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Le secteur de l’aide et des soins «sonne l’alerte»


Marc Fischbach espère que les partis, dans leurs programmes électoraux, vont tenir compte des revendications de la Copas. (Photo : fabrizio pizzolante)

Une grave pénurie de main-d’œuvre guette les maisons de retraite, mais aussi les réseaux de soins à domicile. De nouvelles formations et une revalorisation des métiers sont revendiquées.

Sans réaction «rapide et adéquate» des responsables politiques, le secteur de l’aide et des soins risque de s’écrouler «d’ici deux à trois ans». «Pour le moment, les besoins en personnel sont encore globalement assurés. Il est, donc, encore temps de sonner l’alerte», lancent les responsables de la Copas.

Hier, la fédération patronale, qui regroupe 57 prestataires gérant plus de 130 structures de soins (maisons de retraite, réseaux de soins à domicile, etc.), a présenté son catalogue de revendications en vue des élections législatives du 8 octobre. Plus de 12 000 personnes travaillent dans ce secteur.

«La pénurie n’est plus à nier»

«La croissance de la population et son vieillissement font que les besoins en personnel ne vont pas diminuer», constate Marc Fischbach. «La pénurie n’est plus à nier. La difficulté de recruter des personnes qualifiées, que ce soit au Luxembourg ou dans la Grande Région, s’accroît. Le potentiel dans nos pays voisins n’est quasiment plus présent», enchaîne-t-il.

Une véritable offensive en termes de sensibilisation, formation et conditions de travail est réclamée au prochain gouvernement. «Il faut réagir avant qu’il ne soit trop tard», clame Marc Fischbach. En premier lieu, la Copas réclame une campagne «massive» de sensibilisation «auprès des jeunes élèves, dès le fondamental, pour leur donner le goût et leur transmettre l’attractivité des métiers de soins de santé». «L’importance sociétale de ces métiers est aussi à mettre en avant», ajoute l’ancien ministre de l’Éducation nationale (1989-1995).

Un technicien de soins en renfort

À partir de la rentrée de septembre, l’université du Luxembourg proposera les premiers bachelors en sciences infirmières spécialisées. En septembre 2024 sera lancé le bachelor infirmier en soins généraux, en parallèle au BTS existant (bac+2).

La Copas réclame des formations supplémentaires, répondant encore davantage aux besoins concrets du secteur. Elle regrette le manque de passerelles entre le diplôme d’aide-soignant (DAP) et un autre métier de soins, en particulier les formations infirmières.

Afin de rendre plus attractive la filière, la Copas propose l’introduction d’un diplôme de technicien de soins, qui serait situé entre le DAP aide-soignant et le BTS ou bachelor infirmier. «Ce diplôme permettrait de réduire l’écart des attributions entre le niveau secondaire et le niveau supérieur. Il est difficile de passer sans intermédiaire directement d’un DAP à un BTS ou un bachelor», explique Catherine Gapenne. La question des attributions précises constituerait, néanmoins, un vaste sujet de discussion.

Une autre proposition est d’attribuer le diplôme d’aide-soignant aux élèves qui ont réussi au moins leur première année de formation d’infirmier. «On récupérerait ainsi les jeunes qui décident d’abandonner leurs études, mais restent intéressés par un métier dans le domaine des soins», argumente Marc Fischbach.

Dans le même temps, l’offre de formation qui «correspond aux besoins et attentes du terrain» est à élargir. «Notre secteur n’a pas besoin des mêmes profils que les hôpitaux. Il faut se donner la chance de pouvoir recruter des candidats d’un autre niveau d’attributions, mais qui se rapproche de celui d’une infirmière en soins généraux», avance Marc Fischbach. Le technicien de soins, nouveau diplôme proposé par la Copas (lire ci-contre), correspondrait à ce besoin spécifique : «Nous n’avons pas de carrière intermédiaire pour combler le fossé de compétences et d’attributions entre un aide-soignant et un infirmier.»

«L’objectif doit être d’attirer davantage de jeunes et de valoriser les métiers de soins. Dans ce contexte, il est important de visualiser l’évolution professionnelle et les perspectives qui existent», complète Catherine Gapenne, la directrice des structures de soins de la Croix-Rouge.

«Des conditions salariales défavorables»

Après la formation arrive le travail sur le terrain. La Copas dénonce des «conditions de travail et salariales plus que jamais défavorables». En cause, l’existence de deux conventions collectives, l’une couvrant les hôpitaux (FHL) et l’autre, le secteur de l’aide et des soins (SAS). «La différence de traitement n’est plus défendable», martèle Marc Fischbach, dénonçant une «concurrence déloyale». Une infirmière travaillant dans le milieu hospitalier peut gagner jusqu’à 17 % de plus qu’une collègue du même âge employée dans une maison de retraite ou de soins. «Il n’existe plus d’autre chemin que de conclure une convention collective unique. C’est la seule option pour assurer la pérennité financière des deux secteurs», conclut le président de la Copas.

Qualité des services : «une loi non applicable»

La qualité des soins est une préoccupation majeure des membres de la Copas. Le projet de loi déposé il y a deux ans, qui traite précisément de la qualité des services apportés aux personnes âgées, a été, au départ, salué. Aujourd’hui, le vent a tourné en raison d’un texte de loi qui «est non applicable», comme le souligne Marc Fischbach.

«La Copas s’est toujours prononcée en faveur de l’instauration d’un contrôle qualité des prestataires, mais elle juge que le projet de loi et les projets de règlements y afférents manquent de maturité (…)», peut-on lire dans ses revendications adressées aux partis politiques. Le système que compte mettre en place la ministre de la Famille est qualifié de «démesuré et chronophage». Et, selon la Copas, il «n’a pas pour finalité un système de contrôle de la qualité objectif, mais un système de comparaison de la qualité entre les différents prestataires».

La «composition hétérogène» de la commission consultative de contrôle, qui est appelée à soumettre des rapports au ministère de la Famille, l’empêcherait de remplir ses multiples missions. Le contrôle, sur la base de milliers de pages d’évaluation, serait un emploi à plein temps et «n’est pas imputable à des représentants plus ou moins concernés» par la question. Dans ces conditions, il deviendrait très compliqué d’adresser des «rapports sensés» au ministère.

De plus, les critères d’évaluation retenus manqueraient d’objectivité. «On impose notamment aux gestionnaires de maisons de retraite et de soins de mener des sondages, par exemple sur la qualité des repas. Il ne s’agira toutefois que d’une image instantanée. Si un pensionnaire est interrogé le jour où on lui sert un repas qu’il n’aime pas du tout, sa réponse sera tronquée», développe le président de la Copas.

Au vu de ces manquements, la Chambre des députés est invitée à ne pas voter le projet de loi avant la fin de cette législature. Une révision du texte serait nécessaire pour atteindre les objectifs fixés.