sur le rôle central de la formation tout au long de la vie, pour mieux s’adapter aux besoins émergents.

Un volet que l’Adem a largement développé en 2024, en organisant des formations sectorielles accessibles sans pré-requis, suivies par plus de 9 000 personnes (+79% de participation) et destinées à combler les besoins concrets des entreprises en facilitant une réinsertion durable sur le marché de l’emploi.

Jeunes et seniors en grande difficulté

Toutes ces tensions compliquent sérieusement l’intégration des jeunes diplômés, mais aussi le maintien des seniors sur le marché de l’emploi. «On constate que les exigences des entreprises augmentent : comme elles subissent une forte concurrence, elles veulent des profils déjà opérationnels, ce qui joue en défaveur des jeunes qui démarrent», explique la directrice.

Quant aux «aînés», des difficultés pour retrouver un emploi apparaissent déjà à 45 ans : «Nous observons clairement que le chômage de longue durée augmente à partir de cet âge-là, mais c’est vraiment vers 55 ans que la situation devient critique. Et ce dans tous les métiers, même des postes de cadre.»

La question de la formation continue devient cruciale ici, ces travailleurs n’ayant souvent pas eu l’opportunité de se mettre à la page au sein de leur société.

Démarches en ligne dès novembre

Pour finir, l’Adem poursuit ses efforts en matière de digitalisation. En plus du nouveau portail JobInsights.lu qui indique en temps réel les compétences et niveaux d’expérience requis par les employeurs dans chaque secteur d’activité, le site de l’Adem a fait peau neuve et est maintenant disponible en trois langues.

Un premier pas vers la possibilité d’effectuer certaines démarches en ligne : «La prochaine étape concernera les indemnités de chômage, qu’on pourra demander directement via myGuichet à partir du mois de novembre», annonce Isabelle Schlesser.