Le ministre de la Justice et celui des Affaires intérieures comptent réduire la charge qui incombe à la police avant de confier, à moyen terme, le transport des détenus aux agents pénitentiaires.
Courant novembre, une polémique a éclaté autour du transport des détenus. Les ministres Elisabeth Margue (Justice) et Léon Gloden (Affaires intérieures) avaient affirmé dans un premier temps que le système actuel «fonctionn(ait) bien». Une affirmation aussitôt contredite par le syndicat de la police grand-ducale (SNPGL).
Dans la foulée, l’association de défense des détenus «eran, eraus an… elo?» est à son tour montée au créneau pour presser le gouvernement de mettre rapidement en œuvre sa promesse électorale de confier le transport des détenus aux agents pénitentiaires.
La tâche revient depuis 2018 à l’unité de garde et d’appui opérationnel de la police grand-ducale (UGAO). Les agents de cette unité seraient confrontés à «des conditions de travail inacceptables, une énorme pression et d’importants risques professionnels».
À la mi-décembre, lors de l’ultime séance publique de la Chambre pour 2024, le député Dan Biancalana (LSAP) a une nouvelle fois interpellé les ministres de tutelle, en répétant les critiques émanant du terrain. «Nous sommes d’avis qu’il est temps d’agir. À la fois le syndicat de la police et l’association des agents pénitentiaires souhaitent que le système de transport des détenus soit revu», ajoute l’élu sudiste.
Dan Biancalana reproche même un «revirement» au gouvernement, qui, fort du satisfecit qu’il accorde au système actuel, renoncerait à mener la réforme inscrite dans l’accord de coalition.
«Il ne s’agit pas d’un revirement. La priorité est de résoudre des problèmes à court terme. Si le transport des détenus fonctionne bien, c’est grâce à l’engagement des agents impliqués. On est conscients que beaucoup de ressources sont utilisées», répond la ministre de la Justice.
Formation, port d’armes, adaptations légales
Selon le ministre des Affaires intérieures, Léon Gloden, la tâche de travail de l’UGAO s’est chiffrée à plus de 51 300 heures prestées en 2024, soit 8 % de plus qu’en 2023. Près de 9 500 heures sont consacrées à la tâche qui consiste à amener les détenus devant un juge d’instruction.
Le code de procédure pénale autorise déjà les visioconférences et les déplacements de juge d’instruction dans les prisons. Cette option est cependant très peu utilisée, comme le révèle la ministre de la Justice.
Une réforme en profondeur nécessiterait cependant plus de temps. «En France, le transfert du transport des détenus de la police vers l’administration pénitentiaire a pris dix ans», indique Elisabeth Margue.
Elle souligne non seulement la nécessité d’adapter des textes légaux, mais aussi le besoin de former les agents pénitentiaires appelés à former une nouvelle unité, distincte des équipes qui encadrent les détenus au quotidien. Les dispositions devraient aussi être prises pour autoriser les agents concernés à porter une arme, sans oublier la définition du cadre d’intervention de la future unité. «Quel sera son rôle si un détenu s’évade?», interroge notamment la ministre.
Tout cela motive le choix du gouvernement de procéder «par étapes». Des consultations seraient déjà engagées avec les représentants de la police et des agents pénitentiaires, tout comme avec les autorités judiciaires.
Les juges peu enclins à se déplacer à Uerschterhaff
En réponse à une question parlementaire de la députée Nathalie Morgenthaler (CSV), la ministre de la Justice livre de plus amples informations sur les déplacements des juges d’instruction pour interroger des personnes en détention provisoire.
Il s’avère que l’option de se déplacer hors de la Cité judiciaire n’est pas très prisée par les magistrats. Depuis l’ouverture en 2022 du centre pénitentiaire d’Uerschterhaff (Sanem), réservé à la détention provisoire, les juges ne se sont rendus que quatre fois sur place. «Actuellement, les juges ne se déplacent que lors de cas exceptionnels, notamment si la personne à interroger est grièvement malade ou si elle est considérée extrêmement dangereuse», précise Elisabeth Margue.
La ministre fait remarquer que le déplacement des juges en prison entraîne aussi celui d’un greffier, de l’avocat du détenu et, le cas échéant, d’un interprète. «Ces personnes ne sont dès lors plus disponibles pour traiter d’autres affaires au tribunal, avec à la clé des reports d’audiences», note-t-elle.