La construction d’un hôtel et d’un wellness au lieu-dit «Am Doihl» à Rodange a été le sujet d’une réunion le lundi 3 février entre la commune de Pétange et les citoyens opposés. Le dialogue entre les deux camps est plus que jamais rompu.
«Incompréhensible», «préoccupant», «frustrant», «regrettable». Henri Krecké, président de la Biergerinitiativ Doihl, ne manque pas d’adjectifs afin de qualifier le projet de construction d’un hôtel et d’un centre de bien-être au lieu-dit «Am Doihl» à Rodange. L’amertume de cet habitant est d’autant plus forte que le couteau a été remué dans la plaie il y a deux jours, lundi 3 février, lors d’une réunion avec le bourgmestre de Pétange, Jean-Marie Halsdorf, et le collège échevinal.
«Ce que nous avons entendu lundi n’était rien de plus ou de moins que ce nous avons entendu il y a onze mois», déplore Eric Lambert, présent en tant que président de la Biergerinitiativ Kordall, elle aussi opposée au projet. «Monsieur Halsdorf reste figé sur sa position. Il n’écoute absolument pas nos arguments, nous n’existons pas pour lui et jusqu’à preuve du contraire, il construira.»
Projet hôtelier à Rodange : «Ils ont déraillé»
Pour les deux représentants, le coup est d’autant plus dur à encaisser qu’ils cherchent à faire raisonner la commune depuis octobre 2022, quelques semaines avant la demande de permis de construire déposée le 12 décembre 2022. Très vite, une levée de boucliers a eu lieu chez les habitants qui étaient 200 à s’être mobilisés sur place lors d’une soirée d’information publique le 19 janvier 2023.
«C’est le pire endroit de la commune»
«Nous ne sommes pas opposés au projet, comme on voudrait le faire croire, mais c’est l’emplacement qui nous pose problème», rappelle Henri Krecké. Du côté des opposants, l’argumentation repose sur le non-respect du classement en zone protégée d’intérêt national (ZPIN) du terrain ainsi que sur les sources souterraines qui dévalent la vallée en direction de la Maragole, un ruisseau en aval du terrain où doit être construit le centre de bien-être. «Si tu intensifies la zone par une construction, naturellement les sources seront déviées et il y aura perturbation de la zone alluviale.»
Située au bord d’un cours d’eau et caractérisée par périodes de crues et d’étiages, une zone alluviale est un facteur non négligeable pour la construction d’un édifice, d’autant plus que le centre de wellness est, selon les plans, prévu pour être enterré et relié à l’hôtel par un tunnel.
«Tous les éléments montrent que c’est le pire endroit de la commune afin d’enterrer un bâtiment», s’irrite Eric Lambert. Il s’appuie notamment sur le Mémorial B n° 3436 du 28 septembre 2020 au sein duquel le ministère de l’Environnement «indique qu’il faut faire une étude d’impact sur les eaux souterraines et alluviales».
En mars 2024, le bourgmestre aurait promis de mener cette étude mais, onze mois plus tard, «ils ont reconnu qu’ils n’ont rien fait». Depuis lundi, les citoyens ont donc décidé de rédiger eux-mêmes une demande d’étude auprès du ministère de l’Environnement et des administrations de la Gestion de l’eau et de la Nature et des Forêts. Le document devrait être rédigé dans la semaine, avec un délai de réponse estimé «dans plus ou moins trois mois» qui pourrait annuler la construction.
La menace de l’eau sur les bâtiments
D’ici là, la colère ne risque pas de s’essouffler puisque l’avant-projet se poursuit avec la réalisation récente de forages. À ce sujet, le bourgmestre aurait d’ailleurs «eu le culot de dire qu’il ne savait pas qu’ils avaient été réalisés» avant de finalement le concéder mais sans afficher publiquement leurs résultats. Les habitants disent néanmoins avoir obtenu des informations officieuses et «les résultats sont catastrophiques».
Tandis que la commune défend la faisabilité de l’hôtel et du wellness grâce à la modification du plan d’aménagement général (PAG) en 2011 qui autorisait l’utilisation touristique du site, les opposants leur prédisent un avenir similaire à celui de deux bâtiments situés dans la même zone.
Le premier est la piscine Piko, fermée pour travaux d’octobre 2020 à mai 2024 notamment car «des infiltrations provenant de la nappe aquifère contribuaient à la dégradation des équipements techniques», selon Beng, le bureau d’architecture en charge des rénovations. Le second est le chalet des scouts dont les murs présentent des fissures «à cause du terrain épongé par des ruisseaux». «Jamais deux sans trois», souffle donc Henri Krecké qui estime qu’en impactant les sources via les fondations, «il y a aussi un risque pour tout le quartier».
Les difficultés économiques que traverse le groupe autrichien JUFA, futur gérant de l’hôtel, ne rassurent pas non plus les habitants. Financièrement éprouvé par le covid, JUFA mène une restructuration et a fermé six sites en Autriche. À Rodange, le projet tient bon mais «ils devront payer des mille et des cents pour gérer ce problème d’eau», prévient Eric Lambert.