Les coordinateurs antidrogue européens étaient réunis cette semaine à Prague. Le représentant tchèque a réclamé, à cette occasion, un «effort collectif» des 27 pour réguler le marché du cannabis récréatif.
La ministre de la Santé, Paulette Lenert, au côté de la ministre de la Justice, Sam Tanson, avait créé la surprise à la mi-juillet. Oui, l’État luxembourgeois compte – à terme – cultiver du cannabis pour la consommation récréative. Il s’agit d’un rebondissement après un premier compromis a minima qui doit permettre à l’horizon 2023 de cultiver en privé quatre plants de cannabis. L’étape intermédiaire sera la mise en place d’une production de cannabis médical.
Avec ses ambitieux projets, le Luxembourg s’est définitivement rangé dans le camp des pays membres de l’UE qui prônent pour une politique plus libérale en matière de stupéfiants. Les précurseurs sont les Pays-Bas, le Portugal, l’Espagne ou encore l’Estonie. Le nouveau gouvernement allemand, en place depuis fin 2021, s’est, lui aussi, engagé à changer de cap en mettant en perspective une légalisation du cannabis.
Dans l’autre camp, on retrouve des pays comme la Pologne ou la Suède, rejoints notamment par la France, qui appliquent la tolérance zéro. Rien n’indique aujourd’hui que ces pays seront prêts à faire évoluer leur cadre légal sur les stupéfiants en général et le cannabis en particulier.
Les positions n’auraient donc pas être plus opposées mercredi lors de conférence des coordinateurs nationaux «drogues» de l’Union européenne. La réunion a eu lieu cette semaine dans le cadre de la présidence tchèque du Conseil de l’UE. À l’ordre du jour figurait un débat sur la régulation du marché et la dépénalisation des consommateurs de cannabis.
La cacophonie qui existe actuellement à l’échelle européenne amène le coordinateur tchèque à lancer un appel pour un «effort collectif» de la part des 27 pour enfin harmoniser les législations sur le cannabis, que ce soit pour l’usage médical ou récréatif. Plus concrètement, Jindřich Vobořil plaide pour une «réglementation stricte» du marché européen.
«L’interdiction ne s’est pas avérée suffisamment efficace. Nous devons dès lors chercher d’autres modèles. Un marché réglementé peut-être une seule solution», complète le représentant tchèque, cité par nos confrères d’Euractiv.
Son discours rejoint celui de la ministre luxembourgeoise de la Justice. À la mi-juillet, Sam Tanson a rappelé qu’il existe un consensus sur le fait que «le statu quo n’est pas une option. Il nous faut une nouvelle politique de drogue structurée et multilatérale». D’où aussi l’initiative du Grand-Duché à agir à la fois sur le cannabis médical et récréatif.
«Il est impossible de ne pas en parler»
Alors que le cannabis récréatif n’est pas autorisé en République tchèque, la possession et la culture à domicile ont été dépénalisées depuis 2010, mais sont toujours passibles d’amendes si l’on consomme sur la place publique. Le gouvernement luxembourgeois compte s’engager sur la même voie, au même titre que la Belgique.
À Prague, les préparatifs pour le dépôt d’un projet de loi visant à réglementer le marché vont bon train. «Je suis heureux que nous ne soyons pas seuls dans l’UE à le faire», affirme Jindřich Vobořil. Le coordinateur «drogues» tchèque maintient l’importance de produire un «effort collectif» : «Nous espérons que ce sera un effort coordonné pour réguler le marché du cannabis. Il est impossible de ne pas en parler à l’échelle de l’UE.»
Michel Kazatchkine, de la Commission mondiale sur la politique des drogues, également présent à Prague, a lancé un appel pour que l’UE retire le cannabis de la liste des substances interdites. «Nous essayons de le faire depuis plus d’une décennie. Il existe de nombreuses complications juridiques. Mais je crois qu’il y aura un changement de compréhension en Europe et dans le monde», est cité cet expert par CTK, l’agence de presse tchèque.
Il est fait notamment allusion ici à la Convention de l’ONU sur le contrôle des stupéfiants, très stricte sur la production, la vente et la consommation de drogues récréatives. Néanmoins, l’initiative de la présidence tchèque du Conseil de l’UE aurait permis de donner une «valeur politique» au débat sur la légalisation du cannabis en Europe.
Au Luxembourg, les projets de loi sur la production de cannabis médical et récréatif doivent être déposés courant 2023 à la Chambre des députés.