La justice luxembourgeoise s’apprête à juger un combattant présumé de Daech, le Portugais Steve Duarte. En captivité dans les geôles kurdes, il ne devrait pas assister à ce procès inédit.
Lors d’une interview réalisée depuis sa geôle syrienne, Steve Duarte disait aspirer à «une vie normale». Il a fait une croix dessus en rejoignant les rangs de l’État islamique. Un parcours peu banal qui l’a mené de Meispelt au Grand-Duché de Luxembourg à la prison kurde de Ghwayran à Hassaké en Syrie. Demain et vendredi, il sera jugé – certainement par défaut – avec trois autres hommes pour terrorisme par la 12e chambre criminelle du tribunal d’arrondissement de Luxembourg.
Sur la feuille d’audience, les préventions qui pèsent sur lui sont légion : terrorisme, acte de provocation, acte de recrutement, commission d’un acte terroriste, participation active à un groupe terroriste ou à son activité licite, meurtre, assassinat, incitation à la haine ou à la violence, diverses suspicions d’être membre d’un parti radical islamiste…
Un mandat d’arrêt international a été émis à son encontre, mais l’homme de 38 ans serait toujours captif avec son épouse française et ses deux enfants six ans après son arrestation par des milices kurdes après la chute militaire de Daech. Il paraît donc peu probable, malgré les efforts de ses proches pour le rapatrier au Luxembourg, qu’il assiste à son procès.
De Polio à Abu Muhadjir Al Andalousi
Converti à l’islam en 2010, le jeune homme d’origine portugaise rejoint Daech en 2014. Comme beaucoup de jeunes Européens radicalisés à l’époque, il plaque tout. Six autres jeunes Luxembourgeois l’imitent. En janvier 2016, il fait une première fois parler de lui. Steve Duarte est identifié par les services secrets portugais dans une vidéo de huit minutes de l’État islamique. On y voit un homme portant une cagoule et un treillis militaire exécuter d’une balle dans la tête un prisonnier – un présumé espion – à Mossoul et proférer en français des menaces contre des pays comme le Portugal, l’Espagne et la France.
Quelques semaines plus tard, le nom de celui qui se fait désormais appeler Abu Muhadjir Al Andalousi apparaît sur une liste divulguée par Sky News, dont la chaîne britannique affirme qu’elle contient l’identité de 22 000 membres de l’État islamique.
Steve Duarte fera son retour face caméra en 2019, lors d’une interview durant laquelle il nie avoir participé aux crimes commis par l’État islamique et s’exprime ouvertement sur son départ pour le califat après s’être lancé sur la scène rap luxembourgeoise sous le nom de Polio. Il y dit avoir quitté le Luxembourg pour fréquenter une école coranique et ne pas avoir participé aux combats, mais avoir été affecté au département de propagande de Daech étant donné ses connaissances en photographie et en production audiovisuelle.
Abu Muhadjir Al Andalousi y fait également part de son souhait de retourner au Luxembourg pour y être jugé. «J’ai fait des erreurs et je suis prêt à en assumer les responsabilités.» L’article 135 du code pénal luxembourgeois pourrait s’appliquer. Il traite de la menace de commettre un acte de terrorisme et prévoit une peine allant de un an à huit ans de réclusion ainsi que des amendes de 2 500 à 12 500 euros. Les préventions de meurtre et d’assassinat libellées sur la feuille d’audience, si elles sont retenues à son encontre, pourraient saler sa note.
La loi luxembourgeoise en matière de terrorisme incrimine les actes de provocation au terrorisme, de recrutement, de formation et d’entraînement au terrorisme ainsi que la commission d’actes préparatoires. De même que les personnes rejoignant un autre État dans l’intention de se livrer à des actes liés au terrorisme.
Un procès pour des faits liés au terrorisme avait eu lieu en 2021. Une première au Luxembourg. Un couple était accusé, entre autres, d’appartenance à un réseau terroriste et de propagande. Ils avaient été condamnés en première instance à respectivement 3 ans et demi et 2 ans de prison ainsi qu’à suivre un programme de déradicalisation. Le couple avait fait appel de cette décision avant de se pourvoir en cassation. Pourvoi qui avait été rejeté. Au final, le couple a été condamné à des peines de 30 et 18 mois de prison, dont la moitié avec sursis.