Accueil | A la Une | Le grand froid n’épargne pas les sans-abri

Le grand froid n’épargne pas les sans-abri


Par crainte ou par rejet de la Wanteraktioun, certains sans-abri dorment dans la rue à défaut de trouver une autre solution d’hébergement. (Photo : archives lq/julien garroy)

Malgré la Wanteraktioun, des personnes sans abri continuent de dormir dans la rue en plein hiver. Une situation exacerbée par le grand froid actuel et qui reste, à ce jour, sans issue.

Ce matin, plus que jamais, le froid s’engouffre par la moindre brèche. Le thermostat affiche des températures si basses que l’ensemble du pays est en vigilance jaune grand froid depuis 4 h et ce jusqu’à 8 h. L’alerte, lancée hier par MeteoLux, prédisait entre -6 à -10 °C dans le nord du pays et surtout dans les plaines et vallées pour le Sud. Des chiffres loin d’atteindre les -20,2 °C de février 1956, le record de froid national jamais recensé, mais qui suffisent pour représenter un danger potentiel. Surtout pour ceux qui n’ont pas de quoi s’en protéger.

De l’autre côté de nos frontières, des plans d’action exceptionnels (lire ci-contre) ont été mis en place afin, notamment, de venir en aide aux personnes sans abri à la merci du froid. Au Grand-Duché, rien de tel n’est prévu en cas de prévision météorologique jaune. Le plan d’intervention d’urgence (PIU) en cas d’intempéries ne se déclenche qu’au passage en vigilance orange.

Le gouvernement n’est pas insensible aux températures glaciales pour autant puisque, comme chaque année, il participe à la tenue de la Wanteraktioun (WAK) qui offre au Findel un hébergement temporaire, avec repas et sanitaires, du 15 novembre au 15 avril.

La WAK
pas remplie

«Ces derniers jours, nous avons frôlé le remplissage», fait d’ailleurs savoir la Croix-Rouge luxembourgeoise qui organise la WAK avec Hëllef um Terrain (HUT) et Inter-Actions. Rien de surprenant au vu des conditions météorologiques, car «en dessous de 0 °C, c’est un accueil inconditionnel pour tous». Malgré tout, l’existence de la WAK, qui attire des gens à travers les quatre coins du pays, ne vide pas entièrement les rues de ses habitants contraints.

Alexandra Oxacelay, directrice de la Stëmm vun der Strooss, confie que sa structure distribue bon nombre de sacs de couchage «pour ceux qui ne dorment pas au Findel». Pourtant, les organisateurs de la WAK disent encore disposer de quelques places. Cela s’explique, d’une part, par la volonté de certaines personnes sans abri qui n’apprécient ni le cadre ni les restrictions. D’autre part, Alexandra Oxacelay déplore un changement de politique : «Le problème, cette année, c’est qu’ils ont changé les conditions d’accès à la WAK». En plus de devoir présenter un justificatif de présence sur le territoire luxembourgeois d’au moins trois mois, les personnes originaires de pays tiers ne peuvent rester que trois jours et trois nuits, après quoi leur rapatriement est organisé.

Par conséquent, certains évitent ou renoncent à y aller. Quitte à dormir à deux pas de là. «La police nous a déjà contactés pour faire quelque chose, car il y a des gens qui vont à l’aéroport pour rester au chaud mais qui ne dorment pas au Findel», raconte la porte-parole de la Stëmm.

Des haltes
de nuit bondées

«On constate que l’hiver la plupart des gens sont à la WAK mais, le peu qui reste, on les oriente dans notre halte de nuit mobile», atteste Nelson Dos Reis, responsable du service Premier Appel d’Inter-Actions. Les streeworkers de l’ASBL interviennent quotidiennement auprès de ceux qui vivent dans la rue, même être mi-novembre et mi-avril. Outre la distribution de sacs de couchage, de boissons et repas chaud, Premier Appel dispose d’une halte de nuit mobile située derrière l’église de Hollerich. Cette dernière compte huit lits mais «avec le froid, c’est très occupé» prévient Nelson Dos Reis. Même son de cloche du côté de la Croix-Rouge dont la halte de nuit «Nightshelter», située dans le quartier Gare, «est toujours pleine».

Malgré le soleil dans le meilleur des cas, la quête de chaleur des personnes sans abri ne s’arrête jamais. Pour ce faire, les sans-abri peuvent, entre autres, bénéficier du bistrot social de la Croix-Rouge ou des restaurants de la Stëmm à Esch-sur-Alzette, Hollerich et Ettelbruck.

L’accueil chaleureux de la Stëmm

«On a des salles chauffées où les gens peuvent manger, se reposer et se mettre à l’abri du froid pendant 4 heures», indique Charles Bechet, responsable de celui de Hollerich dont les portes ouvrent de 11 h 30 à 15 h 30. «Il y a en a qui ont besoin de repos, car ils ont passé la nuit dehors et d’autres discutent, regardent la télé, lisent le journal ou vont sur internet», illustre-t-il. Des vêtements sont également distribués gratuitement et «nous sommes ouverts aux dons, car on en distribue énormément».

Toujours est-il que dans la rue, se couvrir de manteaux d’hiver ne saurait suffire. Dans nos colonnes le 4 janvier dernier, Virginie Giarmana, directrice adjointe d’Inter-Actions, faisait savoir que l’ASBL cherche depuis trois ans et demi un emplacement afin de construire une halte de nuit et répondre à la demande existante, en dépit de la WAK. Nul doute qu’une nouvelle structure, avec dix lits, ne pourra le faire mais il s’agirait tout de même d’un bon début si dix personnes de plus pouvaient être à l’abri du froid glacial qui touche actuellement le pays. En attendant de nouvelles structures ou mesures.

Plan «grand froid» en Meurthe-et-Moselle

En prévision de la vague de froid, Françoise Souliman, préfet de Meurthe-et-Moselle a décrété par arrêté l’activation du niveau 1 du plan départemental «grand froid» depuis dimanche. L’activation du niveau 1 implique un renforcement des mesures de veille sociale en vigueur dans le département pour que toute personne en difficulté et vivant à la rue puisse être mise à l’abri et se voit proposer une solution d’hébergement. En lien avec les associations du département, les horaires d’ouverture des accueils de jour sont étendus et les tournées de maraudes quotidiennes sont renforcées. Des places d’hébergement supplémentaires sont aussi mobilisées.

À Arlon, l’aide tant bien que mal

À Arlon, un plan «grand froid» a été activé depuis le 9 janvier dernier par une cellule de crise composée du plan de cohésion sociale (PCS) d’Arlon, le Centre d’action laïque (CAL) et la Croix-Rouge. L’objectif était de doubler la capacité d’accueil de l’abri de nuit, qui est passé de 22 à une quarantaine de lits, ainsi que d’élargir les horaires d’ouverture de l’abri de jour.

Malgré tout, les acteurs locaux déplorent un manque de structure puisque l’abri d’Arlon est le seul de la province. Seuls une quarantaine de lits sont donc disponibles. Or toutes les communes pourraient déclencher ce plan et mettre quelques lits à disposition dans un lieu chauffé.