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Le SAMU en passe de changer de binôme


L’infirmier anesthésiste-réanimateur pourra être remplacé par un infirmier sans spécialisation et le médecin anesthésiste par un urgentiste. (Photo : archives lq/fabrizio pizzolante)

Médecin anesthésiste-réanimateur et infirmier de la même spécialisation ont toujours fait partie des équipes du SAMU. Cela pourrait changer à l’avenir et ce n’est pas du goût des intéressés.

Mis en place en 1989, le Service d’aide médicale urgente (SAMU) a vu le jour grâce à la motivation des anesthésistes-réanimateurs qui en ont fait la demande. Depuis cette date, un duo inséparable composé d’un médecin anesthésiste et d’un infirmier anesthésiste assure les interventions sur le terrain. Or ce référentiel du CGDIS pourrait changer à l’avenir. Il serait question, selon un projet actuellement à l’étude, de se passer de ce duo spécialisé en anesthésie-réanimation pour intégrer des médecins urgentistes et des infirmiers.

«Nous voulons conserver le binôme d’origine, parce que l’on pense sincèrement que les critères d’admission pour être membre du SAMU sont les plus élevés au monde», nous explique un médecin anesthésiste-réanimateur qui en fait partie depuis de longues années. Il n’y a aucune pénurie dans la profession, si bien que l’on pourrait mettre en place deux ou trois SAMU supplémentaires si nécessaires, selon lui. Alors pourquoi changer la composition des équipes? «C’est une demande de certains urgentistes», avance le médecin.

Cela pose-t-il véritablement un problème que des médecins urgentistes prennent la place des anesthésistes-réanimateurs au SAMU? «Les urgentistes ont une bonne formation et seront capables d’assurer 95 % des missions, mais il en restera 5 % qui poseront problème», estime notre interlocuteur, qui précisé que pour intuber, il faut de l’expérience. «L’anesthésiste est celui qui traite les fonctions vitales en danger, les urgentistes sont bien formés pour traiter les urgences qui arrivent à l’hôpital», explique ce membre du SAMU.

«Ce changement ne sert pas à grand-chose»

Médecin anesthésiste, c’est une spécialisation, comme la médecine d’urgence. Pour autant, notre interlocuteur ne pense pas que ce soit une bonne idée de changer le binôme en place depuis 1989. «Les actes à maîtriser, on les fait tous les jours, également à l’hôpital, et chaque médecin de n’importe quelle spécialisation nous appelle pour les cas les plus graves», souligne-t-il. Selon lui, il est plus difficile de trouver un urgentiste avec une bonne formation et il rappelle au passage qu’il n’y a jamais eu de plainte d’ordre médical depuis la création du SAMU.

Ce changement de référentiel ne serait pas non plus motivé par des aspects financiers, vu qu’il s’agit, dans le cadre des interventions, d’un tarif horaire identique. Selon le médecin anesthésiste que nous avons interrogé, cette volonté de changement serait dû à la présence au sein de la direction médicale du CGDIS d’urgentistes français qui s’orienteraient davantage vers une médecine d’urgence telle qu’elle se pratique en France. «Elle n’est pas la meilleure en Europe et les Allemands sont sans doute plus performants», juge-t-il. Quoi qu’il en soit, ce changement dans la composition des équipes trouve son origine dans la demande de certains urgentistes.

S’il n’y a pas de pénurie de médecins anesthésistes, ce n’est pas toujours le cas pour les infirmiers anesthésistes, mais on parle de faible pénurie. «Ce changement ne sert pas à grand-chose, à part donner une chance à d’autres de faire de l’urgence», estime notre interlocuteur.

Les syndicats s’en mêlent

Les acteurs de terrain n’ont pas été consultés au préalable, au grand dam des syndicats OGBL et LCGB qui se sont emparés de cette réforme. Ce projet de réorganisation du SAMU au sein du CGDIS «constituerait un changement majeur dans la composition et le fonctionnement des équipes d’urgence», écrivent les deux syndicats. «Modifier un tel équilibre sans dialogue préalable avec les acteurs de terrain risque de fragiliser des mécanismes organisationnels essentiels, construits au fil du temps pour garantir l’efficacité des interventions d’urgence», craignent-ils.

L’OGBL et le LCGB rappellent que la cohérence du dispositif, la répartition des rôles et la reconnaissance des compétences sont des piliers fondamentaux du service d’urgence. Selon eux, toute modification de ces paramètres doit se faire dans la transparence, sur la base d’une analyse partagée des besoins réels, et non sous la pression de considérations de flexibilité ou de coûts.

L’OGBL et le LCGB demandent l’ouverture d’une concertation structurée avec les représentants des professionnels concernés et le maintien d’un cadre clair garantissant la complémentarité des compétences au sein du SAMU.

«Le bon fonctionnement du service d’urgence repose avant tout sur la stabilité des équipes, la reconnaissance de leur savoir-faire et la confiance dans les processus établis. Toute réforme menée sans ces garanties risque de compromettre ce qui, jusqu’à présent, fait la force et la crédibilité du SAMU luxembourgeois», concluent les syndicats.