De l’autre côté de la frontière, dans la région de Virton, se trouve un coffre-fort géant où sont confidentiellement entreposées les voitures de luxe des clients de la société Somewhere.
Le rendez-vous pourrait être tout droit tiré d’une scène de James Bond. Après avoir reçu une carte de visite sans adresse et un coup de téléphone sommaire, c’est dans un lieu tenu confidentiel, du côté belge de la frontière près de Virton, que Jonathan Feller nous ouvre les portes de Somewhere. Du moins, il s’agit d’abord de l’imposant portail de trois tonnes qui bloque l’unique accès au site, au bout d’une impasse. Dès lors, trois hangars massifs se dressent côte à côte, aussi banals que mystérieux puisque les entrées murées et les portes massives ne laissent rien entrevoir.
La présence des bornes anti-intrusion et des 49 caméras traditionnelles et infrarouges qui surveillent chaque recoin du site de 5 500 mètres carrés ne fait que renforcer l’impression d’avoir atterri dans un nid d’espions. «Même les voisins ne savent pas ce qu’il y a dans les hangars, on ne laisse rien deviner», lance fièrement Jonathan Feller, l’administrateur des lieux. «Notre mot d’ordre, c’est la discrétion. Quand les camions arrivent, ils déchargent directement dans les hangars.» Ce n’est qu’en pénétrant dans l’un des entrepôts que Somewhere délivre son secret : ici sont stockées des voitures de luxe, à l’abri de tous les regards.
Du luxe mais discret
Sources de fantasmes et de rêves, les modèles exclusifs entreposés par Somewhere ne peuvent pourtant pas provoquer beaucoup de sensations à un passionné d’automobile puisqu’ils sont tous couverts de housses. Ces dernières, parfois frappées du cheval cabré de Ferrari ou du taureau de Lamborghini, ne s’enlèvent sous aucune condition, même derrière quatre murs.
La confidentialité est l’essence même de Somewhere. Lancée en 2022, cette société de gardiennage de voitures de prestige est née des constats de Jonathan Feller et Philippe Emond, respectivement ancien commercial et ancien patron de plusieurs concessions BMW et Mini dans la Grande Région, dont celle de Luxembourg.

Les modèles d’exception ont parfois des formes si atypiques que les housses ne peuvent les cacher parfaitement.
«Je ne comptais plus les fois où des clients me disaient ne pas savoir où stocker leur voiture», se remémore le premier d’entre eux. Proposer du gardiennage semble donc une bonne opportunité, à condition de prendre en compte un autre facteur. «Tandis que certains clients aimaient afficher leur voiture, d’autres ne voulaient pas que l’on sache quelle voiture ils possédaient. C’était aussi notre philosophie avec Philippe.»
Après le départ à la retraite de Philippe Emond chez BMW-Mini, les deux Belges lancent alors l’aventure Somewhere en promettant un gardiennage secret, idéal pour les voitures de luxe identifiables, avec également des offres de nettoyage, d’entretien et de mise à disposition (lire ci-dessous).
Somewhere propose quatre offres, sous la forme d’abonnement annuel, dont les services dépendent du prix. À 3 000 euros, l’offre acier est le premier prix et comprend l’entreposage, le nettoyage et une mise à disposition au point de retrait de la société à Strassen. L’offre bronze, à 3 500 euros, dispose, elle, de dix mises à disposition par an au Grand-Duché. Le pack argent, à 7 000 euros, est supplémenté d’un entretien mensuel sur un banc de roulage et de cinq mises à disposition annuelles dans un rayon de 150 km depuis Strassen. À 14 000 euros par an, l’offre or ajoute un transport jusqu’au contrôle technique et trois dépôts et enlèvements à 1 000 km maximum.
Le prix fort de la sécurité
La discrétion est telle que, hormis les transporteurs et une poignée de clients, «personne ne vient ici». Et au cas où quelqu’un s’inviterait de force, «le risque zéro n’existe pas», les petits plats ont été mis dans les grands. Outre le portail, les caméras et les bornes anti-intrusion, une société de gardiennage effectue deux rondes quotidiennes à des heures aléatoires et une société de télésurveillance garde un œil sur le site. Une safe room a également été construite en cas de menace pour les employés.
Côté assurance, bien que les clients soient sommés de conserver la leur, Somewhere possède la sienne dont le montant «colossal» permettrait d’assurer jusqu’à 300 voitures. «Pour les assurances, il y a des niveaux de classification en termes de sécurité et nous sommes justes en dessous des armes», tient à préciser l’hôte. C’est donc une petite fortune qui a été déboursée afin de répondre à la promesse de sécurité. De quoi faire craindre un mauvais investissement?
«Dès le début, j’étais convaincu que cela marcherait», réfute Jonathan Feller, confiant car «nous avons mis un doigt sur un problème au Luxembourg et dans la Grande Région en général». Le Grand-Duché, à deux pas du site, est la cible idéale en raison du prix exorbitant des emplacements de parking et de la présence accrue de voitures de luxe qui nécessitent quelques mesures de sécurité particulière. À cela s’ajoutent également les quelques résidences secondaires de Luxembourgeois dans la région de Gaume.

Dans les hangars de Somewhere sommeillent des voitures d’exception, bichonnées et protégées des regards indiscrets.
«On partage une passion»
Malgré tout, l’administrateur ne nie pas «la particularité» de sa clientèle fortunée. «Ils sont difficiles à cerner car leur voiture peut être stockée chez eux et puis un jour, sans savoir pourquoi, ils veulent la mettre ici et dans l’urgence.»
Atteindre une sphère si restreinte et plutôt privée de la société est également un défi. D’autant plus que la publicité de la société est limitée à ce que permet la confidentialité du lieu. «Pour trouver des clients, nous sommes présents à tous les évènements de la Grande Région et sinon, cela passe par du bouche-à-oreille.» La clientèle est majoritairement luxembourgeoise, puis belge et française mais Somewhere se déploie dans toute l’Europe puisque, selon ses offres, elle peut déposer les voitures de ses clients dans des résidences secondaires bien au-delà de la Grande Région.
«J’ai déjà roulé jusqu’à la côte belge à Bruges, ou bien je suis descendu jusqu’à Toulouse ou l’Espagne», illustre Jonathan Feller. Pour ce passionné de cylindrés, le contact avec les clients lui permet de s’évader au fil des anecdotes sur les sorties ou les histoires des voitures. «C’est un beau métier, on partage une passion avec eux.» Dans l’entrepôt, le rêve continue puisqu’il est chargé de la précieuse mais délicate tâche du nettoyage de modèles parfois mondialement très limités. «C’est incroyable, mais c’est une petite pression quand on les déplace», confie-t-il, le prix du véhicule forcément dans un coin de sa tête.