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[Le Portrait] Christine Hoffmann, aux sources de Miralem


Christine, du vert, du jaune et des jeunes. (photo Mélanie Maps)

Miralem Pjanic ne sera pas là, ce jeudi soir, pour affronter les Roud Léiwen. Au grand dam de sa première coach, du côté de Schifflange.

Il faut aller au numéro 21 de la Palaststrasse, à Trèves, si vous ambitionnez de vous hisser au panthéon de ces personnages du football luxembourgeois identifiables d’un seul coup d’œil. C’est là, chez Miss Mary Trendstore, où la couleur n’effraie pas les clientes, que se fournit Christine Hoffmann depuis des années. Là que cette bénévole de 60 ans a acheté quatre pantalons, quatre pulls, des manteaux, des chemises, du vert et du jaune les plus pétants qui puissent exister. Du jaune et vert «Schifflange».

«J’ai même des perruques de ces couleurs», s’amuse Christine, qui sait très bien qu’elle fait autant fureur cette saison en BGL Ligue qu’elle le faisait depuis 2020 en Promotion d’honneur, ou même avant en D1. Tant mieux, puisque c’est pour «porter chance à l’équipe» et parce que «désormais, les gens seraient déçus si je ne le faisais pas».

La légende de Christine Hoffmann ne s’écrit pas qu’en tribune dans des vêtements un peu fous ou à ceinturer Mickael Garos, mercredi dernier, pour l’entraîner loin d’une échauffourée de fin de 16es de finale de Coupe, contre Käerjeng («Je déteste les bagarres et j’en ai beaucoup trop vu»). Elle s’étale aussi sur les murs de la buvette du club, sur les photos souvenirs prises avec la célébrité locale. Car Christine n’est ni plus ni moins que la première coach du plus grand joueur que le Grand-Duché a jamais enfanté : le Bosnien Miralem Pjanic. «Parfois, on m’interroge sur le sujet, mais moi, je n’en fais pas la promotion.»

L’affaire a commencé le plus banalement du monde en 1994. C’est l’histoire toute bête d’une maman un peu plus investie que d’autres, dont l’enfant, Dane Ruppert, commence le ballon rond. Son coach s’appelle Claude Adler et se retrouve débordé par plus d’une vingtaine de gamins de 6 ans. Il y a Christine qui traîne là, en bord de pelouse, à chaque séance. «Il m’a demandé de lui donner un coup de main. Je n’y connaissais pas grand-chose, mais il me montrait les ateliers.»

Elle dépanne pendant un an, puis finit par s’investir durablement. Bambinis, poussins, pupilles, création d’une équipe dames aussi… Christine devient une cheville ouvrière à part entière, dirige sans diplômes, à l’expérience, devenant «peut-être la première femme coach du pays, ce que certains entraîneurs n’ont pas aimé, me disant de rester dans ma cuisine». Elle n’aurait pas rencontré Mire devant sa plaque de cuisson…

Des entraîneurs me disaient de rester dans ma cuisine

Les gosses qui défilent sous ses ordres s’en foutent, de la théorie du genre de techniciens machos comme le veut l’époque. Christine aura entre les mains une génération folle. Stefano Bensi en fait partie. Mais aussi Michel Kettenmeyer, Claudio Lombardelli ou Dimitri Kitenge. Une foule d’internationaux. Dont le plus monumental qui soit : Miralem Pjanic. «Lui, on n’avait pas besoin de lui apprendre quoi que ce soit : il savait déjà tout. Dans les tournois, quand ses petits copains couraient dans tous les sens entre les rencontres, lui restait assis à regarder les autres matches. Et quand c’était notre tour et que c’était mal embarqué, il suffisait qu’on lui demande de marquer un but. Souvent, il suffisait de lui demander et cela marchait. Il m’arrivait aussi de jouer parfois avec eux. Mais « Mire », lui, était trop rapide pour moi!»

Elle l’entraînera trois saisons durant. De son investissement, de son amour dispensé aux enfants (elle continue encore de se substituer aux parents qui ne peuvent véhiculer leurs enfants pour les ramener à la maison), la dame en vert et jaune – les dimanches – a conservé des relations en or avec la famille Pjanic. Se permettant de supplier Mire de jouer pour son club de cœur, le Borussia Dortmund (une requête qu’il tuera d’un sourire : «Non Christine, ça n’arrivera pas»). Se faisant inviter à trois reprises à Turin quand le fils prodigue faisait les belles heures de la Vieille Dame (la vraie, pas celle contre laquelle Schifflange vient de faire 3-3 en DN). Se réjouissant même de le voir choisir la Bosnie plutôt que les Roud Léiwen : «Moi, quand j’étais jeune, j’aurais tout donné pour jouer un Mondial ! Moi non plus, je n’aurais pas joué pour le Luxembourg si j’avais pu en faire un. J’aurais opté pour la sélection qui me le permettait.»

Pjanic en a fait un, lui offrant un joli cadeau, elle qui a parfois l’impression d’en manquer («Je suis née un 24 décembre, alors forcément…»). Christine aurait aimé le revoir une dernière fois sur un terrain au Grand-Duché, ce jeudi. Une blessure aux adducteurs l’empêchera d’en profiter.

Il lui restera l’espoir de voir un jour Miralem revenir dans ce club qu’elle aime (il lui a même fourni son mari, Germain, rencontré au bord de la pelouse en 2000), même si elle y croit peu. Au moins reviendra-t-il souvent, puisque le neveu de l’ancien milieu de terrain de Lyon, de la Roma, de la Juve ou du Barça a chaussé ses premiers crampons avec Schifflange il y a trois semaines.

Le petit garçon ne sera, lui, pas entraîné par Christine, qui a bien assez de ses tâches au comité, à l’amicale des jeunes, à la buvette, à l’organisation des événements… Et qui lutte contre une maladie immune qui fait curieusement apparaître du plomb dans son sang. «On ne sait pas pourquoi, mais mon corps travaille contre moi», relativise en souriant cette ancienne employée du Tageblatt. Sans compter qu’il faut bien aller refaire la garde-robe, de temps en temps, à la Palaststrasse. Non, vraiment, plus le temps pour former des stars…

En bref

Âgée de 60 ans, Christine Hoffmann est née Ruppert à Ludweiler, en Allemagne. Employée au façonnage au Tageblatt, elle est mère d’un garçon né d’une première union et active depuis 1994 au sein du FC Schifflange, particulièrement dans l’encadrement des jeunes.