Le gouvernement agit-il contre les intérêts des assurés et au profit des investisseurs privés ? C’est ce que pense l’Union syndicale, qui accuse aussi la direction de la CNS de faire cavalier seul.
Il y a deux semaines, la ministre de la Santé, Martine Deprez, annonçait une extension de la prise en charge ambulatoire à certaines interventions chirurgicales de moindre complexité, notamment en dermatologie et en ophtalmologie. Un amendement à la loi hospitalière a été déposé en ce sens. Des soins ambulatoires, dans le cadre d’un établissement hospitalier, sont déjà possibles, comme des services de dialyse, d’imagerie médicale, d’oncologie et d’hospitalisation de jour non chirurgicale.
Cette nouvelle a été bien accueillie par l’Union des syndicats OGBL-LCGB, à condition que cette extension des soins ambulatoires se fasse dans le strict respect des principes de base du système de santé «dont notamment la solidarité, l’accès universel, égalitaire et rapide des patients aux soins, le libre choix du patient, une offre équitable en services de santé de qualité et le conventionnement obligatoire», rappelle l’Union syndicale dans un courrier de six pages adressé au Premier ministre et daté d’hier.
Or, l’OGBL et le LCGB lui font part de leurs grandes craintes. Certains soins ambulatoires doivent absolument rester confiés au milieu hospitalier et, pour d’autres, un transfert vers le secteur extrahospitalier peut uniquement se faire suivant des critères de qualité à respecter. «Il faut également garantir que la voie ne soit pas librement ouverte aux investisseurs financiers privés pour commercialiser les soins ambulatoires», préviennent-ils. Or l’évolution récente, avec l’annonce de l’ouverture prochaine de la Findel Clinic, ne leur laisse rien présager de bon.
Dans ce même communiqué de Martine Deprez datant du 24 octobre dernier, elle fait part également, à demi-mots, de la volonté du gouvernement de procéder très rapidement à une libéralisation totale des soins ambulatoires, selon la lecture faite par les syndicats. L’Union estime que le gouvernement «veut vendre une véritable réforme au service des assurés, mais prépare en réalité la transformation de notre système d’assurance maladie-maternité publique et solidaire vers une privatisation du domaine de la santé», écrit-elle dans son courrier à Luc Frieden.
Hier, la ministre de la Santé n’a pas réussi à convaincre les députés du contraire, estimant toujours que le projet de la Findel Clinic était un projet immobilier. Les syndicats ont le même sentiment après une réunion informelle le 29 octobre dernier au cours de laquelle «les explications de la Ministre ont surtout mis en évidence qu’il n’y a ni stratégie cohérente, ni vision claire, ni objectifs précis», mis à part le fait que le gouvernement veut ouvrir les soins ambulatoires au secteur libéral «coûte que coûte et dans les plus brefs délais», observent les syndicats représentant les assurés au sein du conseil d’administration de la Caisse nationale de santé (CNS).
À croire que la récente dénonciation des conventions conclues entre la CNS et l’association des médecins et médecins-dentistes (AMMD) tombait à pic. «Au lieu de désescalader le litige politique avec l’AMMD, le gouvernement compte s’en servir pour démanteler une fois pour toutes notre système de santé, tout en emballant son agenda politique dans de belles paroles médiatiques», accuse l’Union syndicale.
Menace sur la tripartite
Pas de prise de position non plus de Martine Deprez au sein du groupe de travail «redressement de la situation financière de l’assurance maladie-maternité», selon les syndicats. Pire encore, la synthèse des mesures à entreprendre a été préparée par la direction de la CNS sans consultation des membres du conseil d’administration et diverge dans les détails par rapport au document de travail à disposition du CA.
Le nouveau président de la CNS, José Balanzategui, s’est justifié en indiquant que le document de travail n’avait pas fait l’objet d’un vote formel par le CA. Pour les syndicats, le pompon est arrivé quand un membre de la direction de la CNS a déclaré lors du comité de coordination que toutes les parties prenantes devraient impérativement décider d’un paquet d’économies de 100 millions d’euros d’ici l’automne 2026 afin d’éviter que la trajectoire financière de la CNS ne tombe en dessous du fonds de roulement minimum. «La direction de la CNS a donc de manière volontaire dépassé ses propres compétences», indique l’Union syndicale.
De manière générale, les syndicats constatent que la direction de la CNS «semble croire qu’elle gère elle-même l’assurance maladie-maternité alors que cette tâche revient légalement au conseil d’administration à composition tripartite». Face à ce comportement que les syndicats jugent inadmissible, ils demandent que Martine Deprez mette immédiatement un terme «aux agissements disruptifs de la direction de la CNS, et ce, par tous les moyens appropriés et nécessaires».
Si le gouvernement vise uniquement et exclusivement la libéralisation totale des soins de santé ainsi que la fin du conventionnement obligatoire et automatique, il trouvera les syndicats sur son chemin. Le Premier ministre est prévenu.