André, accusé de l’assassinat de son fils, a sorti une lame de rasoir pour se trancher la gorge. Un incident qui soulève des questions de sécurité quant aux transferts de prisonniers.
«Approchez, Monsieur, vous avez le dernier mot.» Le président de la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg invite André, 72 ans, accusé de filicide, à s’avancer à la barre. Nous sommes ce mercredi après-midi.
Le prévenu s’exécute, tire un petit objet gris de la poche de son pantalon, brandit son bras et fait le geste de se trancher la gorge. À la stupeur générale. Les policiers qui l’encadrent se jettent immédiatement sur lui pour le désarmer et le plaquer au sol. Le prévenu résiste quelques fractions de seconde avant de s’écrouler.
Le président, impassible, clôt l’audience après avoir annoncé la date du prononcé. Le parquet vient de requérir la prison à perpétuité à l’encontre du prévenu qui a massacré son fils cadet à coups de couteau à Pétange en novembre 2022.
Enquêteurs, avocats et personnel de sécurité se précipitent autour du prévenu en attendant l’arrivée des secours pendant que les membres de sa famille quittent la salle d’audience, abasourdis par la scène à laquelle ils viennent d’assister.
Le prévenu, détenu dans l’aile psychiatrique de la prison de Sanem en raison de ses tendances suicidaires, a réussi, malgré les contrôles de sécurité opérés lors de son transfert au tribunal, à emporter une lame de rasoir à l’insu des policiers qui l’accompagnaient. L’homme, qui n’est pas mortellement blessé, parle aux policiers qui lui portent les premiers secours.
«Trahison du rôle du père»
La salle 1.10, la plus grande salle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg, est exceptionnellement comble en cet après-midi. Curieux et membres de la magistrature, et même le procureur d’État du parquet de Luxembourg, Georges Oswald, sont venus assister au procès d’André, accusé d’avoir tué son fils, David, greffier au Tribunal de la jeunesse, en lui assénant neuf coups de couteau à la tête, au cou et au thorax le 29 novembre 2022 au petit matin à Pétange.
L’ambiance est tendue dès le début. André est peu coopératif et sur la défensive. Presque agressif et impertinent, il refuse de répondre aux questions du juge et accuse l’enquêteur d’avoir mal fait son travail.
«Si vous le dites! Vous avez de toute façon déjà décidé de mon sort», lance-t-il pour faire diversion. «Je vous ai déjà répondu hier, je ne vois pas l’intérêt de me répéter sans cesse.»
Le président part à l’affrontement pour comprendre le mobile du crime et continue de creuser. En vain. «Je n’ai pas de réponse à votre question. Trouvez-en une vous-même ou demandez à l’enquêteur d’en inventer une. (…) Il devrait se rendre en pèlerinage à Lourdes pour prier que ses suppositions soient crues», répond-il d’un ton sec avant de se murer dans le silence quand le juge insinue que son fils aîné a pu le conduire sur le lieu du crime la nuit des faits.
Le tour est donc vite fait et le président peut donner la parole au procureur pour son réquisitoire. Ce dernier estime que le prévenu a «trahi le rôle du père». «Un père ne doit jamais être un danger pour son enfant.»
L’acte commis par André est, selon lui, «contre nature» et «incompréhensible». Mais aussi prémédité. Il ressort du dossier, quoi qu’en dise le prévenu, qu’il était en embuscade le matin des faits avec deux couteaux, dont l’arme du crime qui n’a pas été retrouvée.
Il s’était également renseigné sur les horaires des trains que son fils pouvait emprunter pour se rendre au travail et sur l’artère fémorale et avait agi la veille d’un rendez-vous au tribunal pour finaliser son divorce. En conflit avec son ancienne épouse, il a pu vouloir assassiner son fils «préféré» à la place de cette dernière, pour la blesser.
Le magistrat requiert la perpétuité à son encontre pour assassinat. Me Stroesser, l’avocat d’André, plaide en faveur du crime passionnel, «tout sauf prémédité», mais commis dans un état de détresse de manière impulsive et désorganisée.
Leurs lectures du dossier sont diamétralement opposées. «Il aurait conçu un autre scénario si son acte avait été prémédité», estime l’avocat. «Le doute doit pouvoir lui profiter, même si le parquet soulève des éléments qui peuvent interroger.»
La chambre criminelle rendra son verdict le 3 avril.