Métiers d’avenir, fiscalité, pensions, transfrontalier : le président de la fédération des industriels, Nicolas Buck, a tenu une conférence mardi à Schengen, sur l’avenir du «Grand Luxembourg». Extraits choisis.
Le Luxembourg a-t-il vocation à rester industriel?
«Bien sûr. Le psychodrame du Luxembourg se joue tous les dimanches lors des repas de famille. Si un fils est ingénieur et l’autre associé dans la finance, on finit par comparer les salaires et on s’engueule! Or la richesse du XXIe siècle, c’est l’association industrie et informatique. Sur une classe d’âge de 25 000 élèves, on ne peut plus continuer à en avoir 336 qui font des maths et 7 000 de l’éco et du droit […] le Luxembourg a connu un développement remarquable depuis les années 1980 grâce à la place financière. Elle va demeurer, mais il faut se diversifier […] Refuser Google aujourd’hui, ça serait comme refuser la sidérurgie au XIXe siècle […]. Nous n’en sommes qu’au début de l’histoire des start-up au Luxembourg, malgré de bons efforts. Nous rattrapons un gros déficit. Pourquoi? Car l’entrepreneuriat se développe le mieux en temps de crise. Regardez Nokia qui s’est effondré en Finlande, ça a donné une myriade d’industries créatives.»
Fiscalité : pas une fin en soi
«Je ne suis pas un lobbyiste. Je pense qu’il faut prendre des décisions parce qu’elles sont bonnes, pas parce que quelqu’un a dit qu’il fallait les prendre. Au Luxembourg, j’observe un environnement favorable. L’entrepreneur qui s’installe ne va pas se farcir un contrôle fiscal tous les ans, et les règles sont clairement définies […] Depuis 40 ans chez nous, c’est « on est ouvert au business »! La fiscalité ne doit pas être une fin en soi, elle doit permettre d’attirer les gens à haute valeur ajoutée.»
Plan Rifkin, plan d’avenir?
«Je retiens une vraie ligne de ce rapport : la question de l’énergie reprend le devant. C’est une carte formidable à jouer pour l’industrie luxembourgeoise. D’où vient l’électricité que l’on consomme? Comment en produire autrement? Comment la stocker? On va arrêter de brancher nos machines sans savoir d’où vient l’énergie, et c’est fondamental.»
Les pensions, «notre épée de Damoclès»
«S’il n’y avait qu’une seule urgence politique, c’est bien celle-là. Notre système de pension actuel est intenable, il faut dire la vérité aux gens. Tout simplement car notre taux d’emploi (donc de pensions à assumer ensuite) par rapport au nombre d’habitants est déconnecté. 400 000 emplois pour 550 000 habitants! C’est comme si la France comptait 45 millions d’emplois…Il faut réformer le système des pensions d’ici 2025 dernier délai, c’est une bombe à retardement dont on ne mesure pas l’importance.»
Lorraine, Wallonie, Sarre : penser «Grand Luxembourg»
«La Grande Région, je ne sais pas ce que ça veut dire. Le Grand Luxembourg, oui. C’est un pays qui rayonne au-delà de son périmètre. C’est une réalité. On n’a pas à signer des chèques n’importe comment. Mais on ne peut plus se désintéresser des investissements nécessaires de l’autre côté de nos frontières. Londres va élargir son métro jusqu’à Reading, située à 1 h 30 de voiture dans la banlieue ouest! Voilà les métropoles avec lesquelles nous sommes en concurrence. Là encore, soyons lucides : soit on investit dans ce périmètre du Grand Luxembourg pour poursuivre notre croissance, soit on devient Auxerre (NDLR : ville de province française située en Bourgogne).»
Les frontaliers : «Dire leur importance, encore»
«On n’arrêtera pas ce mouvement qui consiste à avoir la moitié de notre main-d’œuvre qui franchit la frontière. Je vais même me projeter plus loin : quand les gens refuseront de passer quatre heures dans leur voiture, la logique des choses sera d’implanter des filiales à Metz ou à Nancy, plutôt qu’en Asie ou ailleurs (NDLR : pas simplement du télétravail, idée qu’il considère comme « périmée »). On en est loin, cette discussion n’existe pas du tout au Luxembourg […] l’effort consiste déjà à rappeler aux responsables politiques, qui par définition ne fréquentent pas beaucoup les frontaliers, que si tu veux que ce « truc » (le système économique) continue, il faut un système pour les locaux comme pour les gens de Lorraine ou de Belgique.»
Hubert Gamelon.