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Le LuxFilmFest poursuit sa mue


(photo Patrick Bresnan/Studio Michel Welfringer)

Du 29 février au 10 mars, le 14e LuxFilmFest se déroulera sous les signes de l’intime, du voyage et des mutations artistiques en tout genre.

Quand le mois de février pointe le bout de son nez, les cinéphiles commencent à compter les jours qui les séparent du grand rendez-vous cinématographique luxembourgeois. Et en dévoilant hier son copieux programme, le Luxembourg City Film Festival montre une fois de plus que «l’évènement le plus médiatisé du Luxembourg, médias traditionnels et réseaux sociaux confondus» (dixit son président, Georges Santer), tient à célébrer les cinémas du monde entier, en mettant l’accent sur la découverte de nouveaux auteurs et de nouvelles formes, l’éducation à l’image et, bien sûr, la mise en avant de la production nationale, toujours plus riche et reconnue.

Pour le nouveau ministre de la Culture, Eric Thill, le LuxFilmFest est «une fenêtre ouverte sur le monde» doublée d’un «un écrin de visibilité à l’international» pour la production du pays.

Du 29 février au 10 mars, c’est une 14e édition du LuxFilmFest «intense et qualitative» que promet son président. Intense, car ce sont pas moins de 123 films (répartis sur plus de 230 séances) qui composent le menu : des longs, des courts, de la réalité virtuelle, des rétrospectives, du cinéma pour jeunes publics…

Le Grand Prix, récompense suprême du festival, sera décerné à l’un des huit films de la compétition officielle par le jury du cinéaste américain Ira Sachs (Married Life, 2007; Love Is Strange, 2014; Frankie, 2019…), rejoint par la Danoise Marianne Slot (coproductrice des films de Lars Von Trier depuis 1994), la scénariste française Nathalie Hertzberg (Le Procès Goldman), l’acteur allemand Sebastian Koch (Das Leben der Anderen) et Vicky Krieps en prestigieuse régionale de l’étape, qui en profitera pour présenter The Dead Don’t Hurt à la suite de la cérémonie de clôture, un western réalisé par Viggo Mortensen dont elle tient le haut de l’affiche.

De l’intime et des voyages

La dimension intense du festival dont parlait Georges Santer prend forme aussi à l’intérieur du programme (et des films eux-mêmes), qui fait la part belle aux histoires intimes et à la découverte de soi. Du Brésil à la Chine, des forêts de Roumanie aux terres arides de Guinée-Bissau, des dizaines de récits font côtoyer l’infiniment petit et l’infiniment grand, examinant sous toutes les coutures le cocon familial, à travers un amour inconditionnel, des tensions sociales ou politiques, la maladie, l’absence…

Et alors que le ministre de la Culture remarque que «beaucoup de festivals peinent à atteindre l’équilibre de la « gender balance »», une place de choix est donnée ici aux regards féminins, avec huit réalisatrices au générique des quatorze films des compétitions (huit fictions, six documentaires).

Chaque année, le festival voyage à la découverte de pays peu représentés au cinéma. Du Brésil à la Chine, des forêts de Roumanie aux terres arides de Guinée-Bissau en passant par la nature vierge de Cuba, cette édition aura de quoi satisfaire les amateurs de paysages grandioses et les curieux avides de découvrir les cinémas de pays plus rares sur grand écran. Avec une discussion, notamment, autour du cinéma africain, à partir d’une carte blanche donnée au réalisateur mauritanien Abderrahmane Sissako (qui présentera aussi son nouveau film, Black Tea, coproduit au Luxembourg).

D’un art à l’autre

Directeur de la Cinémathèque de la Ville de Luxembourg, salle emblématique du festival, Claude Bertemes fait valoir «la capacité du cinéma à dialoguer et résonner avec d’autres formes artistiques». «Cette 14e édition le montre plus que jamais», affirme-t-il. Une porosité entre les disciplines qui sera mise en majesté à travers l’exposition «Wang Bing : Memories», qui tourne autour du travail du documentariste chinois et qui ouvrira dès vendredi au Cercle Cité. Le réalisateur présentera également son dernier film, Youth (Spring), coproduit au Luxembourg par Les Films Fauves et en compétition pour la Palme d’or au dernier festival de Cannes, et donnera une master class, complétée par une rétrospective à lui dédiée.

L’une des grandes fiertés de l’évènement, c’est bien entendu son pavillon réalité virtuelle (VR), véritable «festival dans le festival», avance Guy Daleiden, directeur du Film Fund Luxembourg. Et pour cause : la dizaine de films proposés du côté de Neimënster (dont plusieurs qui portent la patte luxembourgeoise) sera visible, elle, jusqu’au 17 mars.

Les habituelles rencontres professionnelles du «VR Day» auront lieu, avec des discussions et des projets autour des nouvelles formes de narration, à l’instar du jeu vidéo, à l’honneur cette année – y compris dans ce que Guy Daleiden s’amuse à appeler les «films plats», comme le documentaire Knit’s Island, entièrement tourné dans un environnement virtuel.

Pour que le futur du cinéma s’ouvre à de nouvelles traditions, il embrasse d’autres façons de raconter l’histoire, à l’image du devoir de mémoire en VR Letters from Drancy, qui retrace le parcours de l’Allemande Marion Deichmann. Survivante de la Shoah ayant transité par le Luxembourg, la dame aujourd’hui âgée de 91 ans est «en pleine forme», assure Guy Daleiden, et racontera son histoire lors d’une soirée spéciale.

Au-delà du genre

Évènement rare, le Français insolent Gaspar Noé sera l’invité d’honneur en fin de festival. À chaque film, le réalisateur d’Irréversible (2002) et de Love (2015) défie la morale et repousse les frontières du cinéma de genre, ses drames d’auteur flirtant avec l’horreur pure.

Une sensibilité qui occupe toute la teneur du programme concocté par le LuxFilmFest, du thriller familial et paranoïaque Hoard au polar noir et contemplatif Essential Truths of the Lake, jusqu’aux documentaires Hollywoodgate, une plongée glaçante dans le monde des talibans, et 20 Days in Mariupol, décrit par le directeur artistique, Alexis Juncosa, comme un film «magistral mais très frontal» sur le conflit en Ukraine.

Et le LuxFilmFest remet sur le tapis sa section «Late Night Bizarre», sous le signe du fantastique et, surtout, de l’expérience cinématographique unique et totale.

Du côté du Luxembourg

Avec sept films dans la sélection «Made in/with Luxembourg» (et d’autres dans les sélections parallèles), le LuxFilmFest donnera à voir tout le spectre du cinéma produit sur le territoire, tandis que les sociétés de production du pays multiplient les projets toujours plus loin à l’international.

Du drame 100 % luxembourgeois The Land in the Shadows, avec lequel le jeune réalisateur Lukas Grevis veut briser le tabou de la radicalisation, à la comédie dramatique argentine The Delinquents, le LuxFilmFest veut refléter cette année encore la diversité des auteurs, des sensibilités et des choix artistiques qui rendent le Luxembourg fier d’être aujourd’hui une terre de cinéma.

De la même manière que celle-ci est vouée à se chercher et se redéfinir continuellement, au gré des nouveaux projets et des voix émergentes – celles que l’on pourra découvrir dans l’habituelle soirée dédiée aux courts métrages luxembourgeois –, la cartographie du territoire occupé par le festival sera bientôt modifiée, grâce à «un super projet pour la Cinémathèque» présenté par la bourgmestre Lydie Polfer : «une nouvelle salle ouvrira» prochainement dans l’enceinte du bâtiment, en prélude à des «travaux de rénovation dans le parking souterrain puis sur la place du Théâtre». Déjà un cadeau pour les 15 ans du festival ?

Les principales sélections

COMPÉTITION OFFICIELLE

Hoard, de Luna Carmoon (Royaume-Uni)

Tigru, d’Andrei Tanase (Roumanie)

Toll, de Carolina Markowicz (Brésil / Portugal)

Gasoline Rainbow, de Bill Ross IV et Turner Ross (États-Unis)

Essential Truths of the Lake, de Lav Diaz (Philippines)

Il pleut dans la maison, de Paloma Sermon-Daï (Belgique)

Terrestrial Verses, d’Ali Asgari et Alireza Khatami (Iran / Luxembourg)

Melk, de Stefanie Kolk (Pays-Bas)

COMPÉTITION DOCUMENTAIRE

El eco, de Tatiana Huezo (Mexique)

Knit’s Island, d’Ekiem Barbier, Guilhem Causse et Quentin L’Helgouac’h (France)

Hollywoodgate, d’Ibrahim Nash’at (États-Unis / Allemagne)

The Eternal Memory, de Maite Alberdi (Chili)

Embodied Chorus, de Danielle F. Davie et Mohamed Sabbah (Liban / Luxembourg)

Reas, de Lola Arias (Argentine / Suisse / Allemagne)

MADE IN/WITH LUXEMBOURG

Blind at Heart, de Barbara Albert

(Allemagne / Suisse / Luxembourg) – Iris Productions

15 Years, de Chris Krause

(Autriche / Luxembourg) – Samsa Film

The Delinquents, de Rodrigo Moreno

(Argentine / Brésil / Luxembourg / Chili) – Les Films Fauves

The Land in the Shadows, de Lukas Grevis

(Luxembourg) – Respect.lu

Kanaval, de Henri Pardo

(Canada / Luxembourg) – Wady Films

Songs Within, de Katalin Gödrös

(Suisse / Luxembourg) – Amour Fou

Black Tea, d’Abderrahmane Sissako

(France / Taïwan / Luxembourg / Mauritanie) – Red Lion