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Non, le Luxembourg ne deviendra pas une République


Les élues de déi Lénk, Nathalie Oberweis et Myriam Cecchetti, ont au moins obtenu la satisfaction que leur proposition ait été soumise au vote de la Chambre. Un fait plutôt rare.

La Constitution alternative introduite par déi Lénk a été largement rejetée, hier, à la Chambre. Alors que l’abolition de la monarchie ne deviendra pas réalité, d’autres propositions ont été saluées par les députés.

Elle aura tenté jusqu’au bout de convaincre ses collègues. «Notre Constitution est ambitieuse. Nous avons besoin d’un nouveau contrat de société, basé sur l’égalité, l’équité, la solidarité et l’empathie. Les principes forts sont l’État social et un catalogue de droits fondamentaux recouvrables en justice», clame Nathalie Oberweis.

Les dés étaient pourtant jetés depuis bien longtemps : il n’y avait aucune chance de décrocher une majorité des deux tiers pour la proposition défendue par la députée déi Lénk, pourtant «triste» que la Chambre valide d’ici à demain soir une loi suprême révisée (lire ci-contre) qui «n’est pas à la hauteur des défis de notre temps, ressemblant toujours trop à une Constitution du XIXe siècle, qui ne pose pas assez de jalons pour le XXIe siècle. Il s’agit d’une occasion ratée.»

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Enjeu sociétal

Le «profond respect» et les remerciements pour «le travail intellectuel» effectué n’ont plus rien changé au résultat du vote : 2 voix pour et 51 voix contre. DP, LSAP, déi gréng, CSV, ADR et Parti pirate ont voté en bloc contre un texte qui vise notamment la transformation du Luxembourg en République ainsi qu’un renforcement de la citoyenneté et des droits fondamentaux. «Nous avons besoin d’un nouveau projet sociétal, sans quoi nous allons foncer directement dans le mur», renchérit Nathalie Oberweis.

Si le volet social a été accueilli favorablement par les autres partis, cela a été beaucoup moins le cas pour le droit de vote à tous les étrangers résidant depuis cinq ans au Luxembourg ou encore l’abaissement à 16 ans de l’âge pour pouvoir voter. Fernand Kartheiser (ADR) a notamment fustigé ce point.

Charles Margue (déi gréng) est venu dénoncer une «politisation de la justice» en réponse à la proposition d’une désignation par la Chambre de la moitié des juges composant la Cour constitutionnelle. Simone Beissel (DP) refuse que l’État puisse nationaliser de grandes entités économiques et des ressources communes.

En 1919, le non de la population

L’instauration de la République a été le point le plus contesté. «Une Constitution, qui est le socle du vivre-ensemble et des institutions, ne peut pas être écrite sans tenir compte de l’histoire du pays», souligne Léon Gloden (CSV). «Il ne s’agit pas d’un vote contre une autre forme d’État, mais d’une adhésion claire à une forme d’État qui a fait ses preuves, même si la révision de la Constitution à venir adaptera le rôle du Grand-Duc aux besoins du XXIe siècle», développe Mars Di Bartolomeo (LSAP).

Il a été renvoyé, hier, au référendum du 28 septembre 1919 lors duquel 73,3 % de la population s’est exprimée contre l’instauration d’une République. Une révolte lancée le 12 janvier de la même année avait été étouffée au bout de deux jours. «Nous estimons qu’il ne revient pas à la Chambre de décider d’une nouvelle forme d’État. On aurait pu profiter du centième anniversaire de ce référendum pour consulter une nouvelle fois le peuple», fait remarquer Sven Clement (Parti pirate).

Déi Lénk proposait que la République du Luxembourg soit dirigée par un président «aux pouvoirs très limités» et qui serait désigné par le Parlement. «La proposition n’est donc pas aussi progressiste que veulent le faire croire déi Lénk. Ils n’ont pas poussé leur réflexion jusqu’au bout», commente Léon Gloden.

La Constitution révisée sera actée demain soir

Aujourd’hui et demain auront lieu les deuxièmes votes des quatre chapitres de révision de la loi suprême, portant sur l’organisation de l’État, la Justice, les Droits et Libertés ainsi que la Chambre des députés et le Conseil d’État.

Chacun des quatre chapitres a récolté en première lecture la majorité nécessaire des deux tiers. Les textes de révision sont soutenus par les élus du DP, du LSAP, de déi gréng, du CSV et du Parti pirate. Les députés de l’ADR ont voté contre, tandis que déi Lénk s’est abstenue.

La Constitution révisée pourra entrer en vigueur six mois après ce second vote. Elle devrait donc devenir réalité courant juin 2023.