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[Le portrait] Amy Thompson, à jamais la pionnière


Première Luxembourgeoise à s’expatrier aux États-Unis en 2016, Amy Thompson est redevenue, après les doutes et les blessures, une machine à marquer à Mamer et en équipe nationale ces deux dernières années.

Dan Santos ignore combien de matches et de buts Amy Thompson totalise exactement avec l’équipe nationale féminine du Luxembourg, dont il est le sélectionneur et elle la meilleure buteuse. Mais le technicien est à peu près sûr d’une chose : l’intéressée «doit le savoir». «Elle est un peu comme Cristiano Ronaldo», sourit-il, façon de dire que l’attaquante est du genre très compétitrice.

Vérification faite auprès d’elle, Thompson en est à 24 réalisations en 33 sélections, ce qui la place à sept capes du record de Jessica Birkel. Mais si elle est devenue aussi à cheval sur les chiffres, ce n’était pas tant pour nourrir son ego que pour étayer ce qu’elle considérait autrefois comme une petite injustice.

«J’ai commencé à regarder les stats le jour où Mario Mutsch a atteint le cap des 100 matches avec le Luxembourg (NDLR : le 25 mars 2019), situe-t-elle. Je me suis amusée à comparer avec les dames.» Le résultat, à vrai dire, l’a plus «choquée» qu’amusée, et lui avait alors inspiré un post Facebook dans lequel, entre «tristesse et colère» – et sans remettre en cause le mérite de ce dernier –, elle s’étonnait, malgré ses 10 ans d’ancienneté, de l’écart abyssal de sélections entre elle et Mutsch. Et par conséquent des inégalités de calendriers et d’exposition entre femmes et hommes.

Du haut de son mètre 48 (plus cinq millimètres, pour être tout à fait précis), Thompson a pourtant assez longtemps été l’égale des hommes, balle au pied. Formée avec les garçons jusqu’à l’âge de 14 ans, après quoi la mixité n’est plus de rigueur dans le foot luxembourgeois, Amy Thompson a ainsi, durant sa jeunesse, «marqué beaucoup de buts» sous les couleurs du Rapid Mansfeldia 86, devenu ensuite RM Hamm Benfica (en 2004) et, l’an dernier, FC Luxembourg City.

Un club auquel elle a contribué en 2008 à offrir son «premier trophée officiel», la Coupe des scolaires, au terme d’une finale au cours de laquelle elle avait été remplacée en fin de match… pour l’ovation. De quoi la conforter dans son choix, influencé sans doute par ce papa anglais et fan de Manchester United, de privilégier le foot à la gym, la natation ou le ballet, autant de disciplines auxquelles elle s’est essayée sans attraper le virus, petite.

Quelques mois après son départ de Hamm, et huit ans seulement après ses débuts dans le foot, l’attaquante de poche s’entraîne déjà avec l’équipe nationale, et foule les pelouses de la D1 féminine, sous le maillot du Progrès Niederkorn. Sans pour autant souffrir de la comparaison, là encore : «Je prenais beaucoup de coups, mais c’est partout pareil. En termes d’intensité, de vitesse, c’était plus rapide chez les garçons.»

Au Luxembourg ou en Allemagne, j’étais rapide. Mais aux États-Unis, j’étais « normale »

À un âge où la plupart des talents luxembourgeois filent désormais à l’étranger, Amy Thompson perd, elle, «beaucoup de temps au niveau physique et footballistique». Un temps que ses trois ans (2012-2015) en Allemagne, à Bardenbach puis en D2 à Sarrebruck, ne suffisent pas à rattraper, quand bien même cette expatriation l’a «beaucoup aidée au niveau tactique» : quand elle débarque fin 2015 aux États-Unis, bourse en poche, à l’université de Stony Brook, dans l’État de New York, la gamine de Niederanven mesure le fossé qui sépare le foot européen, notamment luxembourgeois, du soccer.

«Au Luxembourg ou en Allemagne, j’étais rapide, pose-t-elle. Mais là, j’étais « normale« . Les filles font beaucoup d’athlé et de muscu au lycée, au niveau athlétique, c’est incomparable. Je n’ai d’ailleurs pas réussi les tests physiques.» Bien aidée, sur le volet tactique, par les cassettes vidéo de papa qu’elle a dévorées plus jeune, elle «compense par le foot», mais doit, la faute à un nombre de crédits universitaires insuffisant à son arrivée, attendre un bon semestre pour enfin être qualifiée – et pleinement acceptée au sein de l’effectif des Seawolves.

Car balle au pied, Thompson met tout le monde d’accord, dès ses premières rencontres non officielles au printemps 2016. Et surtout lors de son troisième et dernier trimestre outre-Atlantique, qu’elle entame et finit par des blessures qui la privent de cinq semaines de compétition, puis des play-offs de fin de saison, mais ne l’empêchent pas d’être élue joueuse de l’année par son université. Fort. Mais trop confidentiel à son goût, alors qu’elle est pourtant la première joueuse locale à tenter l’aventure américaine.

«On représente son pays à l’étranger en faisant ses preuves sur le terrain et en guise de remerciement, on vous oublie», regrette-t-elle début 2017 dans les colonnes de L’essentiel, à son retour au Grand-duché. Un pays où elle jure alors, à 22 ans, qu’elle ne jouera «plus jamais». À défaut, elle y apprend le métier d’éducatrice spécialisée et commence à entraîner des jeunes filles dans son ancien club du Progrès… où elle finit par replonger, au printemps 2018.

Quelques mois plus tard, elle devient, avec 11 buts, la meilleure buteuse de l’histoire des Roud Léiwinnen, juste devant sa compère Janine Hansen, avec qui elle partage la ligne d’attaque de la sélection et des origines asiatiques, elle dont la mère est vietnamienne. Treize autres ont suivi, et ils auraient sans doute été plus nombreux si Thompson n’avait pas, entre 2019 et 2021, été terrassée par une blessure récalcitrante à la voûte plantaire.

En équipe nationale, j’ai encore des choses à accomplir

Les breloques et les rencontres continentales, réservées au Racing depuis trois ans, aussi, mais l’attaquante, en fait, n’en a cure. Pour rien au monde, elle n’échangerait une étagère pleine contre un trophée avec Mamer, un «club familial» qui l’a relancée il y a deux ans, à qui elle l’a bien rendu, avec 93 pions en deux exercices… et avec qui elle disputera justement la finale de la Coupe, samedi contre le RFCU.

Ni «les belles choses vécues» avec l’équipe nationale, sous les ordres d’un Dan Santos qui voit en elle une joueuse «qui comprend le foot comme personne» au pays et «toujours désireuse de progresser», du haut de ses presque 29 ans. C’est qu’en sélection, la Mameroise «pense avoir encore des choses à accomplir». Après quoi, Amy Thompson entend «rester dans le monde du foot, pour aider le foot féminin luxembourgeois à se développer». Celui-ci peut-il rêver meilleure ambassadrice?