Jorginho Monteiro, attaquant prolifique du FC Differdange 03, leader de BGL Ligue, vient de D4 lusitanienne et pourrait devenir un des patrons de la DN.
On sait énormément de choses sur les principaux animateurs de la ligne d’attaque du FC Differdange 03. On sait tout d’Artur Abreu, qui va forcément en devenir un élément essentiel. On sait que Kenny Nagera a joué avec Killian Mbappé au PSG. On sait que Guillaume Trani a eu la chance d’intégrer l’éphémère Nike Academy, en Angleterre.
Mais finalement, on ne sait rien sur l’homme qui en est aujourd’hui meilleur buteur, le petit Jorginho Monteiro, hormis qu’il n’aime pas les tatouages parce qu’il se «trouve déjà suffisamment beau comme ça». Ce n’est pourtant pas le moins charismatique de la bande. Ni le moins ambitieux, bien que venant, malgré une formation à Braga… de bien plus bas.
D’où, d’ailleurs ? De Celeiros, village de la commune de Braga, 3 289 habitants, «qu’on appelle, nous, une ville, juste pour avoir l’impression d’être moins petits, mais en vrai…». La taille, il faut croire que ça compte quand on a chopé depuis tout petit le même patronyme que le paternel, qui signifie littéralement «petit Jorge».
Mais on n’en arrive pas à un degré d’obsession suffisant au point de déformer totalement la réalité, puisque le club de la «ville», dans lequel il a fait ses débuts de joueur, «n’est vraiment pas ce qu’on peut appeler un gros club».
Jorginho ne travestit rien : il vient du football d’en bas. Il est pourtant très cher au cœur de l’actuel co-meilleur buteur de DN (15 réalisations), ce petit club : son grand-père de 87 ans, Lourenço, en tient toujours les rênes de président «et c’est ça qui le tient en forme», tandis que sa grand-mère, Maria das Dores (littéralement, Marie des douleurs), s’y fait un peu moins présente depuis quelques années, alors qu’elle s’occupait encore beaucoup d’y repriser les vêtements des jeunes. «Mon père a joué là. Mon oncle a joué là. Ce n’est pas le club de ma famille, mais disons que ma famille est du club.»
Les Monteiro n’en sont pourtant pas les stars, du club de Celeiros. Et même aller éventuellement chercher le titre de champion de BGL Ligue, dans trois mois, n’y changerait strictement rien pour Jorginho : c’est aussi là qu’a grandi Luis Maximiano, gardien de but d’Almeria, en D1 espagnole, champion du Portugal 2021 avec le Sporting, vice-champion d’Italie 2023 avec la Lazio.
Bref, Jorginho a du boulot pour exister même chez lui et, dans cette course perdue d’avance, il est hors de question de partir pour autant battu. Aucun risque que cela lui arrive. C’est ce qu’avait voulu dire récemment son directeur sportif au FCD03, Rémy Manso, en confiant que «Jorginho, ce n’est pas un gentil». Le «compliment» a fait sourire l’intéressé.
«J’ai confiance en moi, explique-t-il. Si j’affronte le Real Madrid, je ne pense pas que je vais gagner, je SAIS que je vais gagner. Que quelqu’un me dise, en début de saison, que jamais je n’atteindrai les 30 buts et juste pour le contrarier, je vais dire que si. Et je vais moi-même commencer à y croire. Et je vais réussir à convaincre les autres que c’est possible, même si, au début, ils doivent se dire que je suis fou.»
Forcément, l’idéal serait de savoir sur quoi le lutin d’1,70 m a été taquiné à son arrivée au Grand-Duché, quand il faisait encore banquette en Coupe d’Europe, avant qu’Amine Naïfi ne parte à Sarrebruck et qu’Erico Castro ne reste à Maribor. Il conviendrait de savoir ce dont on ne le croyait pas capable et qu’il s’est mis en tête de réaliser juste pour contrarier quelqu’un. «Je ne vous le dirai pas, ça gâcherait tout.»
C’était un peu la honte, ce prix. Mais c’était une honte collective, alors…
Ce n’est pas du mauvais esprit, c’est de l’entêtement familial. Hérité de maman Anabela, «une Portugaise du nord qui ne se laisse pas marcher sur les pieds. D’ailleurs, puisqu’on parle d’elle, j’aimerais dire que les fans du FCD03 sont très bons, meilleurs que toutes les mères du monde, sauf la mienne. Un jour, mon père et elle, avec tous les autres parents de Braga, chez qui je jouais, avaient gagné le prix des meilleurs supporters du tournoi qu’on avait gagné en battant le Benfica de Ruben Dias et Ranto Sanches en finale. C’était un peu la honte, ce prix. Mais comme c’était un prix pour tous les parents, c’était une honte collective, alors…».
Ce caractère bien trempé ne l’empêche pas de cohabiter gentiment dans une maison à quatre étages avec plusieurs coéquipiers lusophones. Le Brésilien Ulisses Oliveira, le Bissau-Guinéen Manuel Pami, le Portugais Diogo Lamas, mais aussi l’hispanophone Costaricien Nestor Monge, «qui commence à bien parler portugais». Le FCD03 a quelques maisonnées de la sorte. Une pour les Français, une pour les Argentins. Dans celle de Jorginho, version «haute mais pas large», on mange parfois ensemble, on sort peu et on ne laisse pas rentrer les filles : «On n’est pas là pour ça! On est là pour travailler.
Et on s’y repose beaucoup sans aller traîner, ce qui rassure ma grand-mère, qui m’a dit de faire attention aux gens avec qui je traîne. De toute façon, le Luxembourg, ça coûte trop cher. J’ai quand même signé ici pour améliorer ma vie alors que j’avais commencé à bosser l’année dernière dans une entreprise de contrôle qualité pour des pièces automobiles». Il a d’ailleurs gardé contact avec son patron de l’époque et pense pouvoir récupérer le boulot s’il doit retourner au Portugal.
Mais vu son niveau de performance actuel, peu de chances pour que Differdange le laisse filer à la fin de son contrat, en juin 2025. Surtout si ses statistiques restent aussi férocement bonnes. Il marque autant que son père délivrait de passes décisives dans sa jeunesse. «J’aurais bien aimé jouer avec lui. Mais s’il ne m’avait pas passé le ballon, il aurait eu des problèmes à la maison!»
Ça le fait sourire, Jorginho, cette perspective d’enguirlander son père à l’idée que celui-ci aurait pu ne pas être à la hauteur de ses ambitions de joueur de D1 luxembourgeoise. Mais Monge, Pami, Ulisses et Lamas feraient bien de faire gaffe : petit Jorge ne plaisante pas avec la performance. À Celeiros, on n’aime pas se faire voir plus petit qu’on est.