À Bettembourg, la circulation reprend sur le pont Emile-Hammerel. Après un an de travaux, les commerces espèrent retrouver leurs clients et une meilleure organisation.
Pas de mur tombé au son du violoncelle de Rostropovitch ni de retrouvailles poignantes. Non, la rapide cérémonie prévue à 17 h à Bettembourg, vendredi, ne ressemblera en rien au Berlin de 1989. Mais elle célébrera une petite réunification tout de même. Celle des deux parties est et ouest de la ville.
Pendant un an, Bettembourg a été scindé en deux, le temps de bâtir un nouveau pont au-dessus des voies de chemin de fer. S’il était encore possible de circuler à pied entre la partie est et ouest, les véhicules ne pouvaient se rendre d’un endroit à l’autre sans faire un détour de plusieurs kilomètres. Ces travaux nécessaires – le pont Emile-Hammerel était en piteux état – ont-ils entraîné une baisse de la clientèle dans les boutiques des commerçants, comme le craignaient certains d’entre eux ?
Pour le président de l’Union artisanale et commerciale de Bettembourg, Anibal Da Cruz, «les commerçants de la ville basse (NDLR : ouest) ont été un peu plus touchés». Selon lui, deux problèmes sont apparus pendant cette année de travaux : les temps de livraison ont été allongés, entraînant une perte de temps «pour rendre service aux clients» mais aussi, reconnaît-il, «une clientèle un peu moindre parce qu’il y a moins de passage, moins de flexibilité».
Résultat : «Je pense que, grosso modo, ce sont les restaurateurs et les cafetiers du bas qui ont perdu un peu de chiffre d’affaires», estime-t-il avant de nuancer. «Quoique de nouveaux (clients) sont apparus, avec les ouvriers du chantier et les personnes qui descendaient aux arrêts de bus provisoires rue de la Gare.» Toujours optimiste, il estime qu’une fois le pont rouvert, les habitudes reprendront, les anciens clients reviendront dans les boutiques qu’ils ont délaissées l’espace d’un an.
«Un grand soulagement»
Dans la partie est de la ville pourtant, certains commerçants ont des avis plus tranchés. Qu’il s’agisse des personnels du cabinet d’esthétique, de la pharmacie ou de l’un des cafés de la rue de Peppange, tous constatent une baisse de la fréquentation. Licinna, la propriétaire du pressing Presto-Lux, juge avoir perdu près de 50 % de sa clientèle. Elle aurait dû mettre la clé sous la porte si elle n’avait pas possédé une autre boutique à Luxembourg pour compenser. «J’ai des clients qui viennent d’ici, mais aussi d’ailleurs et s’ils acceptent de faire un détour pour aller au restaurant, ils ne le font pas pour déposer un habit au pressing», regrette-t-elle. D’autant que les travaux ont aussi réduit pendant quelque temps la possibilité de stationner devant la boutique.
«Vous voyez le café est vide», dit Jacqueline, derrière le comptoir du Mini Café, auquel sont accoudés trois habitués, en désignant les tables inoccupées dans la salle. «Il y a eu une baisse du chiffre d’affaires bien grande», soupire-t-elle. «Les clients habitent de l’autre côté et maintenant ils me disent avoir 7 km à faire pour venir jusqu’ici… ils ont arrêté de venir tous les jours.» La réouverture sera donc «un grand soulagement», affirme-t-elle, en espérant de tout son cœur qu’ils n’auront pas pris d’autres habitudes entretemps.
Chez d’autres commerçants de cette partie-là de Bettembourg, les travaux n’ont pas eu réellement d’impact sur les affaires, mais ce fut une période compliquée. Milena, responsable du salon de coiffure Modern Style, a surtout été gênée pour respecter son planning à cause des retards involontaires et quasi quotidiens de ses clients. Ces derniers pensaient qu’il n’était plus nécessaire de prendre un itinéraire bis ou découvraient que l’arrêt de bus avait été modifié. «La première phrase qu’ils prononcent en entrant, c’est pour demander quand les travaux seront finis, ils en ont marre», dit-elle avant d’ajouter, «moi aussi je serai contente que ça rouvre».
D’autres ont trouvé leur compte dans cette scission de la ville. Bernard, qui effectue des livraisons pour le laboratoire d’analyse sanguine dans la partie est de la localité, a plutôt bien vécu l’année écoulée : «Toute la rue qui va jusqu’au parc était bien plus tranquille», dit-il avec un large sourire, heureux d’avoir évité les embouteillages. Même satisfaction du côté d’un petit commerce alimentaire de proximité, dont la clientèle a largement augmenté, découragée à l’avance de faire un détour pour ses courses. Le gérant espère bien l’avoir fidélisée.

La réouverture du pont à la circulation est certes une étape importante, mais qui ne signifie pas pour autant la disparition des chantiers. (photo : Claude Lenert)
Bien que le pont rouvre, les engins de chantier feront encore partie du paysage bettembourgeois.
Mercredi encore, certains habitants de Bettembourg se montraient dubitatifs, doutant franchement que la fin des travaux aurait bien lieu vendredi. «On nous avait déjà dit cela en décembre», disaient-ils, moqueurs. Pourtant, cette fois, c’est officiel, le nouveau pont Emile-Hammerel, passant au-dessus de la gare, pourra être emprunté par les véhicules dès 19 h.
Une cérémonie d’inauguration est prévue deux heures avant, en présence de Yuriko Backes, ministre de la Mobilité et des Travaux publics, des représentants de l’administration des Ponts et Chaussées ainsi que du bourgmestre CSV de la commune, Laurent Zeimet.
Entièrement détruit après avoir été jugé irréparable, l’ancien pont a donc été remplacé par une nouvelle structure de type bow-string (littéralement «en corde d’arc»), assemblée à proximité, puis déplacée par ripage à la place laissée vide en juillet. Pour permettre la réalisation de ces travaux titanesques, la ville a été coupée en deux du nord au sud en mars 2024; même le trafic ferroviaire a dû être totalement interrompu entre mi-juillet et mi-août. Des déviations avaient été mises en place via les CR161, CR132 et CR159. Le réseau des bus avait aussi été adapté.
La nouvelle structure, conçue pour durer au moins un siècle, devrait accueillir chaque jour près de 15 000 véhicules. Ses voies de circulation ont été un peu réduites par rapport à l’ancien pont, pour laisser la place à des pistes pour piétons et cyclistes de 2,50 m de largeur de chaque côté.
Pas de trains dès samedi
vers Luxembourg
Mais cette réouverture ne signe pas pour autant la fin des travaux à Bettembourg. Depuis février, le raccordement à la future liaison cyclable express (Vëloexpresswee) PC103, le long de la ligne ferroviaire Bettembourg-Luxembourg, est en cours.
Il est aussi prévu de réaménager l’entrée nord de la ville, sur la route de Luxembourg, au niveau de l’intersection menant vers Kockelscheuer. Trottoirs élargis, passage piéton proche de l’arrêt de bus «Fankenacker» sécurisé et feux de signalisation «intelligents» au programme.
Côté rail, les perturbations ne sont pas non plus terminées. Les CFL ont annoncé récemment qu’aucun train ne circulera du 5 au 21 avril et du 12 juillet au 14 septembre sur l’axe Bettembourg-Luxembourg afin d’achever la construction de la nouvelle ligne de 7 km entre les deux gares.
I. S.