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Le « premier blacklisté » de Luxair s’estime sévèrement puni…


Les faits s'étaient produits en 2014 : le passager d'un vol vers Rimini était devenu irascible pour une histoire de verre de Crémant... (Photo d'illustration : Herve Montaigu).

L’octogénaire condamné à 9 mois de prison avec sursis et à une amende de 3000 euros pour avoir agressé le personnel de Luxair sur un vol Luxembourg-Rimini en 2014 a interjeté appel. Il persiste. Ce jour-là, il avait soif !

«J’avais payé l’aller-retour Luxembourg-Rimini. Mais pour rentrer au Luxembourg, j’ai dû prendre le train. J’ai mis plus de dix heures…» Pierre R., 82 ans, n’a visiblement toujours pas bien digéré le fait que la compagnie Luxair ait refusé de le reprendre sur le vol du retour après l’incident le 24 août 2014.

En première instance, l’octogénaire avait eu quelques petites difficultés de surdité… Avec le micro branché et le volume à fond, tous les obstacles ont pu être surmontés mercredi après-midi. Le prévenu a pu s’exprimer à la barre de la Cour d’appel : «J’ai dormi durant la majeure partie du trajet dans l’avion. Quand je me suis réveillé, les hôtesses de l’air m’ont ignoré. Elles sont passées à côté de moi. Mais moi j’aurais voulu boire quelque chose… Quand on m’a attaché, cela faisait mal.»

Fixé au siège avec un « restraint kit »

Ce n’est pas tout à fait la même version que celle des hôtesses de l’air. Parce qu’il n’avait pas reçu sa coupe de crémant, il avait commencé par jeter son plateau de repas, avaient-elles témoigné. Lors de la phase d’atterrissage, il avait refusé de rejoindre son siège. Et il avait agressé une première hôtesse de l’air… Le capitaine avait dû retarder l’atterrissage de l’avion en réduisant la vitesse pour permettre au personnel de fixer le passager à l’aide d’un «restraint kit», un système de sangles et de menottes.
Quand la présidente a tenté de lui faire comprendre qu’il s’était sans doute manifesté trop tard – la phase d’atterrissage était visiblement déjà entamée – l’octogénaire a insisté : «Pourquoi n’ont-elles pas regardé autour d’elles? Elles sont passées trois à quatre fois à côté de moi… Je les ai appelées… Je n’ai même pas eu un verre d’eau.»
À Rimini, le passager turbulent avait été remis à la police italienne. Bloqués dans l’avion durant l’opération, les autres passagers, 178 personnes, avaient rejoint l’aérogare avec un certain retard. Depuis cet incident, il figure sur la liste noire («No Fly List») de la compagnie Luxair.

Toujours interdit de vol chez Luxair

«C’était le premier blacklisté de la compagnie», a rappelé Me André Lutgen représentant Luxair dans cette affaire. Et de préciser : «Aujourd’hui elle en compte une demi-douzaine.» L’avocat a qualifié le comportement du prévenu d’«intolérable» : «Les hôtesses de l’air ne sont pas là pour être agressées.» Il demande à la Cour de confirmer les sommes allouées en première instance aux parties civiles. L’octogénaire avait été condamné à verser à Luxair 10 000 euros de dommages et intérêts. L’hôtesse de l’air victime d’une torsion de la main et du pouce s’était vu allouer 6 000 euros et sa collègue mordue 1 500 euros. À ces sommes s’ajoutaient 6000 euros d’indemnités de procédure.

La défense estime que le prévenu Pierre R. a «déjà été bien puni par Luxair.» «Il a obtenu la palme d’or en étant le premier blacklisté de la compagnie», a soulevé Me Edévi Amegandji. Cette sanction de quatre ans a d’ailleurs été reconduite cet été. «Quand, au mois d’août, il a tenté de réserver un nouveau billet, ce dernier a tout de suite été annulé. « Vous n’êtes plus le bienvenu chez nous », lui a-t-on écrit.» Au vu de la situation financière non glorieuse de son client, pour lequel un placement sous curatelle est également en projet, Me Amegandji demande de ne pas prononcer d’amende et de réduire les sommes allouées aux parties civiles au strict minimum : «Ce ne sont pas les 10 000 euros qui vont affecter le bilan de Luxair.»

Mais de l’avis du parquet général il y a lieu de confirmer les neuf mois de prison avec sursis et les 3 000 euros d’amende. L’avocate générale a parlé de «faits graves» : «S’il n’a pas compromis la sécurité du vol, il n’a pas respecté les instructions de sécurité du personnel. Et il a porté des coups et blessures volontaires à deux hôtesses de l’air.»
La Cour d’appel rendra sa décision le 17 octobre.

Fabienne Armborst