Lors du «Wine Taste Enjoy» dimanche 8 et lundi 9 juin, les vignerons mosellans ont ouvert leurs portes au public afin de présenter leurs produits, fruits d’une histoire sur plusieurs générations qui cherche plus de reconnaissance.
Cette année, ils sont une trentaine de domaines et de caves à participer à l’événement «Wine Taste Enjoy» de l’Office régional du tourisme de la région Moselle luxembourgeoise (ORT) en organisant des dégustations, des promenades, des visites guidées et des animations en tous genres. Pour les visiteurs, c’est surtout l’occasion d’aller en terrasse afin de goûter, avec modération, les différents cépages de la route des Vins en ce beau lundi de Pentecôte. Forcément, pour les vignerons, c’est le moment idéal pour valoriser leur produit.
Sur la liste des participants se trouve d’ailleurs un petit nouveau qui compte bien faire sa publicité : le domaine VitiKohll à Wintrange. Situé dans le bourg du village, l’établissement a sorti les tables et les chaises afin de faire connaître aux visiteurs sa première production de pinot et de rosé réalisée en 2024. Cependant, le nom Kholl n’a rien de nouveau dans le coin puisqu’il s’agit d’un domaine familial lancé par Albert, le grand-père de l’actuel gérant Marc. À 34 ans, ce dernier a pris la suite de son père Joseph, décédé en 2004, et a décidé de renouer avec la production, un temps abandonné au profit de la vente.
S’ouvrir au public, une nécessité
«Mon père a pris le domaine et s’est dit qu’il ne voulait pas faire le vin soi-même et qu’il allait donc livrer les raisins à la coopérative Vinsmoselle» explique Marc Kohll, qui a fait de même jusqu’en 2023 avec ses 17 hectares. Depuis, il a abandonné la vente afin de reprendre la production, «ce que mon grand-père faisait déjà». «Je ne suis pas quelqu’un qui veut produire le plus de kilos possible par hectare pour l’argent de la coopérative, je veux faire de la qualité et gagner de l’argent avec ce que je fais, moi, dans mes vignes.»
Tout juste de retour parmi les producteurs, le domaine VitiKohll souhaite aussi prendre une autre dimension en accueillant du public. Pour ce faire, un hangar est en rénovation afin d’accueillir 42 000 litres dans des fûts en inox, 10 000 à 15 000 litres dans des barriques, mais aussi un espace dégustation pouvant accueillir une trentaine de personnes. Un comptoir avec une grande vitre donnant sur la rue est prévu afin de «montrer que ce n’est pas juste un hangar».
Dans un secteur où la concurrence est géographiquement proche, avoir un espace dégustation est un moyen de se différencier, surtout lorsque l’on vient de relancer la machine. «C’est toujours un risque, tu te demandes comment les gens vont trouver le vin et comment trouver des clients, d’où la rénovation du hangar» confie Marc Kholl.
«Il y a du potentiel»
S’ouvrir au public est d’autant plus un investissement bienvenu à l’heure où le gouvernement souhaite considérablement augmenter l’œnotourisme en Moselle, bien au-delà du week-end de «Wine Taste Enjoy». Un plan d’action dans ce sens va être dévoilé en décembre prochain et celui-ci est très attendu, tant le vin luxembourgeois est à la recherche de lumière.
Liliana, employée des caves ancestrales de Saint-Martin à Remich, est catégorique : «Le vin luxembourgeois n’est pas assez connu, il faut faire quelque chose». Elle qui a travaillé dans la vallée du Douro au Portugal avant celle de la Moselle, ne peut que comparer l’écart entre les deux. «Quand je suis arrivé ici, il y a 9 ans, au Portugal, nous étions déjà beaucoup plus avancés au niveau de l’œnotourisme que maintenant au Luxembourg dit-elle, mais il y a du potentiel ici, c’est juste qu’il y a beaucoup à faire.»

Vu de l’étranger, la Moselle luxembourgeoise est trop souvent ignorée lorsque l’on parle de vin en Europe occidentale. «À l’époque de mes études, il n’y avait pas le Luxembourg dans les livres», illustre Liliana. Corinne Kox, gérante du domaine familial L&R Kox à Remich, est du même avis : «Pour les gens qui s’intéressent au vin et qui ont des atlas ou des encyclopédies, le Luxembourg y figure peu, voire pas du tout.»
Méconnu dans son pays
Afin d’expliquer cette méconnaissance, l’argument de la taille revient en premier. Limité à moins de 13 000 hectares, répartis sur 42 km, le vignoble mosellan ne compte certes pas assez de pieds de vignes afin de s’exporter massivement. Néanmoins, son histoire et sa qualité pourraient, elles, faire le tour du globe. «On devrait faire inviter beaucoup plus de journalistes internationaux pour venir voir, parce que l’on est quand même la région viticole la plus ancienne au nord de l’Europe» propose Corinne Kox.
Mais avant d’exister sur la scène internationale, encore faudrait-il exister dans son pays. «Il y a des gens de la capitale qui ne savent pas que le Luxembourg produit du vin» déplore Marc Kohll. «Un touriste qui vient faire une visite à Luxembourg-Ville n’est pas vraiment en contact avec le vin, parce que dans la plupart des restaurants, des cafés, la place du vin luxembourgeois est toute petite», constate la gérante du domaine L&R Kox.
Outre le gouvernement et les restaurateurs, les vignerons ne sont pas exempts de tous efforts, selon Liliana qui regrette que, hormis lors du «Wine Taste Enjoy», «seuls deux ou trois domaines sont ouverts au public le reste de l’année comme nous». Reste que certains producteurs comme L&R Kox estiment «déjà en faire beaucoup pour un petit domaine» en étant ouvert sur rendez-vous. «On pourrait faire plus, mais il faut se professionnaliser et je suis d’avis que cela devrait être payant, car sinon les touristes dégustent et n’achètent même pas une bouteille après», fait savoir Corinne Kox.
