À 39 ans, cet ancien artisan spécialisé en alambics, célèbre pour ses rastas et son surnom lunaire, est le plus vieux footballeur de DN. Et pas le moins bon !
Il est curieux, le profil Transfermarkt de Nélito Da Cruz. Comme si les algorithmes au temps de l’intelligence artificielle n’avaient déjà plus aucun respect pour les anciens qui durent, comme lui, le deuxième joueur de champ le plus utilisé de l’UNA Strassen cette saison (et il a le 53e temps de jeu de toute la BGL Ligue) et qui pourtant, est le seul dans l’effectif de Stefano Bensi dont la valeur marchande est égale à zéro, selon le site spécialisé allemand. Comment peut-on ne rien valoir, en tant que footballeur, en étant aussi impressionnant – il est le 33e meilleur joueur du pays, actuellement –?
La réponse est dans les anomalies du site. On y trouve aussi une page sur le Nélito Da Cruz… manager, voire une page sur le Nélito Da Cruz… «sans club». La faute de l’âge ? Transfermarkt arrêterait-il de compter à partir d’une supposée date de péremption physique? Si la réponse est oui, alors il faut croire que dans ce milieu, on n’est plus bon à rien quand on est à 284 jours d’avoir 40 ans. À part peut-être faire coach puisque six techniciens de DN sont plus jeunes que lui.
Mais on ne voudrait surtout laisser personne en rade, sur le bas-côté de ce portrait pré-retraite. Alors à ceux qui se demandent «mais enfin, c’est qui, ce Nélito Da Cruz?», vous n’allez plus être victimes de votre statut d’«insider» averti bien longtemps : il s’agit de Vova. Lui, vous le connaissez. Vous ne pouvez pas ne pas les connaître, lui et ses rastas, qu’il a adoptées parce qu’il se désespérait, un jour, de rester trop longtemps à son goût chez le coiffeur, et alors que maintenant, ses dreads «prennent 8 heures d’affilée quand il faut s’en occuper pour s’occuper de chacune d’elle une par une», s’esclaffe-t-il.
Lui et son abattage dans l’entrejeu, devenu célèbre en DN depuis que Carlos Fangueiro est curieusement (c’est ce qu’on pensait à l’époque) allé le (re)chercher à Steinsel, après plusieurs années à Bissen en D1 (où il s’est dit «la BGL Ligue, c’est fini»), et alors qu’il finissait de réparer un pied cassé, à l’âge canonique de 35 ans.
Vova, quoi. Successeur moins élégant, mais plus dur au mal que Ronny Souto. Même si lui, le principal intéressé, s’ignore partiellement, puisqu’il ne sait en effet toujours pas pourquoi on l’appelle comme ça, depuis l’enfance. «J’ai une théorie, sourit-il. Comme je viens d’une île du Cap-Vert où il était très difficile et coûteux de faire venir une voiture, c’était toujours une fête quand on en voyait une arriver. Moi, petit, j’aimais les Volvo. Volvo, Vova. Est-ce que c’est pour ça? Un jour, j’ai demandé à mon père. Il n’a pas pu me répondre.»
Le secret? Manger chaud à tous les repas, surtout des « cachupa »
Vova a grandi à Santo Antao, l’île la plus au nord de l’archipel du Cap-Vert. Il y jouait en D1 locale et faisait, en parallèle, un boulot assez fou, exigeant physiquement et qui impose la patience. Dans l’entreprise familiale, il construisait, à la main, sur trois jours, des alambics en cuivre (rivets faits maison, sinon ce serait moins drôle) vendus aux particuliers du coin pour distiller l’Aguardente, l’eau-de-vie locale, faite à partir de moult de raisin.
Mode de conservation de ce tord-boyaux : «Il vieillit de longues années et se bonifie avec le temps, prenant une belle couleur ambrée», indiquent les sites spécialisés en alcool et donc pas du tout en football. Aguardente, Vova, même combat? Il jure que la famille n’en produisait pas. Mais il semble en avoir adopté les caractéristiques de maturation.
Le fait est que le milieu de terrain présente actuellement des constantes vitales de jeune homme et que ses performances sont à l’avenant. Il est, en endurance, l’un des joueurs du dessus du panier du 3e de BGL Ligue. Et pourtant, il assure que son hygiène de vie se limite à «manger chaud à tous les repas, surtout des « cachupa » (un plat cap-verdien à base de maïs, haricots et saucisse)» et à s’astreindre sans chercher de passe-droit au programme physique ultra-intensif que cuisine Tom Schnell, son préparateur physique. Pour le reste, Nélito galope 11 à 12 km par match juste «à la force de la volonté. C’est dans la tête.»
Dans la tête de ce magasinier chez «De Verband», spécialisé dans les produits phyto, herbicides,fongicides… et en prise directe avec les agriculteurs du pays («ils arrivent parfois énervés mais moi, je suis un gars calme alors on peut parler»), il y a belle lurette que le ballon rond aurait dû être rayé de la carte. En tout cas à ce niveau.
Il le dit : il a déjà failli arrêter deux fois. Et deux fois, c’est Carlos Fangueiro qui l’a remis de force dans l’arène. Après une pubalgie alors qu’il venait de finir une unique saison au Racing (2012-2013) qui n’est pas restée dans la mémoire collective, le technicien portugais l’aperçoit sur un match de futsal et décide de l’attirer à Bissen, où il coache alors. Avant de lui offrir une célébrité locale en l’installant au cœur de son F91 version «guerriers», qui finira champion en 2022.
Et cet été? Ce père de trois enfants va-t-il devoir s’absenter pour cause d’Europe? «Je n’ai pas encore parlé avec mes dirigeants, je ne sais pas si on va me prolonger», rigole-t-il. On dirait que ça ne l’inquiète pas. Sans doute parce qu’il a déjà un rendez-vous important, sur son agenda personnel, début juin. À Beggen, tous les expatriés cap-verdiens se réunissent au stade de la rue Henri-Dunant pour un tournoi inter-îles que Vova avait gagné dès son arrivée au pays, où sa sœur l’avait attiré.
«À l’époque, on m’avait dit de me méfier de Ronny Souto avant que les gens se rendent compte que moi aussi, je savais jouer», se rappelle-t-il. Et s’il gagnait cette édition 2025, dans la foulée d’une saison de DN de folie ? Sur ce terrain même où Gabriel Lopes, un autre milieu récupérateur, un autre Cap-Verdien, a joué avec l’Avenir en DN jusqu’à 41 ans ? Après cette saison qui s’annonce pleine, cela prouverait définitivement que les Volvo sont vraiment de sacrées voitures, faites pour durer.
Né le 29»décembre 1985, Nélito Carlos Dos Santos Da Cruz, dit Vova, joue à Porto Novo et au FC Foguetoes, un club dont l’emblème est encadré de deux palmiers.
Quand sa sœur lui propose de venir vivre au Grand-Duché pour concilier vie professionnelle et football, il n’hésite pas, mais ne pense pas y faire aussi longtemps carrière.
Propulsé magasinier à De Verband antenne de Colmar-Berg (il vit à Mersch), ce père de trois enfants (15, 11 et 5 ans) jouera successivement au RFCU, à Bissen, à Steinsel, au F91 (champion en 2022) et à Strassen.
Aligné dans 117 matches de DN en six saisons, il compte également 11 matches européens, un niveau qu’il a commencé à fréquenter à… 35 ans.