Deux mois après l’inauguration, l’Automobility Incubator de Bissen va accueillir quatre premières entreprises vouées à concevoir la mobilité de demain, bien au-delà des frontières du pays.
Au total, 2 100 m2 de bureaux, 400 m2 d’ateliers pour la R&D, une quarantaine de bureaux, le tout moyennant 21 millions d’euros. Avec la construction de l’Automobility Incubator à Bissen, inauguré le 3 décembre dernier, l’État a frappé fort afin de développer son secteur automobile. Placé sous la gérance de Technoport, incubateur d’entreprises au Grand-Duché depuis 1998, l’Automobility Incubator a pour vocation de placer le pays sur la carte de par ses travaux pour la mobilité de demain. Ce projet est sur la bonne voie selon Erez Arye, directeur du Technoport de Bissen, qui ne manque pas d’ambition.
Lors de l’inauguration en décembre, vous annonciez que trois entreprises (Pony.ai, Voltcore et OptryT) avaient un précontrat commercial et allaient occuper les lieux au premier trimestre 2025. Qu’en est-il aujourd’hui ?
Erez Arye : Tout d’abord, les trois entreprises que nous avions mentionnées nous rejoignent officiellement. Au sein de Technoport, nous avons deux phases : précommerciale et commerciale. En décembre, elles étaient en phase précommerciale et depuis elles sont passées avec succès devant un comité qui décident, ou non, de soutenir les entreprises et elles nous rejoignent donc officiellement. Et depuis, une quatrième entreprise va les rejoindre : Solidity-ESS. Cette dernière est en phase précommerciale et nous avons de grands espoirs pour que le comité l’accepte également et qu’elle soit en phase commerciale d’ici deux mois.
Disons qu’avec ces quatre entreprises, il y aura environ 30 employés. En plus de cela, nous sommes encore en contact avec des dizaines d’entreprises et d’organisations qui cherchent à se joindre à nous. Je peux dire que depuis l’inauguration, l’intérêt est devenu très élevé.
Quelle est votre ambition pour l’incubateur ?
Il va sans dire que nous fournissons les capacités de base qu’offre un incubateur en proposant des bureaux, en assurant le mentorat et tout le reste. Mais, alors, pourquoi nous choisir, pourquoi choisir le Luxembourg et pas un autre pays? C’est parce que nous pensons que ce lieu, et je le dis sans sourciller, va devenir l’un des plus grands centres d’innovation au monde dans le domaine de la mobilité. Nous visons la qualité et pas seulement la quantité. Il s’agira d’un lieu unique pour les grandes start-up et initiatives grâce à deux choses.
La première sera l’utilisation de notre data accumulée par nos 26 ans d’expérience en tant que Technoport. Il s’agit de ce que l’on a appris avec le temps, nos adresses et nos contacts. Puis, il y a notre réseau. En plus d’être dans un pays idéalement placé en Europe et ouvert sur le monde, nous allons créer un consortium d’incubateurs pour lequel nous sommes actuellement en contact avec ceux de Barcelone, Lyon, Berlin et Paris.
Nous ne cherchons pas à construire la prochaine Mercedes, Audi ou BMW
Parmi les entreprises bientôt installées se trouve Pony.ai. À quel point la présence de ce spécialiste du transport autonome (lire ci-contre) est importante ?
C’est très important, car Pony.ai est une entreprise de classe mondiale. Le fait qu’ils aient choisi le Luxembourg est un gage de confiance pour nous. Ils ont compris que le Grand-Duché est l’endroit idéal pour s’implanter en Europe, ce qui atteste de notre potentiel.
Ce choix s’aligne également avec la politique du Luxembourg pour les véhicules autonomes. Le pays a décidé de devenir un leader en la matière et l’arrivée de Pony.ai est la preuve que cela arrive. Pony.ai aura ses bureaux ici, mais les voitures circuleront dans tout le Grand-Duché à des endroits définis, d’abord en tant que preuve de concept, puis, lorsque la preuve de concept sera terminée, elles devraient être opérationnelles. Alors, nous verrons dans les années à venir des voitures ou taxis autonomes au Luxembourg. C’est certain.
Comment voyez-vous le futur du secteur automobile au Grand-Duché ?
Je pense que le Luxembourg a pris une décision très intelligente en prenant au sérieux la politique de l’auto-mobilité et en investissant. Le nombre d’innovations et d’entreprises dans ce domaine est, dans le monde, très élevé. Il y a beaucoup d’améliorations à apporter et nous sommes au stade où les réglementations se mettent en place, lentement certes mais cela permet à la technologie de fonctionner réellement, en prenant les véhicules autonomes comme exemple.
Avec cette position favorable, plus son ouverture internationale, je n’ai pas peur de dire que le Luxembourg sera l’un des leaders mondiaux de l’auto-mobilité dans les années à venir. Il n’y a pas de raison que ça ne le soit pas.
Il y a un véritable attrait pour les nouvelles solutions énergétiques
Est-ce que les véhicules à combustion auront leur place à Bissen où sont-ils condamnés à rester dans le passé ?
Je ne pense pas que cela soit déjà le passé, mais les recherches d’alternatives en matière d’énergie sont bel et bien là. Dans le secteur de la mobilité, il y a un véritable attrait pour les nouvelles solutions énergétiques. Par exemple, notre quatrième entreprise Solidity-ESS s’occupe de cela en travaillant essentiellement sur des solutions de stockage d’énergie. Nous avons également des contacts avec d’autres entreprises du même style.
Nous sommes aussi en contact avec des entreprises qui s’occupent non seulement des voitures électriques, mais aussi des voitures à hydrogène. Alors, nous considérons autant Bissen comme un lieu afin d’encourager l’amélioration des moteurs à combustion que pour les abandonner, au profit d’autres solutions.
Pour résumer, nos deux sujets forts seront l’autonomie et les recherches autour de l’énergie. Nous ne cherchons pas à construire la prochaine Mercedes, Audi ou BMW. Ce n’est pas ce que nous visons. Nous voulons regrouper ce que nous pouvons faire de mieux au Luxembourg et être les meilleurs au monde dans ce domaine.
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Pony.ai, de la Bourse à Bissen
Depuis sa création en 2016 dans la Silicon Valley (Californie), Pony.ai s’est rapidement imposé comme l’un des leaders de la mobilité autonome. En avril 2023, l’entreprise disait avoir accumulé plus de 21 millions de kilomètres de conduite autonome dans le monde à travers 250 robots-taxis et 190 camions de logistique. Le tout hors d’Europe puisque le Grand-Duché sera son premier hub européen.
Son implantation à Bissen est d’autant plus significative en sachant puisqu’il s’agit d’une entreprise récemment cotée en Bourse. Après avoir levé environ 260 millions de dollars, Pony.ai a fait son entrée au Nasdaq le 27 novembre dernier et était valorisée à 5,25 milliards de dollars lors de son introduction.