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[Le portrait] Mika Pinto, avec un k


«Ce n'est pas ma volonté première d'être entraîneur principal. Je n’ai pas besoin de me montrer, et c’est peut-être aussi pour ça que j’aime autant mon rôle d’adjoint.» (Photo Mélanie Maps)

Le nouveau coach du F91 est bien moins connu au Grand-Duché que son homonyme Mica Pinto, le latéral des Rout Léiwen. Et pour cause : c’est d’une carrière dans l’ombre, comme entraîneur adjoint, dont Mika Pinto rêve.

C’est bien connu : une carrière dans le football, ça tient souvent à peu de choses. Dans le cas de Mika Pinto, promu fin décembre à un poste d’entraîneur principal du F91 qu’il ne convoitait même pas, on pourrait même dire, pour romancer un peu, qu’elle a tenu à deux dixièmes, ceux d’acuité visuelle qu’il lui manquait à un œil pour pouvoir envisager une carrière de pilote de ligne, son rêve de gosse autrefois inaccessible même avec des verres correcteurs. «Je suis passionné d’aviation, sourit le technicien de 32 ans. Si j’en vois un passer dans le ciel, je ne peux pas m’empêcher de le suivre du regard.»

Pilote de ligne, et pas footballeur, comme la plupart des autres enfants, surtout portugais? C’est que le natif de Thionville, il en convient, n’a «jamais été un grand joueur» ni un immense compétiteur. Un passionné, oui, un fan du FC Porto, le club de sa région d’origine, aussi, mais pas un latéral droit suffisamment talentueux ou déterminé pour évoluer plus haut que dans les divisions régionales. Ce qui était d’ailleurs «déjà très bien» pour quelqu’un qui a joué «pour le plaisir» jusqu’à ses 20 ans, en 2012, date de sa «retraite» précoce qui correspond en fait à celle de son basculement définitif vers le métier d’entraîneur.

Car pour le coup, le coaching, Mika Pinto y a «vite pris goût» et s’y est frayé son chemin. Débuté à 15 ans sur les bords de la Bibiche, à Basse-Ham, bourgade de l’agglomération thionvilloise où il a grandi et tapé dans le ballon, son parcours d’éducateur l’a mené en six ans sur les rives de la Moselle, chez un FC Metz soucieux de «dynamiser son école de foot». Au sein du club lorrain, où il passe sept saisons (2013-2020) le Portugais prend successivement la charge des U9, U10 et U11, avant de «toucher naturellement à la préparation physique», sa véritable ambition adolescente à laquelle il consacre ses études en fac de sport, la fin de ses années messines et ses 18 premiers mois loin du club grenat, à Brest (Ligue 1).

Fangueiro a fait de lui un véritable adjoint

Lorsqu’il quitte la Bretagne et sa première véritable expérience auprès des pros pour rejoindre Dudelange et se rapprocher de sa famille, à l’été 2022, le Thionvillois est encore estampillé «préparateur physique». Mais aussi vrai qu’il n’y a «que des numéros 10» dans la team de Booba, il n’y a «que des adjoints», équitablement impliqués dans l’analyse des adversaires, la conception des séances ou les choix de joueurs, au sein du staff de Carlos Fangueiro, l’entraîneur en chef du F91 adepte de la périodisation tactique. Et, donc, de la préparation physique intégrée, «ce qui fait, déroule Mika Pinto, que quand tu es prépa’, tu dois quand même avoir des connaissances technico-tactiques, et qu’à un moment ou un autre, tu commences à te spécialiser dans l’aspect plus technique de l’activité».

Ce n’est pas ma volonté première d’être entraîneur principal. Je n’ai pas besoin de me montrer

Ce qui fait aussi qu’«après, tu te rapproches plus du rôle d’adjoint que de celui de préparateur physique». Au point de l’endosser officiellement en janvier 2024 à Leixões, au Portugal, où il débarque (comme six mois plus tôt à Hesperange, où l’expérience tourne court) dans les valises de l’enfant du pays, Carlos Fangueiro. CQFD. «Il m’a dit « tu connais ma méthode de travail, j’ai besoin d’avoir une personne de confiance là-bas« . Comme il ne connaissait personne d’autre au club et qu’il n’avait le droit d’ajouter qu’une personne au staff en place, il m’a directement donné cette responsabilité et s’est arrangé avec les dirigeants pour qu’ils nomment un préparateur physique.»

Le contrat du duo dans la ville natale (Matosinhos) et le club formateur de Fangueiro est assorti d’une prolongation en cas de maintien en D2. Mais malgré la réussite de la mission et la prolongation de Fangueiro (qui vient de quitter Leixões pour Paços de Ferreira, un autre club de D2), le n° 2 rentre au Luxembourg pour y préparer le diplôme UEFA A, nécessaire pour officier comme adjoint dans le monde pro, sa véritable vocation, dans tous les championnats du monde, et plus seulement ceux, comme la 2e division portugaise belge, où l’UEFA B suffit. Car Mika Pinto, en amateur de voyages, ne veut se fixer aucune limite géographique dans l’exercice de «(sa) passion», puisque c’est aussi «(son) métier».

Il aurait ainsi pu se retrouver cet hiver à Doha, à la célèbre Aspire Academy, qui forme les athlètes qatariens de demain, si l’offre («pas inintéressante financièrement», faut-il le préciser) n’avait pas porté sur un poste de préparateur physique auprès des jeunes, c’est-à-dire l’inverse de ce qu’il vise aujourd’hui. «Je n’ai pas hésité une seule seconde, ça n’aurait pas été cohérent», assure le Thionvillois, désireux de ne pas dévier du plan de route qu’il s’était tracé en rentrant l’été dernier au Grand-Duché et au F91.

Je suis bien plus passionné par le rectangle vert que par ses à-côtés

Dudelange se félicite aujourd’hui du souci de cohérence de Pinto, mais aussi de son professionnalisme, son attachement au club et son amitié envers Luigi Tallarico, alias «Gigi l’Amoroso» (propriétaire du restaurant éponyme, à Dudelange), principal soutien financier – et désormais membre du comité directeur – du F91. Car ce sont ces raisons qui, mises bout à bout, ont fait que Mika Pinto n’a guère plus tergiversé en tout début d’année quand il lui a été proposé de succéder à Marco Martino, dont il était jusque-là l’adjoint. Et avec qui il a tenu, par loyauté, à s’entretenir au préalable.

«J’ai accepté, car ce sont des personnes que j’apprécie humainement, et que je voulais remercier le club de m’avoir rouvert la porte, justifie le nouveau coach dudelangeois. J’ai dit aux dirigeants : « s’il faut aider le club, je l’aiderai, quelle que soit la mission que vous me donnerez, et je ferai de mon mieux. »» Quitte, pour cela, à forcer un peu sa nature. Sans pour autant la changer : «Coach de Dudelange ou du Real Madrid, ma personne reste la même.»

«Ce n’est pas ma volonté première d’être entraîneur principal, rappelle toutefois l’intéressé. Je n’ai pas besoin de me montrer, et c’est peut-être aussi pour ça que j’aime autant mon rôle d’adjoint. Mais s’il faut prendre la responsabilité, je n’ai aucun problème à le faire.» Du moins pour quelques mois, après quoi Mika Pinto, bien plus «passionné par le rectangle vert que par tous ses à-côtés», notamment la lumière médiatique, se verrait bien retourner à son rôle de n° 2. Idéalement dans le monde pro. Le genre de métier qui vous fait prendre l’avion.