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[Le portrait] Paul Wilwerding, tombé pour Ell


(Photo : Mélanie Maps)

Figure du football féminin luxembourgeois, Paul Wilwerding a entamé cet été sa 19e saison sur le banc de l’équipe dames du SC Ell, dont il avait été l’un des fondateurs en 2005.

Véritable référence en matière de statistiques sportives, l’entreprise anglaise Opta n’a jamais collecté de données sur le football luxembourgeois.

Mais même sans cela, on pense ne pas prendre trop de risque en affirmant que personne, au Grand-Duché, n’est assis sur le banc d’une équipe seniors depuis plus longtemps que Paul Wilwerding, le coach de l’équipe féminine du SC Ell, qui a entamé cet été sa 19e saison à ce poste.

Mais avant d’en devenir l’entraîneur principal en 2007, l’intéressé en a été l’un des fondateurs, deux ans plus tôt, alors que l’équipe masculine sortait d’une saison 2004/2005 historique conclue sur une première montée en Division 1, le 3e échelon du foot luxembourgeois.

Et marquée par un quart de finale de Coupe de Luxembourg contre le FC Cebra – futur finaliste – après avoir notamment éliminé Rosport, pensionnaire de l’élite.

Dans l’euphorie de cette épopée, les compagnes des joueurs, celle de Paul Wilwerding en tête, ont voulu se mettre au football. L’équipe féminine la plus proche, à l’époque ? Lintgen, à 30 kilomètres.

Un rayon suffisamment large pour attirer des joueuses de part et d’autre de la frontière belge, affiches et flyers inspirés du film Joue là comme Beckham à l’appui. Bingo : le premier entraînement réunit une trentaine d’intéressées. Et le premier match amical, contre la réserve d’Etzella, plus de 300 spectateurs au Um Essig, pas aussi moderne qu’aujourd’hui.

Je ne suis pas le coach le plus facile

«Il y avait un seul terrain, avec deux lampadaires, se souvient Paul Wilwerding, et les vestiaires étaient de l’autre côté de l’église, au centre culturel.» Mais devant un tel engouement, la direction du club frontalier accepte de fonder une équipe.

«À condition que j’intègre le comité avec deux joueuses», précise celui qui est alors devenu secrétaire technique du SC Ell, une fonction qu’il occupe encore aujourd’hui en marge de ses mandats de coach des dames et de responsable du foot féminin. Fidélité, quand tu nous tiens !

Cette décision prise en 2005, le comité directeur n’a jamais eu à la regretter : le club, fondé en 1971, doit ses seuls trophées majeurs à ses féminines.

En l’occurrence la Coupe des dames 2012, remportée aux tirs au but face au Progrès Niederkorn, sacré champion un an plus tôt, et le championnat féminin du Luxembourg 2014, deux titres auxquels s’ajoutent trois finales de Coupe perdues (2014, 2018, 2024) et un sacre en indoor en 2023.

Tous ces succès, les Elloises sont donc allées les chercher avec le même technicien, Paul Wilwerding, sur leur banc. Un homme qui s’est toujours vu entraîneur, mais n’imaginait pas faire carrière auprès des dames. «Ce n’était pas prévu, s’amuse-t-il. Ça s’est fait comme ça. Et je n’ai pas de regret.»

Mais des convictions qui lui font dire, dans un sourire, qu’il n’est «pas le coach le plus facile. J’aime qu’il y ait de la discipline à l’entraînement : on n’est pas des pros, mais on vient pour progresser, pas pour passer le temps. J’aime aussi avoir une bonne ambiance, mais il faut travailler.»

Le cadre est strict, mais après 18 ans, dont dix où il était «du lundi au dimanche au stade» en vertu de ses diverses fonctions au club (joueur, éducateur, coach, coordinateur du foot féminin, secrétaire), personne n’a très envie d’en sortir, à l’entendre.

«Parfois, confie-t-il, je me dis que ça fait quand même longtemps que je suis là, qu’un peu de repos me ferait du bien, et que ça pourrait être intéressant que quelqu’un d’autre reprenne l’équipe, pour l’amener dans une autre direction. Mais les filles me disent qu’elles apprécient de travailler avec moi. Et moi aussi, je prends du plaisir. Alors…»

Alors tant pis pour le football masculin, où l’argent prend un peu trop de place à son goût, et où il n’a pas donné suite aux quelques sollicitations dont il a fait l’objet, au fil des années. Tant pis aussi pour les Rout Léiwinnen, dont il aurait pu intégrer le staff quand Dan Santos en est devenu le sélectionneur en 2020.

«Je préférais rester à Ell, assure celui qui a grandi dans la commune, à Colpach-Haut, frappé ses premiers ballons au SC Ell et effectué l’essentiel de sa carrière de joueur au sein du club. J’aime la compétition, avoir ce travail régulier de semaine en semaine et être dans ce rôle de coach au quotidien. Même si aujourd’hui, c’est vrai que la sélection féminine a plus de matches qu’avant.»

Pendant dix ans, j’étais du lundi au dimanche au stade

À la FLF, son profil ne devait pas manquer de partisans. Car l’influence de Paul Wilwerding ne s’est pas limitée qu’au SC Ell, désormais doté, sous son impulsion, d’équipes féminines dans toutes les catégories, des poussines (U11) aux cadettes (U17) : parallèlement, aux côtés de Nicolas Schockmel, membre du conseil d’administration de la FLF, le natif d’Ettelbruck a aussi largement œuvré à la création et la structuration des différents championnats féminins organisés à travers le pays aujourd’hui.

Cet investissement lui a valu, en novembre 2024, de recevoir le Mérite Elsy-Jacobs, un prix national récompensant chaque année un citoyen s’engageant en faveur de l’égalité entre femmes et hommes dans le milieu sportif. Un prix qui tient lieu, quelque part, de troisième trophée majeur de l’histoire du SC Ell.