Accueil | A la Une | Le salaire minimum, un «filet de sécurité» insuffisant

Le salaire minimum, un «filet de sécurité» insuffisant


L’étude présentée vendredi par la CSL précise notamment qu’en mars 2022, 65 775 des 438 765 salariés du Luxembourg (soit 15 %) touchaient le salaire minimum.  (photo Julien Garroy)

La Chambre des salariés (CSL) publie une radiographie détaillée des travailleurs les plus faiblement rémunérés. Une des conclusions : le salaire social minimum reste trop peu élevé pour mener une vie décente.

À la base, le salaire social minimum (SSM) est censé jouer «un rôle primordial dans la lutte contre la pauvreté et les inégalités sociales». Nora Back, la présidente de la Chambre des salariés (CSL), qualifie cet «élément clé de la politique salariale» de «filet de sécurité pour les travailleurs les plus vulnérables». Or, force est de constater que le SSM luxembourgeois – le plus élevé dans l’UE (2 570,93 euros pour les non-qualifiés et 3 085,11 euros pour les qualifiés) – ne remplit pas ce rôle. La nouvelle étude de la CSL, intitulée «Portrait de la population au salaire minimum», vient confirmer cette donne.

La véritable nouveauté de cette publication, basée sur des données fournies par l’Inspection générale de la sécurité sociale (IGSS), est qu’elle livre une analyse plus détaillée sur les caractéristiques des bénéficiaires du SSM. Il s’avère notamment que «le salaire minimum n’est pas uniquement un salaire de débutant ou d’inexpérimenté» : 22,5 % des travailleurs ayant touché le SSM en 2011, étaient toujours bloqués en bas de l’échelle salariale en 2022. «Le fait que pour un bon nombre de salariés le SSM n’est pas un phénomène passager (…) a des répercussions importantes pour les salariés», note la CSL.

Toujours mises en avant, les prestations sociales, versées par l’État, ne suffisent pas à activer le filet de sécurité mentionné ci-dessus. «Malgré les revenus des autres membres du ménage et malgré les transferts sociaux, les ménages dont au moins un des salariés est rémunéré au voisinage du SSM restent considérablement plus pauvres que les autres ménages», conclut notamment l’étude.

La CSL veut une hausse de 10 %

Les personnes concernées sont à 60 % des résidents, dont 23 % ayant la nationalité luxembourgeoise. Près de 70 % des salariés touchant le SSM non qualifié possèdent un CDI. Avec une part de 17,2 % de la population active, ce sont les femmes qui sont le plus concernées par le SSM, contre 13,5 % des salariés masculins. En résumé, être une femme, être jeune, célibataire et de nationalité portugaise, sont les facteurs socio-démographiques qui pèsent le plus parmi les travailleurs au salaire minimum.

La CSL définit également cinq critères de vulnérabilité spécifiques qui caractérisent les bénéficiaires du SSM. Une personne regroupant ainsi deux de ces cinq critères (cols bleus, occupés dans l’Horeca ou le commerce, employé en CDD et en entreprises comptant au moins 10 salariés) ont un taux de SSM qui dépasse les 34 %. Les travailleurs qui ne tombent sous aucun de ces critères ne sont que 4 % à toucher le SSM.

En fin de compte, la CSL juge qu’une «revalorisation structurelle et conséquente» est d’une «importance capitale». Une augmentation de 10 % est revendiquée, notamment pour mettre fin à la «pauvreté laborieuse» des ménages touchant le SSM.

L’étude complète de 180 pages est à consulter sur www.csl.lu

CSV et DP ne promettent
pas de hausse structurelle

Une augmentation du salaire social minimum (SSM) ne figure pas en haut des priorités du CSV et du DP, appelés à former le nouveau gouvernement. L’engagement le plus concret des chrétiens-sociaux est d’introduire un crédit d’impôt dégressif pour soulager fiscalement les bénéficiaires du SSM. Plus vague est la perspective d’«adapter régulièrement le salaire social minimum en fonction de l’évolution des salaires et du coût de la vie». Le CSV, tout comme le DP, confirment leur volonté de maintenir l’adaptation régulière du SSM à l’inflation, déjà légalement ancrée.

Le camp libéral mentionne clairement les employeurs dans son programme, pour souligner que des adaptations du SSM ne doivent pas nuire aux entreprises, en priorité aux PME. «Chaque hausse du SSM devrait être évaluée en fonction de sa répercussion sur l’économie et le chômage», souligne le DP, qui plaide davantage pour des prestations et crédits d’impôt socialement ciblés que pour une hausse structurelle du salaire minimum.