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Le Luxembourg et l’OTAN : à Rukla, des militaires sur le qui-vive


Sept militaires luxembourgeois sont actuellement déployés en Lituanie. Parmi eux, un officier, un sous-officier, un caporal et quatre soldats volontaires.

En Lituanie, sept militaires luxembourgeois sont membres des Forward Land Forces de l’OTAN. Nous avons pu, le temps de quelques heures, nous immerger dans le quotidien de leur base.

Le jour s’est levé depuis quelques heures quand nous arrivons, mercredi, à Kaunas, en Lituanie. À bord de l’A400M, l’impressionnant avion militaire belgo-luxembourgeois, la ministre de la Défense, Yuriko Backes, se rend ce jour-là en visite à Rukla, une localité de 1 987 âmes où se trouve une base militaire de l’OTAN. Dans la banlieue de Kaunas, la deuxième ville du pays, les champs et les arbres dénudés défilent dans la brume de l’automne. Un paysage quelque peu rudimentaire où l’on distingue également des bâtisses lituaniennes typiques et une architecture héritée du communisme. Frontalière de la Lettonie, de la Biélorussie, de la Pologne et d’un territoire russe, la Lituanie a, en effet, été sous la domination de l’URSS jusqu’en 1991, date à laquelle elle a retrouvé son indépendance. C’est en 2004 qu’elle rejoint l’Union européenne et l’OTAN.

Après une vingtaine de minutes de trajet, nous arrivons à Rukla. Barbelés, bâtiments uniformes et légèrement austères, nous sommes bien dans une base militaire. À l’entrée, on aperçoit sept drapeaux européens : ceux du Luxembourg, de l’Allemagne, de la Belgique, des Pays-Bas, de la Norvège, de l’Islande et de la République tchèque. Depuis 2017, cette base abrite une unité de l’OTAN. Ici, environ 1 200 soldats issus de ces pays européens défendent le territoire des membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord. Sous commandement allemand, ces militaires forment depuis 2017 un groupement tactique multinational (en anglais, Battlegroup) en réaction à l’annexion de la Crimée par la Russie (2014). Ce groupe armé est appelé à intervenir sur le terrain si un allié de l’OTAN subit une attaque.

C’est une chance de pouvoir réaliser des entraînements multinationaux

À Rukla, sept Luxembourgeois participent à ce Battlegroup de l’OTAN. Six d’entre eux sont membres d’une unité de transport de matériel multinationale. Ils apportent également un soutien opérationnel, administratif ou médical au sein de la base. Ces militaires que la ministre de la Défense a rencontrés et salués sont tous de jeunes soldats. Pour la plupart, c’est même leur première mission à l’étranger. Pour des raisons de sécurité, ils ne pouvaient pas parler à la presse.

Leur officier, qui assume le rôle d’adjointe SIC (systèmes d’information et de communication) au sein de l’état-major du Battlegroup, s’est fait leur porte-voix : «Le quotidien de nos militaires, ce sont surtout des missions de logistique : les camions, les supports, les transports de munition, la nourriture. Ils peuvent par exemple dépanner des voitures qui sont restées coincées durant un exercice.» Pour ces jeunes Luxembourgeois qui ont entre 19 et 22 ans, cette mission de six mois, qu’ils peuvent effectuer plusieurs fois au cours de leur carrière, reste très enrichissante. «C’est très chouette pour eux de travailler avec des militaires de différentes nations. Au Luxembourg, nous n’avons pas toujours l’occasion de rencontrer des soldats d’autres nations», indique l’officier.

Un quotidien bien rythmé

Pour ces soldats présents à Rukla, faire partie d’une unité de l’OTAN reste une expérience unique. Dans la base, nous croisons des militaires allemands. Tous sont fiers de poser à côté de véhicules blindés sophistiqués, utilisés dans le cadre de la présence renforcée de l’OTAN. On trouve par exemple le blindé allemand Fuchs. «Pour les troupes de défense nucléaire, ce véhicule permet de transporter des soldats ou ingénieurs dans des zones potentiellement contaminées par la radioactivité», explique Thomas, officier du détachement allemand. Devant ce véhicule, nous rencontrons l’un des élèves soldats. «Depuis que j’ai commencé ma mission, j’ai eu l’opportunité de vivre des expériences, par exemple, d’attaques nucléaires comme elles pourraient se dérouler dans la vie réelle», indique-t-il.

Véhicule médical, tank de bataille le plus avancé au monde, engin blindé de reconnaissance et de combat : la flotte est impressionnante. Devant l’un d’entre eux, le sergent allemand Max, 25 ans, nous explique le déroulement de sa mission à Rukla. «Je suis l’un des commandants d’un tank de bataille. C’est un véhicule que je connais depuis presque six ans. Tous les six mois, nous faisons une rotation. Mes camarades suivants prennent mon poste (…). C’est une expérience très intéressante. Nous apprenons beaucoup de choses et c’est une chance de pouvoir réaliser des entraînements multinationaux.»

La ministre Yuriko Backes passant en revue les véhicules du détachement luxembourgeois. Photo : emilie dias

Son quotidien est cadencé. «Je me lève à 6 h, puis je mange à 7 h. À 8 h, notre chef nous explique les tâches quotidiennes que nous allons devoir réaliser. La journée se termine vers 18 h. À partir de là, nous avons quartier libre. Nous jouons beaucoup aux jeux vidéo. Le week-end, nous avons aussi du temps libre. On peut par exemple faire du shopping», détaille-t-il. Une vie de caserne bien remplie à des milliers de kilomètres de sa famille. «Ce n’est pas la partie la plus agréable du travail. C’est difficile, mais c’est quelque chose que nous avons choisi», confie-t-il. Bientôt, il pourra, tout comme l’ensemble des soldats de Rukla, retrouver ses proches pour les fêtes de fin d’année. Puis son pays d’origine, après avoir effectué cette mission de six mois aussi intense qu’«exceptionnelle».

Yuriko Backes : «L’importance de la solidarité euro-atlantique»

Yuriko Backes a rencontré la nouvelle ministre de la Défense lituanienne, Dovilé Sakaliené. (Photo : armée luxembourgeoise)

Avec une veste militaire luxembourgeoise sur le dos, la ministre de la Défense, a visité la base de l’OTAN à Rukla. Pendant cette matinée, elle a rencontré les sept militaires luxembourgeois présents et a partagé des moments avec eux. Elle a pu également observer la contribution logistique du détachement luxembourgeois au sein du groupement tactique multinational (Battlegroup) de la Présence avancée renforcée de l’OTAN en Europe de l’Est (Enhanced Forward Presence). En novembre 2023, la participation luxembourgeoise a d’ailleurs été prolongée jusqu’au 31 décembre 2025.

Ce détachement luxembourgeois n’est pas le seul dans l’est du continent. L’armée luxembourgeoise participe, en effet, à un autre Battlegroup de l’OTAN, en Roumanie. Sous commandement français, cette base accueille 26 soldats luxembourgeois, soit le plus gros contingent militaire du Grand-Duché à l’étranger.

«Une situation sans précédent»

Pendant cette visite, la ministre Yuriko Backes s’est entretenue avec la nouvelle ministre de la Défense lituanienne, Dovilé Sakaliené. Les deux femmes ont exprimé leur soutien à la sauvegarde de la paix en Europe. La ministre luxembourgeoise a souligné «l’importance de la solidarité euro-atlantique». Elle a assuré son homologue de «la continuité de l’engagement militaire du Luxembourg en Lituanie, dans le cadre des Forward Land Forces de l’OTAN».

Une coopération indispensable en ces temps de tensions géopolitiques. Interrogée par la presse, la ministre lituanienne a tenu une position ferme vis-à-vis de la Russie. «C’est un empire qui, pendant des centaines d’années, a essayé d’annihiler ses voisins ou de les occuper. N’importe quel accord avec ce pays n’est que naïveté et illusion. Mondialement, nous sommes dans une situation sans précédent, où le monde démocratique va devoir s’unir contre les menaces des régimes autoritaires», a-t-elle déclaré.