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«Le Luxembourg a un retard considérable» sur les aménagements cyclables


Le croisement de l’avenue Marie-Thérèse et du boulevard Royal est un carrefour dont la dangerosité est dénoncée depuis des années par les associations cyclistes. (Photos : carole theisen)

Une randonnée cycliste était organisée jeudi soir à Luxembourg, deux semaines après un accident avenue Marie-Thérèse, pour alerter sur les efforts à fournir pour la sécurité des vélos.

Le 17 juillet dernier, un accident de la route a eu lieu au croisement de l’avenue Marie-Thérèse et du boulevard Royal. Ce carrefour très fréquenté de la capitale, dont la dangerosité est dénoncée depuis des années par les associations cyclistes, a failli coûter la vie à un jeune homme mineur. Percuté par un camion, son vélo a été entièrement écrasé par le poids lourd. Dans son malheur, il semble avoir eu de la chance puisqu’il a pu sortir de l’hôpital en fin de semaine dernière, où il avait été pris en charge pour une jambe cassée. Néanmoins, les séquelles psychologiques d’un tel évènement sont imprévisibles.

Pointant «l’inaction» des autorités communales, l’association ProVelo s’est insurgée après ce nouvel accident – le deuxième dans cette rue depuis le mois de mars – et déplore que l’aménagement actuel ne réponde nullement aux besoins des usagers.

Ses membres avaient d’ailleurs signalé de nombreuses fois par le passé le passage critique que représente ce carrefour pour les cyclistes et les automobilistes. Mais cette fois-ci, la randonnée cycliste organisée hier soir, visant à mettre en lumière ces dangers, n’est pas de leur initiative.

À l’origine de celle-ci, on trouve Mathieu Hansen. Lorsqu’il apprend l’accident, ce Luxembourgeois de 27 ans décide de se mobiliser : cycliste régulier, il se dit que la prochaine fois, cela pourrait être lui. Rapidement, il met sur pied cette randonnée afin de faire «bouger les choses». D’ici quelques semaines, il prévoit aussi de déposer une pétition qui abordera les axes d’amélioration en matière d’aménagements cyclables dans la Ville. Nous l’avons rencontré.

Mathieu Hansen est à l’origine de la randonnée, organisée jeudi soir.

Quel est le but de cette randonnée ? 

Mathieu Hansen : L’idée, en tant que cyclistes, est de montrer notre présence et de faire part de nos revendications politiques. Aujourd’hui, le Luxembourg est très mal équipé. Il nous faut de meilleures infrastructures afin de renforcer notre sécurité sur les routes. Donc, dans la mesure du possible, nous nous rendons sur les différents endroits que nous estimons dangereux dans le but d’attirer l’attention dessus.

Le parcours passe devant l’Athénée, un site qui concentre un trafic important, mais qui manque grandement de marquage au sol. Nous roulons ensuite devant l’ambassade anglaise, où les chemins cyclables sont aussi à retravailler. Il y a de grands poteaux au milieu, ce qui crée des conflits et participe à l’insécurité des cyclistes, mais aussi des piétons. Et puis, nous commençons et terminons cette promenade à l’endroit même de l’accident, afin de renforcer le message.

A-t-on des données sur le manque de sécurité ? 

Oui, et elles ne sont pas glorieuses. Le mois dernier, le Statec a rendu publique l’augmentation des accidents de la route entraînant des blessés graves, mais également des décès en 2023. Pour les cyclistes, nous sommes passés de 27 (en 2022) à 40. Pour les piétons, de 37 à 53. C’est une augmentation de 30 %, c’est énorme. Il faut réagir maintenant et investir davantage dans les infrastructures. Le message de notre action, c’est aussi de revendiquer qu’en 2025, nous voulons zéro mort, zéro blessé sur les routes. Pour cela, il faut du changement.

Considérez-vous que le Luxembourg s’implique suffisamment en matière d’aménagements cyclables ?  

Absolument pas. Le Luxembourg a un retard considérable, notamment par rapport à nos voisins néerlandais. J’ai fait mes études aux Pays-Bas, et la différence est énorme. Ici, nous faisons les choses à l’envers. Un simple investissement dans la signalisation et la création de pistes cyclables délimitées permettrait de réduire la pollution, d’économiser sur les frais hospitaliers des accidentés et d’améliorer la santé physique des citoyens, qui seraient alors plus enclins à utiliser le vélo. De plus, cela coûterait bien moins cher que les nombreux travaux routiers dans lesquels nos responsables politiques investissent de l’argent.

Comment expliquez-vous ce manque d’action politique ? 

Il est incompréhensible. Personnellement, je ne suis pas en contact avec Madame Polfer, ni avec Monsieur Goldschmidt, (NDLR : respectivement bourgmestre et échevin de la Ville de Luxembourg) contrairement à l’association ProVelo. D’ailleurs, l’ASBL avait déjà averti sur la dangerosité de ce carrefour, entre autres. Pourtant, rien n’a changé avant l’accident. Les politiques en place fonctionnent par réaction. À mon avis, ils ne se sentent tout simplement pas concernés. C’est ironique, puisque l’an dernier, lors des élections, cette thématique faisait partie des promesses politiques qui leur ont permis de se faire élire. Depuis, c’est le néant. Pourtant, les possibilités d’action ne manquent pas.

Aujourd’hui, quelles sont vos revendications ? 

Cette randonnée ne suffira pas, mais elle peut être une pierre de plus sur le chantier du changement. Sur le long terme, j’aimerais que les responsables réfléchissent à un concept à grande échelle afin d’améliorer les infrastructures cyclistes et piétonnes. Pour chaque nouvelle route construite, une loi devrait obliger la Ville à y bâtir également une piste cyclable délimitée à côté. À court terme, il faudrait réduire la vitesse de circulation à 30 km/h en centre-ville et augmenter les tarifs des parkings, comme cela a été fait aux Pays-Bas.

Ces mesures ont démocratisé l’usage du vélo au point que l’utilisation de la voiture y a été drastiquement réduite. C’est ce que je souhaite pour la capitale ces prochaines années. Une ville sans voiture, uniquement avec des transports en commun, serait, à mon avis, idéale. Aujourd’hui, le vélo apparaît comme le mode de transport le plus sain, que ce soit économiquement, écologiquement ou pour la santé. Riche ou pauvre, jeune ou vieux, tout le monde peut le pratiquer. Il ne faut pas attendre un nouveau drame pour s’activer.

Plusieurs dizaines de cyclistes se sont rassemblés hier soir, pour réclamer une meilleure sécurisation des pistes cyclables.

La Ville alertée depuis 2018

Interrogée, Monique Goldschmit, présidente de l’ASBL ProVelo, assure que les responsables politiques de la Ville de Luxembourg ont bien connaissance du danger de ce carrefour, avenue Marie-Thérèse, pour les cyclistes. «Depuis 2018, nous les alertons sur l’urgence d’ouvrir de nouvelles voies pour accéder au centre-ville. Ce qui permettrait de dégager ce carrefour et de réduire le risque d’accidents.» Une idée que les élus approuveraient en privé lors des réunions annuelles avec les membres de ProVelo, mais qui reste, pour le moment, en suspens. «Comme souvent, il faut attendre ce genre d’accident pour que la question revienne sur la table. Combien en faudra-t-il encore pour que les travaux débutent?», interroge-t-elle.

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