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[Le portrait] Elias Filet, élevé par des artistes, révélé par le Progrès 


La destinée d'Elias Filet a tardé à se dessiner, lui qui n’a débuté le foot qu’en U13 et n’a rejoint le FCSM qu’en U19, à 18 ans, un âge où certains équipiers font déjà partie des meubles au centre de formation. (Photo Mélanie Maps)

Fils d’une photographe et d’un chanteur ayant collaboré avec quelques très grands noms, Elias Filet a quitté l’été dernier son cocon sochalien pour se faire un prénom au Grand-Duché sous les couleurs du Progrès. Avec 11 buts en 16 journées de DN, l’attaquant a déjà réussi son pari.

Quand on lui a demandé, pour fixer le lieu de notre rendez-vous, s’il avait un café de prédilection à Niederkorn, Elias Filet nous a répondu, amusé, qu’il n’avait «pas forcément l’habitude dans des cafés». Certains y verront la réponse d’un garçon soucieux de son image, d’autres la «désolante» preuve que la jeunesse a bien changé, mais de notre côté, on n’a pas pu s’empêcher d’y voir une marque de professionnalisme.

Professionnel, c’est ce que venait justement de devenir le natif de Paris quand il a débarqué en juillet dernier au stade Jos-Haupert en provenance de Sochaux, en prêt. Mais c’est une destinée qui a tardé à se dessiner pour l’attaquant, qui n’a débuté le foot qu’en U13 et n’a rejoint le FCSM qu’en U19 (lire encadré), à 18 ans, un âge où certains équipiers font déjà partie des meubles au centre de formation.

«Je suis content d’avoir fait ce parcours»

Cette trajectoire décalée a eu le mérite de lui éviter une adolescence en vase clos. «Je suis content d’avoir fait ce parcours, apprécie le garçon formé au FC Gobelins (désormais Paris 13 Atletico), dans le 13e arrondissement parisien qui l’a vu grandir. J’ai pu atteindre le même niveau que d’autres jeunes du centre qui étaient là depuis longtemps, mais moi, je suis allé au lycée, j’ai eu une vie un peu plus « normale », avec ma famille.»

Et quelle famille : la maman, Letitia, est photographe, une vocation pour laquelle elle a renoncé aux études supérieures et enchaîné les petits boulots, en vue de financer ses écoles de photo. Le papa, Stephane, est lui chanteur, musicien et auteur-compositeur, et il faudrait un bouquin pour détailler son parcours musical.

Dans les grandes lignes, le CV de Stefan Filey – son pseudonyme –, pionnier du gospel, du R’n’B et de la soul en France, comprend quelques premières parties de l’HIStory World Tour (1996-1997) de Mickael Jackson, des apparitions sur scène avec Céline Dion, Mariah Carey ou Johnny Hallyday, une demi-douzaine d’albums, des collaborations avec Pascal Obispo, Patricia Kaas ou Zaz, et plusieurs tournées avec Christophe Maé, comme pianiste et choriste, excusez du peu.

Mes parents ont dédié leur vie à leur passion et arrivent à en vivre. Ça m’a aidé

Difficile, vu la concurrence, de truster le statut de «star de la famille», mais Elias l’assure dans un sourire : «J’essaie de me battre pour avoir la première place.» Être élevé par deux parents qui «ont dédié leur vie à leur passion et arrivent à en vivre» a en tout cas forcément influencé et encouragé le rejeton.

«Ça m’a aidé», confirme l’avant-centre du Progrès, dont la sœur cadette, véritable touche-à-tout, est, elle aussi, «très artiste» dans l’âme. Vous l’aurez compris, chez les Filet, pas de place pour les croyances limitantes, encore moins quand on n’a que 20 ans.

Fan de Manchester United, le n° 13 (une référence à son arrondissement d’origine) niederkornois se prend ainsi, durant notre échange, à s’inquiéter des possibles répercussions futures de l’évocation de son amour des «Red Devils» dans nos colonnes : «Tu vas le mettre dans l’article que je suis pour United ? Imagine, si un jour, je signe à City…» CQFD.

Tu vas l’écrire que je suis pour United ? Imagine, si un jour je signe à City…

Pour l’heure, les «Citizens» ont déjà un sacré buteur en la personne d’Erling Haaland, et le Norvégien tient lieu de modèle pour Filet dont l’un des passe-temps, au cœur d’un quotidien qu’il résume d’un «maison, séries et Play(station)», est de mater des vidéos d’avants-centres gauchers comme lui : Haaland, donc, mais aussi Robin Van Persie (ex-Arsenal et Manchester United) ou Dusan Vlahovic (Juventus).

Des sessions de visionnage où son regard ne se focalise que sur «les buts», unique obsession du Parisien, pas plus branché grigris que les trois larrons cités plus haut. Avec celui inscrit dimanche à Dudelange (1-4, 16e journée), face à qui il avait signé un doublé et ouvert son compteur (défaite 2-3, 2e j.), l’attaquant en est à 11 buts en 16 apparitions en BGL Ligue, lui qui en avait déjà facturé 14 avec la B de Sochaux en National 3 la saison passée, sa première chez les seniors.

De quoi valider définitivement son choix, approuvé par sa famille, de se frotter à l’élite du foot luxembourgeois plutôt qu’au National 1, où «son» club du Paris 13 le sollicitait. «Être dans un endroit qu’on connaît, c’est à double tranchant, théorise le gaucher. Soit tu casses tout, soit tu t’installes dans un confort.» Or il était l’heure de grandir et de s’émanciper.

En bref

Est-ce là l’explication à son endurance, lui qui parcourt une dizaine de kilomètres par match en moyenne? Avant de se mettre au foot à 12 ans, Elias Filet, né le 6 mars 2002 à Paris, a pratiqué le judo, mais aussi l’athlétisme. Formé – d’abord comme milieu gauche – des U13 aux U17 au FC Gobelins (désormais Paris 13 Atletico), club du 13e arrondissement parisien où évoluait Hamadou Karamoko avant sa signature au Progrès, l’attaquant a ensuite rallié les U18 de l’AS Meudon, toujours en Île-de-France. Il n’y sera resté qu’un an, avant de rejoindre les U19 du FC Sochaux à l’été 2020.

Si son premier exercice dans le Doubs a été perturbé par le covid, cela ne l’a pas empêché de flamber en National 3 (le 5e échelon du foot français) avec la réserve sochalienne (14 buts et 1 passe décisive en 24 apparitions) la saison dernière et de conclure celle-ci par une entrée en jeu en Ligue 2, le 2 avril à Quevilly-Rouen. Passé pro en juin, Filet est arrivé à Niederkorn dans le cadre du partenariat liant le Progrès au FCSM. Avec un objectif : «planter le plus possible», car «ça pourrait (lui) ouvrir des portes». C’est bien parti.

À Niederkorn, où il vit seul et passe le plus clair de son temps libre avec le défenseur Alex Guett Guett, lui aussi élevé à Paris, formé à Sochaux, passé pro et prêté au Progrès, Filet est ainsi devenu «un adulte. À Sochaux, j’étais au centre, j’étais encadré, j’allais à la cantine, on me lavait mon linge… Ici, je fais à manger, je fais mes courses, je m’organise. C’était tout nouveau au début.»

Intégrer «un vestiaire avec des mecs plus âgés, qui sont mariés, ont des enfants et n’ont pas les mêmes réalités que nous», l’était tout autant. Mais la découverte est bénéfique, là encore : «Quand on est en réserve, on n’est qu’avec des jeunes de sa génération. On pense et on vit pareil. Et puis, à Sochaux, j’étais essentiellement avec des Parisiens. Je ne me sentais pas déconnecté.»

Déconnecter, cela dit, n’est pas vraiment le credo du garçon. Quand il ne joue pas au foot, l’attaquant… lit foot. Fan absolu de mangas et d’animés, l’attaquant fait depuis plus de deux ans «la propagande» de Blue Lock, un manga que le parcours réussi du Japon lors du dernier Mondial au Qatar a contribué à faire exploser.

Le pitch, en quelques mots ? «Après l’élimination du Japon à la Coupe du monde 2018, un gars qui s’appelle Jinpachi Ego décide de créer une académie, le Blue Lock. Il appelle les 300 meilleurs attaquants U20 du pays et leur dit : je veux former le meilleur attaquant du monde, il est parmi vous. C’est une sorte de Hunger Games du foot.» Le sien, de Hunger Games, se joue entre le Doubs et le Grand-Duché, mais Elias Filet semble parti pour s’en tirer.