À 22 ans, la pépite du rap luxembourgeois, Maz, revient avec un nouvel EP de quatre titres, Upside Down. Un projet corrosif et passionnant, à travers lequel il se présente sous une nouvelle peau – la sienne –, avec du vernis, mais sans artifice.
À deux jours de la sortie de son nouvel EP, Maz est encore sur tous les fronts : «Je suis encore en train de préparer les réseaux sociaux : les posts Instagram, TikTok, la mise en ligne des vidéos…»
Après Sleepwalker, un sept titres sorti fin 2019, le rappeur luxembourgeois dit avoir dû «survivre» à la pandémie, personnellement et artistiquement. C’est ce qu’il raconte sur Upside Down, compilation de quatre titres disponible dès aujourd’hui.
Il est peu de dire que Maz a changé. Du jeune garçon blond vêtu d’un hoodie, qui avait gagné le Screaming Fields en 2017, il apparaît aujourd’hui, à 22 ans, crâne rasé, crayon autour des yeux, vernis noir au bout des ongles, avec un rap enragé aux accents emo.
Une nouvelle identité qu’il a dû faire accepter, mais qui a été libératrice. Lui-même dit qu’avec elle, il peut tout se permettre : dans le clip de Upside Down, qui sera révélé sur YouTube dimanche, il apparaît enceinte, prisonnier d’une camisole de force ou encore gisant dans une mare de sang.
Un «mélange entre des situations comiques et d’autres qui peuvent mettre mal à l’aise», glisse-t-il, rendant autant hommage à ses idoles «goth» et metal qu’au Eminem de la grande époque. Désormais établi à Bruxelles, capitale culturellement bouillante, Maz est décidément de retour sur les rails.
Son EP est tout juste sorti qu’il a déjà la tête tournée vers l’après, avec une confiance dingue. Ce qui est sûr, c’est qu’on n’a pas fini de l’entendre. Et c’est tant mieux.
Depuis Immortalisation (2018), ton premier album, tu es resté très présent, mais toujours avec des singles ou des EP. C’était un choix délibéré de ne pas présenter ta nouvelle évolution avec un projet plus long ?
Maz : Au départ, j’avais à l’esprit de sortir un album, mais parmi tous les morceaux que j’avais, je trouvais que ces quatre-là étaient vraiment ceux que je considérais comme les plus réussis. D’un autre côté, étant donné que j’avais enfin trouvé l’identité artistique que je voulais, je me suis dit que c’était peut-être mieux de sortir un EP. Comme une carte de visite pour le « nouveau Maz ».
Cette nouvelle identité, tu as déjà pu la présenter sur scène, notamment à la Kulturfabrik, pour un concert qui s’est joué à guichets fermés…
La KuFa, c’était le concert le plus grand et le plus important, d’une certaine façon. Il faut dire qu’il était planifié depuis deux ans… C’était une soirée géniale qui m’a encore prouvé pourquoi je fais encore ça. Et puis, après la pandémie, ça m’a donné beaucoup d’espoir et de motivation.
Plus récemment encore, ton concert lors de l’inauguration d’Esch 2022, a vu un public énorme, et complètement disparate !
(Il rit.) C’est l’une des raisons pour lesquelles j’étais très content de le faire. Au début, quand je disais à mon entourage que je voulais changer d’identité, aller dans cette direction, tout le monde était un peu choqué. On me disait que ça faisait « très niche », mais je vois bien aujourd’hui que ça ne veut rien dire.
Si tu es toi-même, les gens vont t’aimer pour ça, plus que pour ton style. À Esch, c’était beau de voir autant de gens, avec des chemins de vie et des âges différents, se retrouver sur une musique qui leur est peut-être tellement éloignée.
Cet EP, je l’écoute aujourd’hui avec un sourire aux lèvres en me disant : « Tu as survécu »
Comment as-tu vécu la pandémie, en tant qu’artiste en pleine évolution ?
J’ai fait des concerts en ligne… C’était bien au début, quand le geste de solidarité comptait. Mais quand tu en as fait cinq, tu as quand même envie de faire un vrai concert. Je dois avouer que j’étais très perdu pendant ces deux ans.
De même qu’il n’y avait pas de concerts, il n’y avait pas de perspective, pas d’échange, avec personne au niveau professionnel… J’avais l’impression que ma carrière s’arrêterait là. Et tout cela a eu un impact sur le fait que je me sentais déjà perdu au niveau plus personnel.
Les textes de cet EP portent en eux une certaine violence, un certain mal-être, que tu fais aussi apparaître dans tes clips. Il y a une vraie rage qui sonne comme celle que l’on a contenu pendant deux ans…
Cette violence, c’est l’expression de ce que j’ai ressenti pendant une période où je n’allais vraiment pas bien mentalement. Mais le but de cet EP est moins d’en expliquer les raisons que de tenter de définir cet état de colère, de tristesse, de frustration.
On aurait voulu le sortir plus tôt, mais c’est un bon récap de ces deux dernières années. Y compris pour ma propre évolution, car heureusement, je vais beaucoup mieux. Je vais même très bien, en fait (il rit)! Cet EP, je l’écoute aujourd’hui avec un sourire aux lèvres en me disant : « Tu as survécu ».
Ce qui interpelle principalement sur cet EP, ce sont tes influences, qui vont puiser dans le hardcore, l’emo, le metal…
J’ai reconnu dans ce que je voulais exprimer des influences de mon enfance, de mon adolescence, et je voulais les intégrer à mon projet. Musicalement, d’abord, avec cet univers musical qui, il faut le dire, est de plus en plus présent sur la jeune scène rap. Le rap est la nouvelle pop, on le sait, mais le rock revient à la fois dans le rap et dans la pop.
Je suis tombé dedans au bon moment, et j’espère que je ferai partie d’une nouvelle vague qui a ça dans son ADN, voire d’une nouvelle vague encore plus moderne, qui mixe encore plus de styles dans son rap.
Ces derniers mois, grâce à mon retour sur scène et à ce nouveau projet, j’ai pris énormément de confiance
Mais j’ai d’autres influences, visuelles. Je suis fan depuis tout petit des films d’horreur, du thriller… Ça a vraiment fait sens d’intégrer tout ça, pour me retrouver dans ce monde obscur et brutal. Il a fallu que j’accepte que cet univers sombre, ce mal, fait partie de la vie, alors pourquoi le cacher ? Autant le balancer « in your face » (il rit) !
À la fin de Upside Down, je répète : « Could anybody tell me what the fuck I’m looking at ? » (NDLR : « Quelqu’un pourrait-il me dire ce que je suis en train de regarder ? »), et cette phrase est devenue la devise de la création du clip. Je veux que les gens, en le regardant, se posent cette question (il rit).
Cette nouvelle peau t’a donné énormément de confiance !
Ces derniers mois, en partie grâce à ce que j’ai pu vivre depuis mon retour sur scène et avec ce projet, j’ai pris énormément de confiance. Je sais très bien que mon style n’est pas celui que certains écouteraient, et je sais que j’ai changé beaucoup de trucs.
Mais ce changement me rend beaucoup plus authentique. Avant la KuFa, j’avoue que j’étais un peu stressé, parce que beaucoup de gens étaient là pour moi, et j’avais peur de perdre une partie du public, mais c’est en fait l’inverse qui s’est passé. C’était très beau.
Maintenant que cet EP est prêt à sortir, quel chemin privilégies-tu dans l’immédiat : celui des salles de concert ou celui du studio ?
Il y a pas mal de concerts qui sont prévus dans les prochains mois. Cela dit, je peux avouer que beaucoup d’autres sorties sont prévues dans l’année, et qui ne vont pas toutes rester dans le style de Upside Down EP.
En ce moment, en studio, je vais un peu partout, de la trap sombre comme on l’entend sur cet EP, jusqu’au punk, au metal, voire des trucs « mainstream »… Je teste tout, sans me prendre la tête ni chercher à contrôler la cohérence du tout.
Tant que c’est toujours Maz, tant que je reste authentique, c’est valable. Je crois qu’à l’ère des réseaux sociaux, avec ces communautés de fans qu’on voit partout, on voit que si on aime un artiste pour ce qu’il est, on accepte toute musique de sa part.
Je suis heureux de pouvoir expérimenter, parce que mon éducation musicale était très ouverte, avec beaucoup d’influences, donc je ne veux pas me limiter. Si je souhaite faire un truc très metal, j’y vais, et si le lendemain je me sens d’humeur à faire une balade au piano, j’y vais aussi (il rit) !
Upside Down EP, de Maz.