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Le procès d’un pédophile récidiviste pourrait faire jurisprudence


L’avocate a cherché longtemps. L’article 629-1 du code de procédure pénale n’a encore jamais été prononcé par un tribunal.  (Photo : archives lq)

Laurent souffre d’un trouble pédophile. Pour son avocate, sa place n’est pas en prison. Elle a sorti de la manche de sa robe un article du code de procédure pénale encore jamais utilisé.

La première fois, il s’en était tiré avec 18 mois de prison assortis du sursis intégral, une amende et une mise à l’épreuve de cinq ans. Cette fois, la 13e chambre correctionnelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg va sans doute devoir sévir davantage. Laurent est en récidive. Le quinquagénaire est accusé d’avoir importé et détenu toute une panoplie de matériel pédopornographique – certaines images versant dans la zoophilie – et volé – avant 2016 – un dossier électronique de photographies de vacances en famille à la plage appartenant à son ancienne patronne.

Le service de protection de la jeunesse de la police lui est tombé dessus dans le cadre d’une coopération avec la police allemande qui enquêtait sur un Munichois en contact sur Skype avec un certain « ponyrider_3«  qui s’est avéré être le prévenu. Le 24 mai 2020, seize appareils informatiques et électroniques sont saisis à son domicile et exploités par la police. La liste de ses recherches, énumérée hier matin par un enquêteur, fait froid dans le dos tant les références apparaissent glauques.

Depuis les perquisitions à son domicile, Laurent suit un traitement psychiatrique et médicamenteux pour se soigner et éviter de replonger lors de ses phases dépressives et alcoolisées. Un expert judiciaire a conclu à «un important risque de récidive» de sa part. Le prévenu prétend avoir systématiquement effacé les images qui lui étaient envoyées. Il était attiré par les jeunes filles de 10 à 16 ans.

«J’ai résisté longtemps. Avec le temps, je me suis relâché. J’avais peur des effets secondaires des médicaments, ce qui était bête», reconnaît Laurent. «J’ai cru être suffisamment fort pour m’en tirer tout seul. J’aurais dû aller chercher plus d’aide. Je vais devoir contrôler cela toute ma vie. Il n’y a pas de bouton sur lequel appuyer pour que cela s’arrête.» L’homme indique ne pas avoir eu la force et le courage de se faire aider par honte. Il se décrit comme «un monstre» pour la société. «Je n’ai pas d’excuse, ni d’autre alternative que celle de travailler sur moi.»

Un article jusqu’ici inusité

Le parquet a requis une peine de 36 mois de prison et une amende appropriée à l’encontre de Laurent. Son avocate, Me Gomes Matos, estime cependant que sa place n’est pas en prison. Une incarcération ne ferait que le freiner dans sa thérapie. «Peut-on estimer que la prison soit une solution pour quelqu’un de malade? Il est en récidive, mais pas parce qu’il n’a pas compris la première fois.»

L’avocate a souligné avec humanité la spécificité de son client. «Il lutte pour contrôler son problème depuis 13 ans. Il n’a pas été assez fort», a avancé son avocate. «Il ne minimise pas. Il le reconnaît devant vous, devant la société. Il répète constamment qu’il est un monstre et qu’il ne mérite pas d’avoir une vie.» Le prévenu vivrait en ermite pour éviter tout contact avec les autres et toute tentation. «Il est malade, il a un trouble pédophile. Il devra se battre toute sa vie.»

Me Gomes Matos a plaidé dans le sens d’une suspension probatoire du prononcé. «On n’a encore jamais prononcé cela», note la présidente. «J’ai cherché pendant des jours et des jours une jurisprudence en ce sens pour trouver une solution qui lui éviterait la prison. Je n’en ai pas trouvé. L’article 629-1 du code de procédure pénale est là, il n’a jamais été utilisé», lance l’avocate pleine de conviction. «Nous serions la première chambre à l’accorder», miroite la juge.

Au cas où le tribunal pénal constaterait la culpabilité de l’inculpé pour une infraction donnée et que le fait reproché ne paraîtrait pas de nature à entraîner une peine principale d’emprisonnement supérieure de deux ans, le tribunal peut, sous certaines conditions, décider de suspendre le prononcé d’une peine pour une durée allant de un à cinq ans. Le juge peut y ajouter des conditions de mise à l’épreuve.

Le prononcé est fixé au 15 janvier prochain.