Pour la Chambre des salariés, les derniers chiffres de la productivité au Luxembourg montrent que, malgré les apparences, le pays fait partie des membres les plus productifs de l’Union européenne.
Dans son dernier rapport, le Conseil national de productivité (CNP) a montré que la productivité dite «réelle» stagne au Luxembourg depuis près d’une trentaine d’années. La variation annuelle aurait été de – 0,2 % entre 1995 et 2023, soit le chiffre le plus bas de l’Union européenne. «Toutefois, se focaliser sur la seule évolution de cet indicateur est erroné à plusieurs égards», relativise la Chambre des salariés (CSL).
Dans son dernier Econews, elle rappelle que la productivité réelle, qui correspond au PIB en volume par heure travaillée ou par emploi, «n’est en réalité qu’une construction théorique non mesurable.» En effet pour calculer le PIB en volume, il faut corriger le PIB en valeur observé sur base des transactions effectuées entre les différents acteurs économiques (État, entreprises, ménages). «Il semble évident qu’une telle façon de procéder se heurte à de nombreux défis lorsqu’il s’agit de mesurer la quantité de services produits par l’économie, a fortiori, dans une économie très largement tertiarisée comme le Luxembourg», affirme la CSL.
Pourtant, même cet indicateur prouve que le Grand-Duché est l’un des pays les plus productifs d’Europe. Si sa productivité réelle stagne effectivement, elle reste «hors normes» par rapport aux autres membres de l’Union européenne. «Un travailleur luxembourgeois a produit, en 2023, un volume d’environ 1,8 fois supérieur à la moyenne de la zone euro.»
Une productivité nominale deux fois plus élevée
Pour la CSL, devant les problèmes de méthodologie que pose la productivité réelle, l’analyse n’est complète que si l’on prend aussi en compte la productivité nominale, plus facilement mesurable. «De ce point de vue, deux constats s’imposent. D’une part, la productivité nominale, que ce soit par emploi ou par heure travaillée, ne cesse d’augmenter au Luxembourg. D’autre part, le niveau de cette productivité nominale est sans commune mesure avec celui enregistré dans la plupart de pays européens.» La productivité nominale a aussi connu une progression annuelle moyenne de 2,8 % par an au Grand-Duché, une évolution supérieure aux pays voisins et à la moyenne de la zone euro.

(Infographie CSL)
Le taux de croissance moyen de l’Union européenne est néanmoins légèrement plus élevé que celui du Luxembourg. Cela s’explique par le processus de convergence à l’œuvre dans les pays du sud (Portugal, Italie) et d’Europe de l’Est (avec en tête la Lituanie, + 10% par an en moyenne entre 1995 et 2023) qui a tiré la productivité européenne vers le haut. Malgré le rattrapage de certains pays, les travailleurs luxembourgeois ont une productivité nominale presque deux fois plus élevée que la moyenne de la zone euro, loin devant la grande majorité des autres pays. Cet avantage luxembourgeois s’est par ailleurs creusé en trente ans, notamment par rapport à l’Allemagne ou à la France.
Face à ces résultats, la CSL rappelle que les gains de productivité «sont un élément crucial afin de préserver le modèle social luxembourgeois (à condition d’enrayer la hausse des inégalités sociales observée depuis plusieurs décennies) et de maintenir l’attractivité économique du Grand-Duché.» Elle en arrive au même constat que le CNP sur l’effort à faire en matière d’amélioration des pratiques managériales et d’innovation des entreprises. «Concernant les pratiques managériales, la CSL insiste sur l’importance du bien-être au travail, qui détermine in fine la productivité.»
L’importance de la formation continue
La formation continue est également un élément primordial «dans un contexte de diffusion rapide des nouvelles technologies, telle que l’intelligence artificielle, susceptibles de modifier en profondeur le monde du travail.» Les opportunités de formation sont malgré tout en baisse par rapport au milieu des années 2010, selon le Quality of Work Index. «Cette tendance est d’autant plus inquiétante, qu’environ 12% des entreprises (et 15% de celles ayant des activités innovantes) au Grand-Duché mettent en avant le manque de salariés qualifiés comme obstacle important pour l’innovation», rappelle la CSL.
Enfin, si la création d’un crédit d’impôt recherche, comme en France, est souvent mise en avant, la CSL pense qu’un tel dispositif ne générerait qu’un «effet d’aubaine» pour les entreprises qui innovent déjà sans pour autant inciter les autres à se lancer dans l’innovation. Cette absence de crédit d’impôt n’est citée que par 6 % des entreprises quand 27 % affirment ne pas innover en raison de «différentes priorités au sein de l’entreprise.»