Jean-Claude Anen accompagnait en tant que mécanicien des cyclistes de renom, comme Christine Majerus. Lui aussi va s’arrêter définitivement au soir du cyclo-cross de Diekirch, le 16 novembre.
À Diekirch, le samedi 16 novembre, lorsque Christine Majerus raccrochera définitivement son vélo à l’occasion du cyclo-cross de l’armée, Jean-Claude Anen se chargera une dernière fois de passer sa machine au karcher et de ranger méthodiquement tout le matériel. Et alors c’en sera fini pour lui aussi. Et bien qu’il s’en défende, c’est assurément une figure du cyclisme luxembourgeois qui va aussi se retirer. Et, une bonne fois pour toutes, pendre le vélo au clou selon cette bonne vieille expression.
Dans ce microcosme, tout le monde connaît sa fine silhouette, ses cheveux noirs coulant sur ses épaules. On pourrait aisément le confondre avec un ancien rockeur, mais plutôt très bien conservé. Non, c’est tout simplement Jean-Claude Anen, à l’impeccable réputation de mécanicien bénévole qui a décidé qu’à 71 ans, il était enfin temps de faire un arrêt définitif au stand.
L’intéressé le sait et cela aurait presque l’effet de le gêner : Christine Majerus ne tarit jamais d’éloges sur lui. Jean-Claude Anen fait partie de la poignée de personnes qui ont compté dans la longue et belle carrière de l’ancienne championne nationale. «Lorsqu’elle était contente de mes services, j’étais content», finira par glisser pudiquement Jean-Claude Anen.
Christian Helmig, l’actuel directeur technique national (DTN), qui fut en 2010 le premier à bénéficier de ses services désintéressés, est aussi laudateur. Et là aussi, ça vient du cœur.
Lorsqu’on l’a rencontré pour lui soumettre l’idée de ce portrait express, Jean-Claude Anen n’a pas caché sa surprise. On a d’abord cru que cet homme discret par nature allait botter en touche. Puis, au moment de rembobiner le film de sa petite aventure personnelle, il s’est finalement pris au jeu de se raconter par petites touches. Il constatera alors que, durant cette dernière quinzaine d’années, il aura noué «des amitiés à vie».
Pourtant, rien ne prédisposait ce passionné de cyclisme depuis toujours, puisqu’il s’était même lancé dans la compétition locale chez les débutants et juniors, avant d’être refroidi par l’obligation de devoir cumuler effort physique et activité professionnelle et de se lancer dans cette deuxième «carrière».
Son métier de mécanicien automobile, puis la construction de sa maison à Steinheim, entre Echternach et Rosport, lui laissent alors bien peu de temps libre. Il se fait une raison. Cela ne l’empêche pas d’alimenter sa passion d’enfance. Non seulement, il suit toute l’actualité du cyclisme, mais en plus, il se mue en collectionneur. Pour tout ce qui a trait à son sport de prédilection. Cela va de la collecte de cartes («j’en ai 80 000, mais j’ai arrêté de compter») aux maillots et aux brochures. À l’instar de Gilles Bosseler, cheville ouvrière de l’organisation de la Flèche du Sud, il est une référence au pays et garde dans sa demeure une chambre dédiée à cette passion dévorante. Il ne rate donc pas la bourse de Zolder, le must dans ce domaine. «Tally, ma femme et mes enfants ont accepté ma passion, sans quoi ce serait impossible de continuer…»
Par contre, sa famille conciliante sera ravie de le voir ranger pour de bon sa boîte à outils.
C’est presque par hasard, avant de prendre sa pension, qu’il a bifurqué vers cette activité de mécanicien vélo qui allait devenir de plus en plus prenante, une fois sa vie professionnelle refermée, le 1er janvier 2011.
On a beaucoup voyagé ensemble. Il n’était jamais stressé et mon vélo était toujours parfait avec lui
Toujours en 2011, nous sommes le 26 juin et Christian Helmig, inconnu de la grande majorité du peloton local, vient de se classer quatrième des championnats nationaux sur route derrière les frères Schleck et Laurent Didier. «J’ai appris son histoire, qu’il venait d’Amérique, et comme j’avais toujours continué à bricoler sur les vélos, alors je suis allé le voir spontanément pour lui proposer mon aide pour la saison de cyclo-cross», explique Jean-Claude.
Christian Helmig ne dit pas autrement. «Quand j’ai commencé au Luxembourg avec le cross, c’est lui qui est venu vers moi pour me demander si j’avais besoin d’aide. Je n’avais jamais eu ce genre de support avant. Ça a commencé comme ça. Jean-Claude est un passionné, il est fou (éclats de rire) dans le bon sens du terme. Ce n’est pas seulement un mécanicien, mais un fou de vélo. On a eu de bons moments. Il était avec moi pour ma carrière, que ce soit en cyclo-cross ou en VTT à la fin de ma carrière. On a beaucoup voyagé ensemble. Il n’était jamais stressé et mon vélo était toujours parfait avec lui.»
Sa personnalité unanimement décrite par tous comme sensible, fine, sérieuse, consciencieuse, gentille et décontractée en a fait un parfait compagnon de voyage. «Je me souviens d’une fois où nous étions en Israël pour une course de VTT. À l’aéroport, les services de sécurité m’avaient longuement contrôlé et j’étais franchement un peu stressé au moment de m’asseoir sur mon siège. D’un coup, je vois arriver Jean-Claude relax, avec un grand sourire. Si relax qu’il avait passé les contrôles avec une bouteille d’eau d’un litre et demi à la main et sans être contrôlé… On en avait beaucoup ri tous les deux, mais cela résume sa personnalité…»
C’est sans doute pourquoi lorsque Christine Majerus entreprit de s’organiser pour ses belles et longues campagnes hivernales de cyclo-cross, Jean-Claude Anen, qui se retrouvait au volant du camper avant d’endosser avec habileté l’habit de mécano, fut la personne idoine.
Sa discrétion étant de surcroît un trait du personnage largement apprécié. Pendant une bonne douzaine d’années, il se retrouva ainsi propulsé au cœur de plusieurs aventures humaines et sportives. «J’ai fait quelques années formidables, que ce soit avec Christian (Helmig), Christine (Majerus) et Soren (Nissen). J’ai fait également pas mal de travail avec la fédération. J’ai voyagé dans beaucoup de pays, c’était génial. J’ai des souvenirs inoubliables…»
Mais chaque bonne chose a une fin, il est donc temps de tourner la page. En ce qui concerne le cyclisme, il continuera de le regarder à la télévision, d’alimenter sa collection et de sortir de temps à autre ses «propres bécanes», que ce soit sur route ou en gravel. «Une soixantaine de kilomètres maximum», histoire de «rester en bonne santé». Car il aura une nouvelle vie à vivre tambour battant après ce 16 novembre…
Retraité du secteur automobile en 2011, Jean-Claude Anen (71 ans) est devenu mécanicien bénévole de plusieurs noms du cyclisme luxembourgeois, comme Christian Helmig, Soren Nissen et Christine Majerus. Résidant à Steinheim, il est marié et père de deux enfants. Il effectuera sa dernière mission le samedi 16 novembre pour la dernière compétition en cyclo-cross de Christine Majerus.