Le président du Conseil local d’Alep-Est, Brita Hagi Hassan, était de passage mercredi à Luxembourg pour défendre les civils pris au piège et la «révolution».
Brita Hagi Hassan, qui a demandé à être reçu au Conseil européen ce jeudi, appelle à «une initiative urgente pour sauver ce qu’il reste d’Alep», défendant la révolution syrienne, «une troisième voie entre le régime et Daech», tout en minorant le poids des groupes jihadistes au sein de la rébellion.
« Il reste à l’heure actuelle environ 50 000 personnes à Alep-Est dont le seul destin est la mort et dont la seule alternative serait de sortir de cette zone », déclare Brita Hagi Hassan quand on l’interroge sur la situation actuelle de la deuxième ville et ancienne capitale économique de Syrie. Il rappelle que ces 50 000 personnes se concentrent dans seulement 10 % de ce qu’était Alep-Est en 2013 lorsque deux millions de personnes peuplaient la partie de la ville occupée par les rebelles.
Celui qui se présente comme « un civil, représentant les civils, qui s’exprime exclusivement en tant que civil », alors qu’il a été élu en décembre 2015 à la tête du Conseil local d’Alep-Est et qu’il est donc de fait un homme politique, ne mâche pas ses mots face à l’inaction de la communauté internationale : « Nous en appelons à ce qu’il reste de morale, de conscience chez les chefs d’État du monde entier. Nous en avons assez des communiqués, des réunions, des fausses initiatives, des condamnations. »
Il reproche au Conseil de sécurité de l’ONU d’être devenu « un conseil de l’autorisation du crime ». Un Conseil de sécurité où la Russie, parfois accompagnée de la Chine, a opposé son veto à toute initiative de l’ONU sur la Syrie. Brita Hagi Hassan réclame la « séparation entre les sujets humanitaire et politique » alors que « l’histoire enregistrera comme une tache de honte » les massacres perpétrés « à la faveur du silence de la communauté internationale ».
«Daech est une créature du régime»
Alors qu’il multiplie les interviews et les interventions à travers l’Europe, Brita Hagi Hassan regrette que l’opinion publique européenne « ne voit en Syrie que le régime d’un côté et Daech ( NDLR : acronyme arabe de l’État islamique) de l’autre ». Pour lui, « Daech est une créature du régime » et il en veut pour preuve le fait que les bombardements massifs sur Alep-Est ont commencé après l’expulsion de l’État islamique de la ville par la rébellion fin 2013.
Mais interrogé sur la présence de jihadistes du Front Fatah al-Cham (ex-Front al-Nosra, branche syrienne d’al-Qaïda) à Alep-Est, qui sert d’alibi à l’offensive du régime, de Moscou et de Téhéran sur la ville, Brita Hagi Hassan semble tenté de minorer leur nombre : « Selon l’envoyé spécial de l’ONU Staffan de Mistura, ils seraient 900. En réalité ils ne sont que 200 à 300. C’est une présence extrêmement faible et sans véritable influence. »
Et le «maire» d’Alep-Est n’a d’ailleurs pas commenté les accusations de l’ONU selon lesquelles des groupes rebelles, dont le Front Fatah al-Cham et le groupe salafiste Ahrar al-Cham, empêcheraient des civils de quitter les quartiers assiégés d’Alep-Est et s’en serviraient comme boucliers humains.
À entendre Brita Hagi Hassan, seule la rébellion modérée – et très appréciée en Occident – composée notamment par l’Armée syrienne libre (ASL) serait présente à Alep.
«Tant qu’il y a un pouce de territoire libéré»
C’est cette même rébellion modérée qui représenterait « une troisième voie entre le terrorisme de Daech et celui du régime qui sont les deux faces d’une même médaille ».
Mais la révolution populaire de 2011 contre la tyrannie de la dynastie Assad semble désormais bien loin alors que le régime de Damas, en s’emparant des ruines d’Alep, contrôlerait les cinq plus grandes villes du pays. Mais Brita Hagi Hassan ne perd pas espoir quand on lui demande si Alep n’est pas le tombeau de la révolution : « La révolution est une idée, elle ne meurt pas. (…) Elle existe dans de nombreuses zones modérées. Tant qu’il y a un pouce de territoire syrien libéré, la révolution existe. »
Brita Hagi Hassan ne veut pas croire en une partition à terme de son pays rappelant le slogan de la révolution «une Syrie pour tous les Syriens». Il ne voit d’ailleurs pas – dans ce qui apparaît comme une forme de naïveté ou d’autopersuasion – un danger pour l’unité du pays la proclamation d’une zone autonome kurde dans le Nord : « Ce projet séparatiste n’est pas le projet des Kurdes, mais celui de la milice du PYD (NDLR : Parti de l’union démocratique considéré comme la branche syrienne du Parti des travailleurs du Kurdisatn (PKK) turc) soutenu par les Américains. »
Nicolas Klein