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[Le portrait] Mariya Shkolna : touchée en plein cœur


Mariya Shkolna, toute jeune mariée – pour le moment seulement à Las Vegas – entend porter bien haut les couleurs luxembourgeoises.   (Photo : Mélanie Maps)

Après avoir été sacrée championne du monde avec l’Ukraine et avoir tiré pour la Pologne, Mariya Shkolna a rejoint le Luxembourg. Par amour!

Il y a une dizaine de jours, en Grande-Bretagne, Mariya Shkolna remportait une médaille d’or par équipe avec Gilles Seywert (record national à la clé) et une médaille d’argent (en individuel) au GP de Lilleshall, en Grande-Bretagne. Mais qui est donc cette jeune et jolie jeune femme de 25 ans, qui a atterri au Luxembourg par amour?

Mariya est née le 28 octobre 1997 du côté de Lviv, en Ukraine. Sa famille est d’origine polonaise, à la maison, on parle ukrainien et polonais. Elle ira dans une école polonaise et pratiquera même à haut niveau la danse nationale polonaise.

Mais son vrai sport, c’est le tir à l’arc, que son père (NDLR : Kostyantyn Shkolnyy) a pratiqué à très haut niveau : «Il a participé aux JO de Séoul, a été plusieurs fois champion de l’URSS. Il est devenu coach, a entraîné les soldats et a ouvert un magasin de tir à l’arc où travaillait ma mère. Mon grand frère aussi en faisait.»

Je préfère le compound au recurve. C’est moins physique, mais plus mental

C’est donc logiquement qu’elle s’y met. Et plus particulièrement au compound, ou arc à poulies : «Je le préfère au recurve. Ça fait davantage appel à la précision qu’à la force. C’est moins physique, mais plus mental.» La jeune fille est douée : «J’ai commencé à 11 ans. J’ai tout de suite été une des meilleures en Ukraine, mais on n’était pas très nombreuses. À mes premiers championnats d’Europe, je faisais partie des dernières en qualifications. J’étais très occupée par la danse polonaise, je faisais un peu de roller aussi. Au début, le tir à l’arc n’était qu’un hobby. C’est en s’entraînant et en travaillant qu’on progresse.»

Mariya Shkolna travaille beaucoup. Et progresse énormément. Premières médailles internationales en 2013, championne du monde juniors l’année suivante. Mais 2015 marquera un tournant. Dans sa carrière. Et dans sa vie. À Copenhague, elle décroche le titre mondial par équipes avec l’Ukraine. Et c’est également là qu’elle va rencontrer Pit Klein, qui deviendra son compagnon dans la vie. Les deux tourtereaux ont d’ailleurs profité de leur présence à Las Vegas, cet hiver, pour aller se marier!

«On se connaît depuis les juniors cups avant 2015. Mais on se disait juste bonjour. C’est vraiment à Copenhague, puis deux semaines après sur la Coupe du monde de Wroclaw qu’on a appris à mieux se connaître. On est restés en contact et je l’ai invitée à venir tirer une des premières éditions du GT Open, dont j’étais l’un des organisateurs», explique l’archère grand-ducale. Qui reconnaît : «J’ai eu le coup de foudre.»

Une relation à distance puisqu’en septembre 2015, elle part étudier à Cracovie au sein de la très renommée Académie d’éducation physique. Pendant cette période, elle tirera sous les couleurs polonaises, le compound n’ayant pas vraiment la cote en Ukraine. Mais une fois ses études achevées, elle décide avec Pit Klein de s’installer au Luxembourg.

Je n’ai pas compris ce qui se passait. On entendait les sirènes. Les gens étaient en panique

Seulement, comme la Pologne exige de ses sportifs qu’ils soient installés sur son sol, Mariya Shkolna va désormais tirer pour le Grand-Duché, qui a la chance de récupérer l’une des meilleures archères au monde : «Au départ, je me suis surtout remise en forme, car avec l’université, je n’avais pas pu m’entraîner comme je le souhaitais. Et puis j’ai commencé à apprendre la langue. Et j’ai rejoint l’équipe nationale en 2019.»

Une fois installée, après une tentative dans une boîte de recrutement – «le travail de bureau, ce n’est pas pour moi» –, elle veut se lancer comme coach personnel, mais réalise que cette activité n’est pas compatible avec la pratique du sport de très haut niveau. Finalement, en juillet 2021, elle et Pit Klein créent Luxarc, le premier magasin en ligne et physique (à Limpach) consacré au tir à l’arc au Luxembourg. En parallèle, elle devient également coach au sein de l’équipe nationale. Et s’occupe notamment des jeunes pousses talentueuses comme Lea Tonus.

Bref, tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Seule ombre au tableau : un contrôle antidopage positif lors d’une compétition au Guatemala : «Je savais que ça provenait de la nourriture.» La jeune femme n’hésitera pas à parler de cet épisode et il sera prouvé qu’il s’agissait effectivement d’une contamination due à la nourriture, traitée dans ce pays avec des stéroïdes.

En février 2022, sa vie bascule à nouveau : «J’ai pris l’avion le 23 pour rendre visite à mes parents. Et le 24, je n’ai pas bien compris ce qui se passait. On entendait les sirènes, les gens étaient en panique.» Le séjour d’agrément se transforme rapidement en mission «retour à la maison» : «Ma famille m’a dit que je devais vite repartir avant que les frontières ne soient fermées. Finalement, j’ai réussi à trouver un bus et rejoindre la Pologne au bout de 48 heures.»

Elle laisse donc sur place sa famille. Qui fait face : «Mon frère vit à Lviv. Lui et sa femme sont volontaires. Lui travaille dans l’IT. Elle est journaliste. Elle écrit beaucoup sur ce qui se passe. Sur la santé mentale des soldats ukrainiens.» De retour au Luxembourg, elle organise plusieurs collectes pour aider le peuple ukrainien : «Avec une école primaire de Dudelange, on a envoyé une palette de premiers soins et de nourriture.»

Je ne suis satisfaite avec aucun de mes records

De nombreux sportifs russes lui envoient des messages hallucinants : «La plupart se félicitaient de voir l’Ukraine libérée des nazis. Et heureusement, j’en ai eu quelques-uns qui étaient horrifiés par la nouvelle et qui étaient désolés. Mais ce n’était pas la majorité.» Et d’ajouter : «Maintenant, je n’ai plus aucun contact. Et honnêtement, je ne veux pas en avoir.»

Alors qu’elle avait prévu d’aller rendre visite à ses parents pour Noël, ce sont finalement eux qui sont venus. De quoi la regonfler à bloc pour une saison où elle nourrit beaucoup d’ambitions : «Je suis actuellement 12e mondiale. Je veux faire partie du top 10. Je vise aussi la finale de la Coupe du monde, qui réunit les huit meilleures de l’année. Et puis il y a les championnats du monde, les Jeux européens…». Les Jeux européens se tiendront d’ailleurs à Cracovie, là où elle a étudié pendant trois ans.

Et elle rêve de JO : «En fin d’année, on saura s’il y aura du compound à Los Angeles. Et sinon, il y aura encore une chance avec 2032. Le compound est en train de grandir tellement. Il faut juste établir des règles.» Et peu importe ses records actuels, Mariya Shkolna ne pense qu’à une chose : les battre.

«Je suis encore très loin d’être là où je le souhaite. Je ne suis satisfaite avec aucun de mes records.» Elle a d’ailleurs joint le geste à la parole, puisqu’à Antalya, où elle dispute la Coupe du monde, elle a battu mardi son propre record des qualifications, le faisant passer de 700 à 704.

En bref

Mariya Shkolna a déjà un palmarès long comme le bras : championne du monde juniors en 2014, championne du monde par équipes en 2015, elle est également championne d’Europe juniors en 2017, deux fois vainqueur d’un GP européen.

Actuellement classée 12e au monde, elle a notamment pris une superbe quatrième place l’an passé à la Coupe du monde de Paris. En plus de son activité de sportive de très haut niveau, elle gère également le magasin Luxarc avec son mari Pit Klein et occupe la fonction de coach pour le compte de la fédération luxembourgeoise.20